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Robert Lewandowski, de zéro à héros

Par Charles Alf Lafon
6 minutes
Robert Lewandowski, de zéro à héros

En 2006, Robert Lewandowski est mis à l'écart de la réserve du Legia Varsovie, qui évolue en troisième division polonaise. L'été venu, il ne trouve un nouveau club que grâce aux relations de sa mère, ancienne joueuse pro de volley. Le 24 avril 2013, il inscrit un quadruplé contre le Real de Madrid en demi-finale aller de la Ligue des champions. Drôle de parcours pour un sacré joueur.

Lorsque Marco Reus s’effondre dans la surface madrilène à la 66e minute et que Björn Kuipers désigne le point de penalty, les regards des 65 829 spectateurs du Westfalenstadion se braquent sur un homme. À ce moment-là, Robert Lewandowski, parce que c’était lui, a déjà inscrit trois buts. Un exploit jamais accompli jusqu’alors face aux Merengues en Ligue des champions. Un triplé qui en dit long sur sa panoplie de buteur complet à la dégaine nonchalante façon Berbatov. Le premier, en renard sournois, du bout du pied, après être passé dans le dos d’un Pepe chevelu. Le second, tout en opportunisme, en placement, en vista aussi. Et que dire du dernier, ce magnifique enchaînement contrôle-roulette-praline. Mais lui veut entrer un peu plus dans l’histoire, et rejoindre le club de Marco van Basten, Andriy Shevchenko, Simone Inzaghi, Ruud van Nistelrooy, Dado Pršo, Lionel Messi, Mario Gómez et Bafétimbi Gomis. Mieux, être le premier à le faire à ce stade de la compétition. Alors Robert prend ses responsabilités. Boum. Grosse minasse en plein milieu sous la barre. Il en fallait des comme ça. Sans souci pour un mec qui vient d’aussi loin.

Merci maman, merci papa

Robert voit le jour 21 août 1988 à Varsovie. Avec de bons gênes : Krzystof, son père, champion de Pologne de judo, a aussi taquiné la gonfle dans un honnête petit club de la capitale, le Hutnik, aujourd’hui dissous. Sa mère, Iwona, était une volleyeuse professionnelle. « Il avait d’énormes réserves d’énergie. Il était petit, mince, infatigable et c’était un gagnant. Des entraîneurs voulaient le mettre à l’athlétisme, mais il ne voyait que le ballon. Il était tout le temps sur le terrain » , explique cette dernière à propos de sa progéniture au site warszawa.sport.pl. Pour preuve, lors de sa première communion, le fiston a un match à jouer. Alors le prêtre accepte de raccourcir la cérémonie, Lewy se change dans la voiture. Et marque lors de la victoire des siens.

Le jeune buteur touche ses premiers ballons au Partyzant Leszno, où le père est responsable de la formation. Première licence en 1997 au Varsovia Varsovie, ses vestiaires miteux et ses terrains sans herbe. Ses parents n’avaient tout simplement pas les moyens de l’inscrire ailleurs, mais son talent suffira. Direction le Delta début 2005, où il marque quatre buts en quatrième division. Juste récompense, il rejoint à l’intersaison les rangs de la réserve du Legia, le grand club de la capitale. On se dit alors qu’il va franchir tranquillement les échelons. Mais non. Il n’inscrit que deux tout petits buts, son équipe se morfond dans les profondeurs du classement et il finit par être écarté du groupe. Pire, c’est le secrétaire du club qui lui annonce la nouvelle. Robert est dévasté, songe à tout envoyer valser, mais sa bonne mère tire des ficelles, passe des coups de fils, court partout. Le Znicz Pruszków, dont elle a entraîné le club de volley quelques années auparavant, finit par l’enrôler pour 5000 zlotys (un peu plus de 1000 euros).

Explosion et des cendres

En troisième division, Robert se révèle, claque but sur but, finit meilleur buteur avec 15 pions et emmène son équipe en tête du championnat. L’année suivante, à l’étage supérieur, il règne de nouveau sur le classement de la spécialité (21 buts). Le Znicz ne connaît pas la même réussite, échouant à la 5e place. Mais le jeune prodige ne va pas moisir dans les divisions inférieures. Bizarrement, le Legia ne veut pas de lui. Pire, son directeur sportif balance un fameux « Qui a besoin de ce gamin quand on va avoir Mikel Arruabarrena de Tenerife ? » Pour l’histoire, le Basque ne va jouer que six matchs, ne va pas marquer et être rapidement refourgué à Eibar, en troisième division espagnole. C’est finalement le Lech Poznań, quatrième du dernier exercice, qui le braque pour un million et demi de zlotys (environ 350 000 euros). Surprenant compte tenu de la rivalité entre ces deux clubs. À Poznań, les enfants ne sont autorisés à jurer que si leur phrase contient Legia ou Varsovie. Mais Lewy va très vite se faire accepter. Premier match en Coupe de l’UEFA : remplaçant au coup d’envoi, il entre et marque. Idem pour son premier match de championnat, d’une subtile talonnade. La semaine suivante, re-UEFA, et premier doublé. En tout, six buts en un peu plus d’un mois. Des débuts qui ne laissent pas insensible le sélectionneur de l’équipe nationale, Leo Beenhakker. Pour ses débuts avec les Aigles, à tout juste 20 piges, il récidive : entrée en jeu à la 59′, but à la 67′. Propre.

Fort logiquement, Lewandowski est élu en décembre « révélation polonaise de l’année » et se retrouve en janvier dans la liste des cinquante jeunes les plus prometteurs du Times. Il ralentit un peu le rythme en ce début d’année 2009, mais finit tout de même la saison avec 14 unités au compteur. Suffisant pour que le Shakhtar Donetsk mette huit millions d’euros sur la table. Refus catégorique. Pas ingrat, Robert finit la saison suivante meilleur buteur avec 18 réalisations et permet à son club de remporter le titre de champion. Poznań ne peut plus retenir son prodige. Le Genoa tente sa chance. Blackburn aussi, mais le vol qui devait l’emmener visiter les installations est annulé à cause de l’éruption volcanique en Islande. Il atterrit finalement à Dortmund contre un chèque de 4,5 millions d’euros.

Lewandoofski

Les débuts en Allemagne sont difficiles malgré la présence au Borussia de deux compatriotes, Lukasz Piszczek et Jakub Błaszczykowski. Il faut dire aussi qu’avec ce dernier, ils ne peuvent pas se piffrer pour – entre autres – une histoire de boycott de la presse polonaise non respectée par Robert. Jürgen Klopp lui préfère Lucas Barrios à la pointe de l’attaque et certains le surnomment « Lewandoofski » après une série de ratés, « doof » signifiant stupide dans la langue de Goethe. Il clôt tout de même l’exercice avec huit buts en Bundesliga et un nouveau titre de champion dans la besace. Et surtout, Klopp compte sur lui pour la saison suivante. Au moment de sa signature, le coach le plus fou du monde s’était d’ailleurs exprimé à son sujet : « Il est le joueur le plus excitant que j’ai vu lors des 10 ou 15 dernières années. Nous avions besoin de la qualité que je peux voir chez lui. Nous avions besoin de quelqu’un de très fort dos au but, avec une très bonne technique et un bon finisseur – avec un vrai désir de marquer. » Un prophète. Avec 35 buts toutes compétitions confondues en 2011-2012 et déjà 37 cette année, Lewandowski est définitivement entré dans la cour des grands. Reste à savoir où il va s’arrêter. Des rumeurs persistantes l’envoient déjà au Bayern pour tenir compagnie à Mario Götze. Les supporters du club jaune et noir lui pardonnerait presque cet affront s’il leur ramenait la coupe aux grandes oreilles avant. Presque. Il faudra d’abord enterrer les espoirs de remontada des Madrilènes. Robert est confiant : « Nous sommes une bonne équipe et nous n’avons pas peur du Real Madrid, mais nous allons devoir très bien jouer chez eux. » Et s’il y a un pénalty, Diego López sait vers quelle paire d’yeux il devra se tourner.

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