- Rétro 86
- Finale
Dios et empereur
L'acier trempé allemand allait-il avoir raison de l'élasticité maradonienne ? Favorite, l'Argentine souffra face à l'irréductible volonté de vaincre teutonne. Avant que Maradona n'envoie Burruchaga et son pays au paradis.
La victoire argentine s’est-elle décidée au moment du dernier coup de patte de Burruchaga devant Schumacher ? Ou alors à Barranquilla, en Colombie ? Pour apaiser un vestiaire déchiré autour de ses deux figures, le jouisseur Maradona, et l’autoritaire Passarella, une réunion de crise avait été organisée pour tout se dire entre quatre murs. “Tous les éléments de dissensions avaient été évoqués, se souvient Héctor Miguel Zelada, troisième gardien de l’Albiceleste, le conflit autour du financement des déplacements des barras bravas, la rivalité pour le brassard de capitaine, les conflits de personne” “ Cette réunion a été très dure, très forte, ajoute celui qui gardait alors les buts de l’America Mexico, mais je crois vraiment que c’est à ce moment qu’est né un groupe, que se sont limées les aspérités.”
Malgré la main plus diabolique que divine de Maradona, cette finale représentait une sorte d’affrontement entre le bien et le mal, entre une Argentine portée par un Diez en lévitation, et une Allemagne lourdingue, qui dût recourir à un coup-franc dévié pour écarter le Maroc, puis bénéficier d’un but refusé au Mexique et s’en remettre à la loterie des tirs aux buts, pour intégrer le dernier carré. Dans son parcours mondialiste, seule sa demi-finale face aux Bleus pouvait être considérée comme une victoire indiscutable.
Comme si l’Albiceleste avait absorbé le meilleur de l’Allemagne … ou de l’Italie, que Bilardo admirait tant, l’Argentine profitait d’un coup-franc tiré par Jorge Burruchaga et repris de la tête par le défenseur central, José Luis Brown, pour ouvrir le score devant les 115000 personnes du monstrueux stade aztèque. A la 55e minute, Jorge Valdano, présent à la source et à l’embouchure de l’action, dévalait le terrain comme un rafting un torrent pour venir doubler la mise. Le futur-ex directeur sportif du Real Madrid confessa après coup avoir été habité de la certitude que sa course le ferait entrer dans l’Histoire. Sans doute, comme Giresse, à Séville, quatre ans auparavant.
Comme en Espagne, Rummenigge apparut alors pour dramatiser la partie. Le corner était tiré par Brehme, dévié par Völler, et repris par l’attaquant le plus léthal des eighties (74e). Huit minutes plus tard, reproduction du même schéma, avec cette fois, Berthold en remiseur, pour Völler, qui ajustait Pumpido à bout portant d’une tête de renard. À l’aube du coup d’envoi du Mondial, le dieu Maradona s’était fait prophète : “J’aimerais rencontrer l’Allemagne en finale, c’est l’équipe que j’admire le plus.”
Loin de s’agenouiller devant le réalisme allemand, le pied gauche de Diego envoyait cependant la RFA réviser ses classiques, en la crucifiant à deux petites minutes du terme du temps réglementaire : une ouverture d’une clairvoyance insensée, une offrande que Jorge Burruchaga ne pouvait décliner. Le chapitre final d’un film qui menaçait de tourner à la tragédie pour l’Albiceleste. Mais ce Mondial était bien le sien, et celui de Maradona avant tout, empereur du stade aztèque.
Le résumé de la finale :
Par Marcelo Assaf et Thomas Goubin, au Mexique
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