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- PSG/Chelsea (1-1)
Les leçons tactiques de PSG-Chelsea 2014-2015
Le PSG est entré dans son propre Parc sur la pointe des pieds, par peur de réveiller l'ogre londonien que devait représenter ce Chelsea de José Mourinho. Mais comme à leur habitude à l'extérieur, les Blues n'avaient pas faim. Si le PSG a peu à peu pris conscience de l'opportunité qu'il avait pour finir par se montrer supérieur dans le jeu et les occasions, il aura manqué d'ambition pour traverser la Manche avec une victoire. Malgré les bons mouvements parisiens, le résultat reste extrêmement favorable à Chelsea. À Stamford Bridge, Laurent Blanc devra répéter l'exploit de Diego Simeone.
« On a eu la première période. Paris a joué avec un bloc bas, donc on a pu faire tourner le ballon et laisser le chrono avancer. Dans la seconde période, ils étaient bien plus agressifs, et ils ont réussi à récupérer le ballon rapidement. » José Mourinho le sait : c’est bien ce début de match du PSG qui nourrira le plus de regrets côté parisien. Une entame sans pressing, avec un bloc bas et même profond, dans l’attente de voir comment allait se présenter Chelsea. Or, comme à son habitude dans ces rendez-vous, José Mourinho préfère se protéger et « laisser tourner le chrono » . Le Portugais nous prive d’Oscar et du fonctionnement habituel de la paire Cesc-Matić, ce qui implique une autre conséquence : le déplacement de Fàbregas.
Entre les lignes, devant la paire Ramires-Matić, les remises de l’Espagnol sont précieuses, mais sa vision ne s’épanouit pas, comme l’aura ressenti Diego Costa. Ainsi, si le plan de jeu de Laurent Blanc a paru frileux, c’est avant tout parce qu’il était pensé pour faire face à un Chelsea armé jusqu’aux dents. Pourtant, il fallait que le PSG se comporte comme un gros sur cette scène européenne qui n’attendait que ça, et les Parisiens ont malheureusement attendu d’encaisser un but pour montrer leurs muscles. Lors de cette première phase « timide » , la fougue de Matuidi, la justesse de Zlatan et le manque de protection des Blues sur les côtés avaient tout de même permis au club de la capitale de se créer des occasions.
Le cas David Luiz
Est-ce de l’audace ou du courage que de positionner un défenseur central en sentinelle à un poste habituellement habité par un Italo-Brésilien qui aurait joué numéro 10 à une autre époque ? Non, c’est un choix avant tout défensif. D’une part, Laurent Blanc a aligné David Luiz au milieu parce qu’il n’avait pas le choix, sans Motta ni Cabaye. D’autre part, il a préféré ne pas aligner Adrien Rabiot parce que sa priorité se trouvait dans la défense et les duels, comme annoncé en conférence de presse. Comme tous les choix de grand technicien, celui-ci implique des répercussions négatives (cinq) et positives (deux).
D’une, il s’agit d’une improvisation : David Luiz n’avait pas évolué à ce poste depuis avril 2014 contre l’Atlético. Jamais, donc, avec Paris. D’ailleurs, où David Luiz a-t-il vraiment joué ? En sentinelle ? Souvent excentré pour laisser le champ ouvert à Verratti et Matuidi, il a parfois semblé perdu. Parfois, on a même cru à une ligne à trois défenseurs. De deux, le choix d’aligner un milieu défensif destructeur face à une équipe qui n’a ni l’envie ni le besoin de construire est une erreur de lecture de l’adversaire. Mourinho aurait pu jouer de façon plus agressive, mais il ne l’a pas fait. De trois, ce choix remet en cause la philosophie de jeu avancée par Laurent Blanc depuis son arrivée : le PSG préfère tout à coup défendre avec le muscle plutôt que la technique. Un choix que l’on peut qualifier de « typique » chez Laurent Blanc dans les gros rendez-vous (quart de l’Euro 2012 contre l’Espagne, Stamford Bridge l’an passé).
De quatre, ce PSG n’est pas le Chelsea de l’an passé. Alors que le positionnement de David Luiz en 6 permettait de soulager Cahill et Terry de la circulation de balle, à Paris le Brésilien n’a pas son mot à dire devant l’autorité d’un Thiago Silva qui aura souvent joué plus haut que son compatriote (une seule passe manquée, 5 longs ballons précis sur 5). De cinq, un tel positionnement était une prise de risque majeure : David Luiz a réalisé 6 fautes qui ont amené des coups de pied arrêtés dangereux alors que les situations de jeu n’en valaient pas la peine. Enfin, il y a bien deux arguments en faveur du Brésilien. D’une, le manque de garanties d’Adrien Rabiot et de santé de Javier Pastore. De deux, une hypothèse : et si les mouvements de Matuidi et Verratti n’avaient pas besoin de deux bons pieds supplémentaires, mais plutôt d’un gage de sécurité, sorte de garantie défensive placée au cas où ? C’est certainement ce qu’a voulu Blanc : se priver d’un joueur à l’élaboration pour conserver un bouclier supplémentaire au cas où il faille se protéger des contres adverses. Mais quels contres ?
Qu’aurait pu faire Laurent Blanc avec cette matière ?
Deux écoles s’opposent dans ce débat éternel. D’un côté, ceux qui persistent à dire que le talent des joueurs gagne les matchs. De l’autre, ceux qui répètent que ce qui se fait sur le terrain n’est que le reflet des idées de l’entraîneur. Pour les premiers, Blanc n’aurait pas pu obtenir plus avec une équipe aussi diminuée. Les faits vont dans le sens de la domination du PSG : les nombreuses occasions d’Ibrahimović, Cavani et Matuidi auraient pu mettre KO les Blues. Pour les autres, Blanc a trop tardé à donner de l’ambition au jeu des siens, et il pourrait le payer très cher en cas d’élimination. C’est là que vient la question la plus intéressante : si Laurent Blanc avait proposé à Verratti les deux pieds habiles de Pastore ou de Rabiot, le PSG aurait-il construit plus de jeu et moins reculé, et donc évité le but londonien ? Personne ne peut l’affirmer. En revanche, il est certain que le PSG aurait alors joué sa chance à fond, comme un grand. Avec un tel Marco Verratti, aucun entraîneur au monde ne devrait oser ne pas dicter le jeu et presser agressivement.
Zlatan Ibrahimović, sauveur du jeu
Alors, comment le PSG a-t-il finalement réussi à prendre le dessus sur l’équipe de José Mourinho ? Lors de la première phase, tout part de Zlatan Ibrahimović. Face à un Chelsea agressif, seules les réceptions habiles d’Ibra sur les longs ballons de David Luiz et Thiago Silva ont permis au PSG d’avancer. Sans réaliser un exploit (presque), le Suédois a fait ce que le PSG attendait de lui : gagner ses duels aériens (4) contre des clients comme Terry et Cahill, se montrer ambitieux (5 tirs) et venir en aide à la création offensive dans un milieu orphelin d’un créateur. Sur la tête de Matuidi, par exemple, c’est bien Zlatan qui aspire puis décale le jeu vers la gauche. Et s’il a été à l’aise lors des phases arrêtées en 10, il a aussi su s’imposer en 9 dans la surface, malgré les arrêts de Courtois.
Verratti, Matuidi, Cavani et Van der Wiel
À partir de là, le jeu parisien a été mis en relief par quatre joueurs. D’une, la circulation prise en charge par Verratti. De deux, le changement de rythme sous les ordres de Matuidi, que ce soit en milieu relayeur gauche ou en ailier collé à la ligne de touche, par un appel ou une plongée balle au pied. Ici, il faut rappeler que le gaucher se trouvait dans le couloir droit de l’intraitable Ivanović, unique à son poste. De trois, la mobilité de Cavani : ce sont bien les décrochages de l’Uruguayen qui ont permis les incursions de Matuidi sur le côté, ainsi que ses infatigables replis défensifs, qui devraient d’ailleurs finir par faire accepter son manque de finition lorsqu’il évolue à ce poste d’ « attaquant de côté » .
De quatre, la défense prudente de Van der Wiel – seulement 40 ballons touchés, contre 73 pour Maxwell – qui aura permis de contenir Hazard, pourtant bien trouvé par les décalages d’Ivanović en première période. Finalement, Cuadrado, Oscar et Rémy seront entrés pour courir après le ballon, tandis que les quatorze touches de balle du Flaco Pastore auront été insuffisantes pour un nouveau miracle, malgré une envie évidente. Et s’il était entré en jeu quinze minutes plus tôt ? Blanc craignait plus le 1-2 qu’il voulait le 2-1, tout simplement. Au retour, osera-t-il attaquer le Bridge avec Pastore titulaire, espérant ainsi répéter l’exploit de Simeone l’an passé ? Malheureusement, la dernière phrase de l’entraîneur en conférence d’après-match ne va pas dans ce sens : « On attaquera au match retour, mais on le fera intelligemment. Si l’on défend bien, un seul but pourrait suffire. » Avant de jouer comme un gros d’Europe, ne faut-il pas penser comme un gros d’Europe ?
Par Markus Kaufmann
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