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  • Euro 2020
  • 8es
  • France-Suisse (3-3, 4-5 aux tab)

Deschamps, la disasterclass

Par Fabien Gelinat
5 minutes
Deschamps, la disasterclass

Symbole d’une équipe de France qui gagne depuis son arrivée à la tête de l’équipe de France, Didier Deschamps a subi ce lundi soir la première grosse désillusion de son mandat avec les Bleus en étant sorti dès les huitièmes de finale de l’Euro 2020 par la Suisse (3-3, 4-5 aux tab). Une défaite où sa part de responsabilité est grande, tant il s’est planté de A à Z sur cette confrontation, de la composition de départ à l’imbroglio Coman, en passant par la sortie prématurée de Griezmann.

Le regard vide, l’inquiétude apparente sur le visage et la mâchoire crispée. L’attitude de Didier Deschamps au cours de la première mi-temps trahissait ses pensées : le sélectionneur de l’équipe de France était complètement perdu, alors que ses joueurs, menés 0-1 à la suite de l’ouverture du score de Seferović à la 15e minute, erraient comme des âmes mortes sur le terrain. Une manière de se comporter très inhabituelle du tacticien français qui laissait présager un tremblement de terre imminent et qui s’est finalement produit deux heures plus tard, après le tir au but de Kylian Mbappé arrêté par Yann Sommer. Oui, la France est déjà dehors dans cet Euro 2020, sans même avoir pu rallier les quarts de finale, et imputer la responsabilité de cet affront à Didier Deschamps est un doux euphémisme.

Une approche complètement loupée

Lorsqu’il avait été interrogé en conférence de presse vendredi sur la tactique choisie, et une potentielle défense à trois face à la Suisse, DD avait usé de sa traditionnelle pirouette. « C’est une option, qui peut être prise ou pas. Je l’ai fait à l’automne, rappelait d’ailleurs l’ancien coach de l’Olympique de Marseille. Après, je reviens à ce que je vous ai toujours dit : je fais des choix pour être le plus dangereux pour l’adversaire. » S’adapter à l’adversaire donc, au risque de se lancer sur un schéma tactique qu’il n’a en effet utilisé qu’à deux reprises en Ligue des nations (pour deux succès, 0-1 en Suède et 4-2 face à la Croatie), tel est le pari osé qu’a décidé de prendre Deschamps. Une approche du match qui traduisait déjà son scepticisme quant à cette rencontre, car en refusant délibérément une défense à quatre avec Kimpembe ou Rabiot en arrière gauche afin que sa doublette Pogba-Kanté, ainsi que son trio Mbappé-Griezmann-Benzema restent intacts, DD a créé un énorme déséquilibre dans son équipe en laissant des espaces béants aux milieux suisses, tout en perdant le peu de sérénité défensive qu’il possédait.

Que ce soit Pavard, constamment débordé sur son couloir droit, ou encore Lenglet, joujou de Seferović sur le premier but de la rencontre et qui sera remplacé dès la pause, jamais les Bleus n’ont paru en mesure de contrôler les offensives de la Nati. Le 3-5-2 aura donc tenu une grosse trentaine de minutes avant de disparaître au moment d’une pause improvisée après l’invasion d’un streaker sur la pelouse. Retour à un système plus traditionnel, mais pas forcément plus cohérent, qui oscillait entre 4-4-2 losange et 4-3-3, signe que l’entraîneur des champions du monde 2018 ne savait pas vraiment où se situer et ne possédait aucune maîtrise sur la rencontre.

Perte de contrôle

Et pourtant, en l’espace de vingt minutes, les Bleus avaient retourné le match, et l’affaire semblait conclue. Du penalty de Rodríguez superbement arrêté par Lloris – son premier depuis 9 ans chez les Bleus – à la frappe en pleine lucarne de Pogba, en passant par le doublé express de Benzema, l’équipe de France possédait deux buts d’avance à quinze minutes de la fin du temps réglementaire et se dirigeait vers les quarts de finale après une petite frayeur. Le tout sans que DD n’ait vraiment agi en ce sens et sans avoir procédé à d’autres changements que l’entrée de Coman. Du moins, jusqu’à la sortie surprenante de Griezmann, à la 88e minute, pour l’entrée de Moussa Sissoko alors que la Suisse avait réduit l’écart quelques minutes plus tôt sur une nouvelle tête de Seferović. Une décision qui interpelle au regard des efforts défensifs produits par Grizi par rapport à ses deux compères d’attaque, et un choix puni quelques instants plus tard par l’égalisation de Gavranović. « On avait fait ce qu’il fallait pour mener 3-1, puis on a été gagné par un peu de fébrilité, alors qu’on n’en a pas l’habitude », a d’ailleurs lâché Deschamps après la rencontre.

Une fébrilité qui l’a surtout gagné au moment de faire des changements, que ce soit avec Griezmann donc, mais aussi Coman. Blessé au début de la prolongation, l’ailier bavarois a préféré faire la tête de mule pour rester sur le terrain malgré un physique clairement diminué, en insistant auprès du staff médical, mais aussi de Deschamps pour rester sur la pelouse. Un cirque qui durera plus de dix minutes, mi-temps de prolongation incluse durant laquelle Coman s’est montré véhément face à son sélectionneur… et a obtenu gain de cause pour quelques minutes supplémentaires, avant de finalement céder sa place à Marcus Thuram. Un aveu de faiblesse de Deschamps, qui s’est fait inutilement embobiner par son joueur, alors que l’attaquant du Borussia Mönchengladbach continuait son échauffement au bord du terrain, incrédule comme tous les téléspectateurs face à cette scène ubuesque.

In fine, la force mentale et collective des Bleus, si chère au sélectionneur de 52 ans, s’est désintégrée au pire des moments pour donner l’opportunité à son adversaire du soir de passer un tour à élimination directe pour la première fois de son histoire depuis 1938, soit il y a 83 ans. Une statistique qui appartient désormais au passé, tout comme l’insolente réussite promise à Deschamps depuis 2018.

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