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Et si Mourinho n’était plus Special ?
Depuis son arrivée en Espagne, José n'est plus Mourinho. Moins clasheur, usé, fatigué, l'entraineur portugais perd un à un ses records d'invincibilité et pourrait même, pour la première fois depuis ses débuts, faire une saison blanche. Tentative d'analyse.
L’envie de faire mieux que tout le monde, la soif de victoires, la volonté d’inscrire son nom dans l’histoire du football. Voici résumées brièvement les raisons de vivre de José Mourinho. Habitué à triompher partout où il a posé ses valises, le technicien portugais semble pourtant aujourd’hui touché par un mal dont on soupçonnait qu’il ne le frapperait jamais : l’usure du haut niveau. On sent le Special One moins concerné, la tête ailleurs, presque résigné. Malgré une équipe composée de joueurs du niveau de Cristiano Ronaldo, Xabi Alonso, Higuain, Di Maria, Benzema, Kaka, ou encore Ozil, son Real Madrid est à huit points du leader Barcelone. Autant dire un gouffre. Pire, deux de ses plus grandes fiertés se sont effondrées depuis qu’il travaille à Madrid : jamais il n’avait perdu par plus de trois buts d’écart, Barcelone lui en a mis cinq, jamais il n’avait perdu de match à domicile depuis neuf ans, le modeste Sporting Gijon vient de le rendre humain (0-1 au Bernabeu). Alfredo Matilla, journaliste pour le quotidien madrilène As, explique : « En Espagne, il a dû se forcer à offrir une version offensive de son football pour tenter de faire de l’ombre au Barça, et quelques fois, ça n’a pas fonctionné, ça lui a coûté des points, il a joué contre nature » .
Même sa grande spécialité, le trashtalk, semble ne plus l’amuser. La presse espagnole n’a jamais eu à se mettre sous la dent les sorties qui régalaient toute l’Italie, du temps où José coachait l’Inter. Et si Mourinho donne cette impression d’essoufflement, c’est qu’il passe beaucoup de temps à se battre. Contre son propre employeur. « Les relations entre Mourinho et le Real ont été tendues dès le début. Ça va mieux depuis que le club lui fait confiance, j’en veux pour preuve le recrutement d’un avant-centre, celui d’Adebayor en l’occurrence, qui a fait du bien à son équipe » . Jaime Rodríguez, journaliste à El Mundo, spécialiste de la maison blanche, poursuit : « Avec Valdano (directeur sportif du Real Madrid) les relations sont très mauvaises, presque inexistantes. Ils ne se sont jamais aimés et ce, avant même que le Portugais ne débarque à Madrid. Valdano, il y a quelques années, avait écrit un article peu élogieux à l’encontre de Mourinho. Ils ne se parlent plus depuis des mois et l’entraineur lui a même interdit de faire certains voyages avec l’équipe dans l’avion. Il est très probable que l’un des deux quitte le club à la fin de la saison… » .
José crie à qui veut l’entendre qu’il ne se sent pas soutenu par son club, il déclare combien la vie en Angleterre lui manque et, plus symptomatique encore, lors de la dernière cérémonie du Ballon d’Or, on l’a vu bien plus proche de ses anciens joueurs, ici dans les bras de Maicon, là les larmes aux yeux avec Sneijder, qu’avec Casillas ou Ronaldo. Ultime preuve du désamour, il n’a que très peu goûté les attaques visant un éventuel dopage à Barcelone. Pourtant jamais avare en provocations, José Mourinho attaque sur le sportif, jamais l’extra-sportif, et le dérapage orchestré par la présidence du club et relayé par la presse madrilène, l’a passablement irrité. Pour ne rien arranger, le Lusitanien se retrouve à jouer sa saison face à sa kryptonite. « Son problème, c’est de se retrouver face à l’une des plus grandes équipes de l’histoire du football, le Barcelone de Guardiola. Là, il a l’opportunité de se venger, en Champions League et lors de la finale de la Coupe du Roi » développe Jaime Rodríguez. Alfredo Matilla, son collègue à As, croit, lui, « qu’on n’a pas encore vu le vrai Mourinho en Espagne. Il est en train de prendre des forces. Il s’est rendu compte que sa stratégie de jouer les victimes n’a fait que mettre plus de pression sur ses joueurs et a fait du Real le protagoniste des médias alors que le Barça est le protagoniste du ballon. Là, dans ce mois crucial, on va voir un Mourinho au deux visages. Quand ça tournera en sa faveur, il bombera le torse et quand ça ira mal, il dira que c’est la faute des arbitres. Il fera le martyre pour, par la suite, mieux montrer son coté de winner » . Et si José n’était plus Special ? Réponse dans trois semaines.
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