- Copa America 2011
Ce qu’il faut retenir de la Copa America
L'Uruguay, incontestable vainqueur. Des géants aux pieds d'argile. Des petits qui grandissent. Et l'insolent parcours du Paraguay qui va jusqu'à susciter des idées de réforme. Quelques leçons de cette Copa America 2011.
L’Uruguay, au plus haut des Cieux
Quand une équipe applique fermement des principes sans jamais s’écarter de sa ligne directrice, et qu’elle dispose de quelques joueurs au-dessus du lot, la réussite se met souvent de son côté. Exemple, avec la Celeste, des pénaltys contre l’Argentine jusqu’à un troisième but de la finale, qui ne pouvait manquer au programme de l’apothéose dominicale des Charruas. Certifiée meilleure équipe d’Amérique latine pour avoir soulevé la Copa America, l’Uruguay l’est avant tout par la qualité du jeu développé, où se distingue une panoplie d’approches offensives sans égal sur le continent, et sans doute au-delà : jeu long et coups de pied arrêtés de Diego Forlan, capacité à passer dans l’axe par petites passes ou par l’habilité d’un Luis Suarez pas loin d’être le meilleur à son poste à l’échelle planétaire, mais aussi l’immense soutien apporté par les deux Pereira, latéraux en position plus ou moins avancée. Équipe de tradition qui a su se réinventer, l’Uruguay reste un référent sur ses bases arrières, sa qualité ancestrale. L’addition de ces vertus ne serait rien sans l’unité manifeste d’un groupe, formé par l’alchimiste Tabarez. Un groupe dans lequel se fondent sans attendre les nouveaux venus, à l’image d’un Sebastian Coates, élu meilleur jeune du tournoi. Seul représentant du continent en demi-finale du Mondial il y a un an, l’Uruguay est incontestablement la meilleure nation d’Amérique du Sud.
Le Brésil et l’Argentine en crise ?
Pour qui faut-il le plus s’inquiéter ? Pour l’hôte qui a bénéficié de l’alignement d’une sélection moins de 23 du Costa-Rica pour remporter son seul match du tournoi, ou pour des Auriverde supérieurs mais malheureux face au Paraguay ? La réponse se trouve, en partie, dans la réponse. Car le véritable drame argentin n’est pas contenu dans son élimination au terme du bouillant derby du Rio de la Plata, mais plutôt dans l’incohérence d’une équipe dont l’abondance de biens offensifs semble lui nuire plutôt que lui profiter, et dont les bases arrières ne sont tout simplement pas au niveau. Après l’humiliante élimination en quarts, l’Argentine n’a pas ruminé la défaite, mais s’est de suite projetée vers la perspective d’un échec lors des éliminatoires pour la Coupe du Monde 2014. Une peur qui devrait conduire au licenciement de Sergio Batista très bientôt.
Au Brésil, en revanche, on ne change pas un sélectionneur qui échoue. Les débuts de la Seleçao ont certes été laborieux, mais lors du dernier match de poule, puis en quart de finale, les homme de Mano Menezes ont exhibé un fonctionnement collectif intéressant, avec quelques prestations d’excellence, comme celles d’André Santos ou de Ramires. Avec une défense axiale où David Luiz pourrait rapidement prendre la relève de l’ancien combattant Lucio, les Auriverde peuvent voir venir. Plus encore que l’âge de Neymar et Ganso, ou leur éventuelle surcote, le Brésil a surtout pâti de l’absence d’un réel buteur, l’attaquant de Santos se montrant (encore) trop tendre, et Pato peinant à sortir de son rôle de deuxième attaquant. Qualifié d’office pour son Mondial, le Brésil a trois ans pour faire grandir Neymar, ou convertir Pato – qui n’a pas encore 22 ans, rappelons-le – en assassin, voire miser sur un nouveau joyau, ou d’en appeler aux super-pouvoirs d’Hulk. Cela pourrait s’avérer suffisant.
Un niveau homogénéisé
Si les grands ont manqué leur Copa, c’est aussi que les petits l’ont réussie. A part le Mexique et le Costa-Rica, pénalisés par les ordres de la CONCACAF, a-t-on aperçu une sélection réellement faible lors des trois semaines de tournoi ? La Bolivie, peut-être, mais c’est bien tout. Sont notamment à surligner en rouge, les parcours du Pérou et du Vénézuela, menés par deux généraux auxquels leurs soldats répondent au doigt et à l’œil. Formatée par le jeune et ambitieux César Farias, la Vinotinto a ainsi accéléré sa progression constante observée depuis une dizaine d’années, en atteignant son premier dernier carré continental. Comme l’Uruguay, mais avec un talent inférieur contenu dans ses rangs, le Vénézuela sait à quoi il joue, et fut même à deux doigts de Justo Villar et de ses poteaux, d’accéder à la finale. Repris en main par le madré Markarian, le Pérou a, lui aussi, exhibé une immense force de caractère, ne paniquant jamais devant les offensives adverses, et attendant le moment idoine pour planter son opposant dans le dos grâce aux exceptionnels Guerrero et Vargas. Voilà deux sélections qui ambitionnent désormais légitimement 2014. Mais il n’y aura pas de place pour tout le monde.
Une Copa immonde et à réformer ?
Des 0-0 à foison, deux géants décevants, et une équipe parvenue en finale sans avoir remporté le moindre match avant la séance de tirs au but, la Copa America a eu raison de tous les clichés lui collant à la peau. Est-ce finalement un mal ? La version exotique d’un football latino débridé – qui ne l’est plus depuis longtemps, s’il l’avait vraiment été un jour (cf. les traditions uruguayennes et paraguayennes) – devait être un jour battue en brèche pour de bon. Voilà qui est fait, et bien fait. Reste que le parcours du Paraguay, qui a scandalisé tout un continent, à l’exception du pays guarani, a fait naître l’idée d’une nouvelle formule, avec l’intégration définitive des nations de la CONCACAF, qui disputent actuellement le tournoi au bénéfice du statut d’invité. Six équipes de la zone centro et nord-américaine viendraient étoffer la Copa pour former quatre groupes de quatre et mettre ainsi fin à la qualification des meilleurs troisièmes, qui sont trop souvent de mauvais avant-derniers. Le calendrier de la Copa se calquerait alors sur celui du Championnat d’Europe, et les éditions de la Gold Cup ne coïncideraient plus avec le tournoi sud-américain. Les dirigeants de la CONMEBOL et de la CONCACAF plancheraient déjà sur la bête. Parviendront-ils à faire coïncider leurs intérêts trop souvent divergents ?
Thomas Goubin
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