Yoann Gourcuff peut-il transcender le 4-4-2 de son père ?
L'antithèse existe néanmoins chez les observateurs : Christian Gourcuff est adepte d'un 4-4-2 avec un milieu à plat qui « rationalise mieux l'occupation du terrain » à ses yeux, quand Yoann Gourcuff s'exprime le mieux comme meneur de jeu positionné dans l'axe derrière un ou deux attaquants. Une configuration qui l'a vu exploser à Bordeaux, ou briller par intermittence en pointe haute du milieu en losange de Lyon. Dans un éventuel 4-4-2 rennais, où pourrait-il s'exprimer au mieux ? « Milieu gauche éventuellement, s'il est associé à un latéral offensif qui prend le couloir à sa place, car Yoann n'a pas les qualités de débordement » , estime Bizeul. Comme soutien de l'attaquant en revanche, l'ancien formateur n'y croit pas trop, au contraire d'un rôle de milieu relayeur axial où il jouirait de certaines libertés. « Si on y regarde de plus près, Christian Gourcuff a toujours aimé avoir dans ses équipes lorientaises au moins un joueur qui transcendait son schéma tactique, un joueur n'étant pas un simple milieu axial ou un simple second attaquant. Aujourd'hui dans le football français, il n'y en a pas beaucoup plus à même de transcender un schéma tactique que Yoann Gourcuff. » Il ne faut cependant pas s'y tromper : selon Bizeul, Gourcuff fils ne sera pas la base d'un éventuel succès de Gourcuff père à Rennes, mais plutôt, dans le meilleur des cas, une cerise sur le gâteau.
Laisser du temps à Christian Gourcuff
« Le véritable double enjeu de leur éventuelle collaboration, c'est d'une part de laisser du temps à Christian Gourcuff pour installer son projet de jeu, qui est ambitieux car offensif, et d'autre part de laisser Yoann se focaliser sur le foot pour récupérer l'intégralité de ses moyens. » En 2002, alors qu'il avait signé pour cinq saisons, Christian Gourcuff n'avait pas tenu un an, fragilisé par des luttes de pouvoir internes et des mauvais résultats. Qu'est-ce qui a changé 14 ans plus tard pour laisser croire qu'il aura enfin les clés et le temps de poser des bases solides ? René Ruello est en position de force, contrairement à 2002, quand il avait refusé de signer la lettre de licenciement de son entraîneur et été évincé quelques mois après lui. Que le président rennais aille rechercher le technicien en dit assez long de ses intentions : relancer ce qui avait été avorté lors du premier passage de Christian Gourcuff sur le banc du SRFC. Avec pour objectif, plus qu'une position bien définie au classement, l'idée de « donner une identité de jeu à cette équipe qui en cherche une depuis longtemps » . Pas une mince affaire pour Bizeul, car « il arrive dans un contexte où le centre de formation est performant - Dembele n'est pas arrivé hier -, mais où un lourd recrutement à l'étranger a été effectué. C'est sur ce point que je suis le plus sceptique, car cela va lui prendre plus de temps pour installer ce projet de jeu. À Lorient, cela a fonctionné, car il avait imposé des principes et habitudes communes à différents niveaux du club. » Dans cette mission, Yoann Gourcuff pourrait être un relais de son père, mais aussi l'une des premières victimes d'un échec éventuel, comme le rappelle le précédent de 2002.
Pas de passe-droit pour Yoann Gourcuff
À l'époque, le fiston est au centre de formation rennais, dont le directeur Patrick Rampillon l'accepte à bras ouverts quand Christian Gourcuff propose de l'amener dans ses valises. Conformément à ce qu'il a toujours fait, Yoann adopte un profil bas et fait de son mieux pour évoluer avec les jeunes. Le licenciement de son père, il l'apprend par les autres pensionnaires du centre de formation et sent les regards changer. Il l'avouera sans ambages des années plus tard, il a mal vécu cet épisode. Ce qui paradoxalement concorde avec son éclosion sportive : surclassement et victoire en Gambardella 2003 - il marque en finale - et arrivée dans le groupe pro. Où il doit s'imposer face à certains cadres qui avaient peu goûté la philosophie de jeu du père. Ce qu'il fera définitivement durant la saison 2005-2006, qu'il effectue comme titulaire, avant de mettre les voiles pour Milan à un an de la fin de son contrat, avec la bénédiction de papa. Sa réussite initiale à Rennes, il ne la doit donc en rien à son père, comme il ne doit pas s'attendre au moindre cadeau s'il prolonge au Roazhon Park. « Un père ne peut pas mettre en avant son fils ou lui donner des passe-droit » , assure Bizeul, citant en exemple le cas Grégoire Puel, dans une situation invivable à Nice. « Seul le fils, en étant irréprochable et indiscutable, peut servir les intérêts de son père. »
Par Nicolas Jucha
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