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Darder, salut l’artiste

Par Maxime Feuillet
6 minutes
Darder, salut l’artiste

Deux ans après son arrivée entre Rhône et Saône, Sergi Darder quitte l’OL sans jamais avoir vraiment réussi à s’imposer dans le collectif rhodanien. Le milieu espagnol rentre au pays, du côté de l’Espanyol Barcelone, son club formateur, avec qui les Gones se sont entendus pour un prêt avec option d’achat à hauteur de huit millions d’euros.

Le geste est soudain, pur, parfaitement maîtrisé, insolemment exécuté. Ce dimanche 28 février 2016, Sergi Darder, à la réception d’un centre de Rafael, mystifie Thiago Silva dans la surface de réparation d’un génial coup du sombrero avant d’ajuster Kevin Trapp d’un subtile extérieur du pied en extension. Les 55 000 supporters lyonnais ayant bravé le froid de cette rude soirée hivernale pour s’installer dans les travées du Parc OL exultent. Juste avant la mi-temps de cet OL-PSG, le milieu espagnol permet aux Gones de faire le break contre l’ogre parisien, alors invaincu en championnat à l’aube de cette vingt-huitième journée, après une première banderille plantée par Maxwel Cornet en début de match. En tribune présidentielle, Jean-Michel Aulas, large sourire aux lèvres, saute dans les bras de Gérard Collomb, le maire de Lyon. Sauf qu’en football comme en politique, les choses peuvent évoluer de manière très rapide. Un an et demi plus tard, Gérard Collomb a troqué son hôtel de ville contre le ministère de l’Intérieur, et le président de l’OL fait ses adieux à son milieu de terrain espagnol, prêté pour une saison à l’Espanyol Barcelone, son club formateur, avec une option d’achat fixée à huit millions d’euros. Les Gones se séparent d’un de leurs joueurs les plus talentueux, qui n’aura cependant jamais vraiment réussi à s’adapter au jeu proposé en Ligue 1.

« Mon rôle est de rendre les autres meilleurs »

Cible prioritaire de la cellule de recrutement de l’OL à l’été 2015, l’international espoirs espagnol rejoignait la capitale des Gaules dans les dernières heures du mercato, déclinant du même coup les propositions de l’Inter, Porto ou la Roma. En filant douze millions d’euros à Málaga pour s’attacher ses services, les Gones réalisaient alors leur plus gros transfert depuis les vingt-deux millions d’euros alignés cinq années auparavant pour enrôler Yoann Gourcuff. Au sortir d’une saison qui les avait vus titiller le Paris Saint-Germain jusque dans les dernières journées du championnat, grâce notamment à l’émergence des jeunes pousses (Umtiti, Tolisso) et du duo Fekir-Lacazette, l’OL se voulait ambitieux au moment de délaisser Gerland pour le nouveau stade et de retrouver la Ligue des champions. Le profil de Sergi Darder devait alors parfaitement se marier au système en losange utilisé par Hubert Fournier dans un poste de relayeur aux côtés de Corentin Tolisso.

Sauf que le début de saison lyonnais est poussif et les résultats ne suivent pas. Orphelin de Nabil Fekir, blessé, sur le front de l’attaque, Lacazette peine à se montrer décisif, et les critiques pleuvent sur les recrues Claudio Beauvue, Mathieu Valbuena, Mapou Yanga-Mbiwa et donc Sergi Darder, jugées pas assez convaincantes. Après une série de cinq défaites en six matchs en décembre, précédée d’une piètre élimination en C1 (dans un groupe aux côtés du Zénith, Valence et La Gantoise), Jean-Michel Aulas décide de se séparer de son entraîneur Hubert Fournier et nomme son adjoint Bruno Génésio à la tête de l’équipe première. L’OL change alors de système et délaisse le 4-4-2 losange instauré à l’époque par Rémi Garde pour un schéma de jeu en 4-3-3. L’Espagnol est alors mis en concurrence avec Jordan Ferri pour une place au milieu de terrain aux côtés de Tolisso et Gonalons.

Si sa vision du jeu et sa qualité de passe font mouche en fin de saison dans la lutte à distance avec Monaco pour la deuxième place, le numéro 14 des Gones, parfois transparent et souvent dominé dans les duels, peine à exercer une réelle influence sur le jeu rhodanien. Interrogé à ce sujet dans les colonnes de L’Équipe début août, le joueur de 23 ans assumait ses responsabilités et répondait aux critiques : « Tout le monde pense que je peux faire plus, mais je ne suis pas Nabil qui peut gagner un match seul. Mon rôle est de rendre les autres meilleurs. Distribuer et faire les choses simplement, voilà mon credo. C’est mon éducation foot. Je peux sortir du pressing par ma passe sur les côtés, me proposer en appui, voir le mouvement de mes partenaires, casser les lignes. Mais je ne gagnerai jamais un duel contre un gars de 1,90 m, je dois trouver mon espace, ces deux mètres qui me séparent de mon adversaire direct et qui peuvent faire la différence au moment où je reçois la balle. »

« Ici, si tu ne vas pas au duel, au un-contre-un, tu es nul »

Jugé trop tendre à la récupération et pas assez utile à l’animation offensive en fin de saison dernière, Sergi Darder n’entrait plus véritablement dans les plans de Bruno Génésio, qui lui préférait un milieu à deux récupérateurs Gonalons-Tousart derrière Corentin Tolisso. « Les six derniers mois, l’entraîneur a été sincère et m’a dit qu’il ne me voyait pas dans son système. Je l’accepte, même si ça a été dur à vivre. Dans le style qu’on pratiquait, une sorte de 4-2-4, les deux récupérateurs devaient être plus costauds, expliquait Darder à L’Équipe avant de pointer du doigt les différences entre Liga et Ligue 1. Ici, on aime les milieux physiques, moins en Espagne. Si tu vois, en Espagne, un joueur qui ne sait pas toucher le ballon, on va dire qu’il est nul. Ici, si tu ne vas pas au duel, au un-contre-un, tu es nul… Quand je rentrerai en Espagne, j’aurai beaucoup progressé, beaucoup appris. »

Le milieu espagnol, qui a toujours bénéficié du soutien de la majorité des supporters lyonnais très actifs sur les réseaux sociaux, pensait profiter des départs de Gonalons et Tolisso pour gagner sa place de titulaire cette année. « Cette saison, j’ai la sensation que ça va dans la bonne direction, qu’on pratique un jeu plus fluide. À moi de gagner ma place. Mais le mercato n’est pas fini. Et si on signe un milieu, que vais-je devenir ? J’attends d’en discuter avec le coach et le président. » Entre-temps, Jean-Michel Aulas et Bruno Génésio ont accueilli Pape Cheikh Diop (20 ans) du Celta de Vigo, un milieu récupérateur « box to box » qui évolue dans un registre plus athlétique que Darder avant de se pencher sur le jeune Amiénois Tanguy Ndombele (20 ans). La concurrence devenait alors trop rude pour Darder, fragilisé par un carton rouge évitable (deux jaunes en trois minutes) récolté en première période contre Bordeaux, qui avait coûté cher aux Gones en fin de partie (3-3). « Je suis jeune, j’ai envie de jouer même si je dois baisser mon niveau de club. Sincèrement, je pensais qu’on m’aurait dit de partir. J’ai très envie de rester, car ma femme et moi, on aime la ville, le club et j’ai la sensation que ça peut changer dans le système actuel. J’ai donc hâte de débuter… » Finalement désireux de quitter l’OL, selon les dires de JMA, Darder poursuivra sa carrière là où tout a commencé, sous les couleurs de l’Espanyol Barcelone, une tunique qu’il a déjà portée de 2007 à 2013 dans les catégories de jeunes. Sergi rentre au pays, dans un championnat qu’il connaît sur le bout des ongles, un championnat plus adapté à ses qualités, qui saura apprécier toute l’étendue de sa palette technique. Bon vent, l’artiste.

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Un espoir lyonnais s’envole vers la Juventus
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