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Leicester et la plaie de 1997
On pourrait presque parler d'un vieux classique. Si un Atlético-Leicester est inédit en Ligue des champions, les deux équipes se sont déjà retrouvées lors de deux des trois précédentes campagnes européennes du club anglais. Retour sur la plus vive des cicatrices des Foxes : la double confrontation au premier tour de la Coupe de l'UEFA 1997-1998.
Ian Marshall n’a pas changé. Toujours la même gueule, toujours la même bedaine. Le bonhomme a aujourd’hui plus de cinquante piges et a quitté le Royaume. L’Angleterre et lui, c’est terminé, peut-être parce qu’elle a longtemps préféré se foutre de son style. Et alors ? Alors, le vieux Ian s’est tiré au Canada et y a monté sa propre académie avec ses souvenirs et ses économies. Oui, Emmanuel Macron s’est bien planté, le monde entier n’est pas né « sous la même étoile » , mais, comme IAM le balançait en 1997, « certains naissent dans les choux et d’autres dans la merde.(…)Personne ne joue avec les mêmes cartes. » La vie des clubs de foot est pareille : certains sont fabriqués pour les honneurs avec les mêmes rendez-vous chaque année, d’autres sont condamnés à vivre pour l’éternité avec de vieilles photos du passé. Voilà ce qu’était Ian Marshall en 1997 : un joueur « peu orthodoxe » , mais un « super finisseur » comme le replaçait récemment son ancien coéquipier Muzzy Izzet.
Izzet-Marshall, un bout du Leicester de la saison 1997-1998, du Leicester de Martin O’Neill, celui de Garry Parker et Emile Heskey, celui qui venait de remporter la League Cup au printemps précédent, en deux manches, contre le Middlesbrough de Bryan Robson. Oui, le Leicester City Football Club fait partie de la seconde classe, celle des institutions qui s’accrochent aux instants et n’ont pas l’habitude de faire la fête trop souvent. Mais voilà, un titre de champion d’Angleterre soufflé il y a un an lui a filé un ticket pour la Ligue des champions et les Foxes se retrouvent sans trop savoir comment en quart de finale de la compétition mercredi soir à Madrid pour défier l’Atlético. La belle histoire continue, mais le retour au passé aussi. Car l’Atlético, c’est aussi un bout de la saison 1997-1998 du club, une année où Leicester s’était fait dégager dès le premier tour de la Coupe de l’UEFA par les Colchoneros sur deux soirées qui peinent encore, vingt ans après, à être oubliées. Et Ian Marshall y est pour quelque chose.
L’accusé Harrel
Le passé est tenace. Cette saison, Leicester vit la quatrième campagne européenne de son histoire et va croiser pour la troisième fois le regard de l’Atlético de Madrid. La première, c’était en huitième de finale de la C2 (1-1, 0-2) en 1961. La seconde, elle, est une cicatrice profonde. Retour en septembre 1997. Les Foxes de O’Neill sortent d’une fête nationale et les boules du destin leur offrent donc l’Atlético comme dépucelage en C3. « Il faut se replacer dans le contexte pour comprendre ce match, expliquait il y a quelques jours Muzzy Izzet dans les colonnes du Daily Mail. On parle déjà d’une époque où les rencontres européennes avaient une autre saveur, où les supporters étaient différents, les cultures aussi. C’était plus fanatique. Quand on est arrivés sur le terrain, à Madrid, l’atmosphère est tout de suite devenue électrique, surtout que ce n’était pas un stade moderne. » En reparlant de cette soirée plusieurs années plus tard, Ian Marshall parlera alors de l’une « des plus belles émotions de sa vie » .
Pour les supporters des Foxes, c’est avant tout le souvenir d’un joli bordel tant les autorités espagnoles auront parqué jusqu’au dernier moment des fans anglais craints comme des hooligans. Avant de les relâcher à temps pour voir le gros Marshall ouvrir le score après onze minutes de jeu. Son seul éclair avant de quitter la pelouse avec une jambe explosée lors d’un contact à la demi-heure. La suite, c’est le métier de l’Atlético de Radomic Antić : une égalisation de Juninho et un penalty de Vieri transformé après quelques patates entre Neil Lennon et Delfí Geli.
L’aller, c’est donc une défaite (1-2). Pas logique, mais pas illogique non plus. Le retour, lui, s’enclenche d’abord sur le programme du match où Marshall s’affiche les doigts imbibés de paella. À cette époque, Leicester joue encore à Filbert Street. « Nous n’avions pas peur, reprend Izzet dans des propos rapportés par le Leicester Mercury. On sentait qu’on avait une bonne chance de les sortir. On était prêts, prêts à rendre possible un scénario impossible grâce à l’hostilité de notre stade. C’était, là aussi, électrique. » Au bout, les Foxes marcheront sur l’Atlético lors d’une première période où Juanma López sera exclu. Et le ridicule. Un coup franc à l’entrée de la surface des Colchoneros, Garry Parker qui tente de surprendre tout le monde en le jouant rapidement. Trop rapidement. Le policier français Rémi Harrel sort le jaune. Le deuxième pour Parker. Ou comment casser un rêve en deux. Dans le dernier quart d’heure, Juninho et Kiko claquent deux buts. Martin O’Neill explose. Leicester est éliminé, au bout du premier tour (1-2, 0-2). Brutal et injuste pour beaucoup. Un instant que les supporters des Foxes n’ont pas oublié et dont ceux de l’Atlético n’ont probablement jamais reparlé. C’est aussi ça, ne pas naître sous la même étoile.
Par Maxime Brigand