- CAN 2010
Les nains, aussi, ont commencé petits…
Les CAN se suivent et finissent par se ressembler. Six des quart de finalistes seront les mêmes qu'il y a deux ans. Le niveau monte, les petites équipes frétillent mais les grosses cylindrées gardent la main sur les clefs du coffre.
Angola, Côte d’Ivoire, Ghana, Égypte, Nigéria… Heureusement que dans le groupe D, le Cameroun et la Tunisie ont finassé en route (du coup le perdant du match qui les oppose cet après-midi (17h) à Lubango fera ses valises ce soir) sans quoi on aurait droit aux sept mêmes quart de finalistes que ceux d’il y a deux ans au Ghana. Entendu que la Guinée était dès le départ restée à Conakry (et que l’Algérie remplace avantageusement), la seule nouveauté à l’affiche sera le Gabon (a priori) ou la Zambie (on ne sait jamais). Bref, plus le niveau monte, plus les postulants au grand huit sont nombreux, plus les seigneurs du continent gardent la (haute) main sur le business.
Durant les éliminatoires, les terrains exigus, les stades en pente douce ou les enceintes coupe-gorge permettent aux formations les plus faibles de donner le change. Lors des phases finales, dans des conditions moins… improbables sur un laps de temps ramassé (trois matchs en huit jours voire six en moins de trois semaines), la hiérarchie s’en trouve plus rectiligne. Au final, la Coupe d’Afrique des Nations propose beaucoup moins de surprises que ces alter ego des autres confédérations (Copa America, Asian Cup, Euro). Depuis l’instauration des quarts de finale en 1992, le Nigeria, le Cameroun, l’Egypte (huit chacun) et le Ghana (sept) squattent ce stade de l’épreuve. A contrario, pour une Afrique du Sud gagnante sur son sol en 1996 à sa première tentative (1), combien de pays s’invitent à une phase finale sans lendemains qui chantent ? Dans les années 2000, un petit ou un gros tiers des seize équipes qui prennent part au tournoi appartiennent au troisième ou au quatrième chapeau (2) du continent africain. Le Rwanda, le Kenya, la Libye, la Namibie, le Soudan sont passés dire bonjour. Le Zimbabwe s’est surpassé, il est venu deux fois.
En 2010, le Mozambique (pas vu depuis 12 ans) et le Malawi (absent depuis 1984) constituent les parfums de l’année. Au milieu de ces météorites, certains persistent, malgré les éliminations en cascade, comme le Burkina-Faso (que sa demi-finale à domicile en 98 a boosté) et le Bénin (1ère CAN en 2004, trois tournois sur quatre depuis). D’autres encore vont profiter des années 00 pour émerger plus durablement comme l’Angola (qui bottera les fesses des Super Eagles pour la qualif’au Mondial 2006 et qui se verrait bien remporter sa CAN), le Togo (apparu à la même Coupe du Monde allemande) et plus récemment le Gabon, magnifié par Alain Giresse. Dans un registre différent, certaines escadrilles à l’histoire très riche courent sans cesse après leur passé telle la Zambie, qui en cas de qualification aujourd’hui, mettrait fin à une longue malédiction. Au contraire des pays émergents, les Chipolopolo sont parvenus quatorze fois au tournoi final (deux finales perdues). Depuis 1988, ils n’ont raté que la fiesta tunisienne de 2004. Seul hic, alors qu’ils ont joué une finale, deux demies et un quart entre 1990 et 1996, ils n’ont plus passé le premier tour depuis cette date. Cinq tournois d’affilée dans la fange, série en cours.
En Angola, les hommes d’Hervé Renard pourraient compter six points, ils n’en ont qu’un. Malgré une paire d’attaquants (Mulenga-Chamenga) aussi fringante que peu efficace, les Chipolopolo n’émargent qu’à la 84ème place du ranking Fifa (17ème (!) nation africaine : tout un symbole). Dans une veine cousine, la République démocratique du Congo possède également un copieux CV (deux CAN dans sa gibecière, six 1/4 entre 1992 et 2006) mais ne vit plus, comme les Zambiens, avec l’illusion de pouvoir faire mieux la prochaine fois. Deuxième compet’ ratée d’affilée et dégringolade au baromètre planétaire (107ème et 27ème sur le continent). Enfin, last but not least, le Mali conjugue, lui, le gâchis sur tous les modes à tous les temps. Pendant longtemps, les Aigles furent des adeptes du « point-trop-n’en-faut ». Venaient rarement mais atteignaient la demi-finale, au moins, à chaque fois (finale en 1972, 4ème en 94, 2002, 2004). Prirent goût au truc et rempilèrent ces quatre dernières années avec leur carré d’as (Kanoute-Sissoko-Diarra-Keita) pour la même gamelle au Ghana en 2008 et ici même en Angola. Keshi a déjà sa dem’, Kanoute pense à la retraite pour pouvoir aller prier peinard. Too bad !
Le passage de vingt-quatre à trente-deux équipes en Coupe du Monde, et les deux places supplémentaires pour l’Afrique qui en ont découlé ont agi comme un formidable booster sur l’état d’esprit général. L’arrêt Bosman (et partant, ses avenants Cotonou et Malaja) a précipité en Europe la fine fleur du continent noir. A l’exception de la plupart des Égyptiens, la quasi totalité des meilleurs africains évoluent aujourd’hui sur le Vieux Continent. Les deux éléments conjugués plaident pour une émulation qui donne à tous le droit de rêver. A commencer par les plus petits. Après sa victoire sur l’Algérie (3/0), tout le Malawi croyait dur comme fer à une qualification pour les quarts de finale. Après tout, même si les gros finissent (presque) toujours par l’emporter à la fin, l’histoire de la CAN compte quand même quelques parcours étonnants et certaines surprises tonitruantes qui se sont tous arrêtés, hélas, en finale : la Libye en 1982, l’Ouganda en 78, la Guinée en 76, la Zambie en 74… Tous ? Pas tout à fait. En 1972, le Congo-Brazzaville de François M’Pelé (PSG) était venu à bout du Mali après avoir plongé le Cameroun dans un deuil en demi-finale. Le Gabon 2010 du lilliputien Giresse peut y croire à son tour. Après tout, les nains, aussi, ont commencé petits.
(1) : Sortant d’un long isolement dû à l’apartheid, les Bafana, Bafana bénéficient des insuffisances du Zimbabwe pour organiser la CAN et du boycott du Nigeria, champion d’Afrique en titre, décrété par le plus performant de ses dictateurs, l’épouvantable Sani Abacha.
(2) : Sur les cinquante-trois équipes affiliées à la confédération africaine, on peut considérer que, sur ces quatre dernières années, cinq pays dominent le continent (Cameroun, Côte d’Ivoire, Égypte, Ghana, Nigeria forment le premier chapeau) ; dix autres équipes (Af’Sud, Angola, Algérie, Gabon, Guinée, Mali, Maroc, Sénégal, Togo et Tunisie) appartiennent au 2ème chapeau et postulent, bon an, mal an, avec de la réussite et un bon tirage, à se qualifier pour un éventuel Mondial. Les trente-huit autres se scindent en deux chapeaux même si, évidemment, certaines de ces équipes (Zambie, Bénin, RDC, Burkina, Congo, Malawi) peuvent viser plus haut.
Par