« Soleil, samba et fusillades »
Après l’Argentine, la série Hooligans FC diffusée sur Discovery Channel débarque au Brésil pour une deuxième étape sud-américaine. A peine le temps de boire une caïpirinha et Danny Dyer, l’impayable présentateur de la série, nous emmène à la rencontre des “torcidas”, les groupes organisés de supporters brésiliens.
“Torcedores” telle est la douce appellation des supporters au Brésil. Quant à l’expression « fazer una torcida de » Corinthians, Botafogo ou plus rarement Figueirense, elle signifie soutenir l’un de ces clubs. A partir de la fin des années 1960, des groupes de supporters se qualifiant de “torcida” se sont développés dans tout le pays jusqu’à rassembler des dizaines de milliers de membres : la plus importante, celle des Corinthians de Sao Paulo, créée il y a 37 ans, en recense plus de 65 000 !
Tous passionnés de foot et de danse brésilienne, ils ne se contentent pas d’ambiancer les stades. Ils organisent aussi fêtes et spectacles voire animent une école de samba. Les hooligans ne sont donc pas majoritaires au sein des torcidas. Mais de petites bandes s’affrontent durement, parfois à l’arme à feu. Les premiers morts sont relevés dans les années 70. Sur les vingt dernières années, on compte pas moins de 70 meurtres. Pour reprendre un bon mot de Danny, le football au Brésil, c’est « soleil, samba et fusillades » .
Sur des airs de samba, justement, Danny pénètre dans le local de la “Raça Rubro Negra” (race rouge et noire), la torcida du club de Flamengo, dans un quartier un peu craignos de Rio. Après une bière et une petite danse, leur président Paulo et ses amis affirment qu’ils n’usent de la violence que pour se défendre. « C’était mieux avant » , soupire un ancien qui regrette le temps où l’on s’affrontait à coups de poings.
Au nord de Rio, la “Força Jovem” (jeune force), torcida du club de Vasco, redoute les déplacements dans les autres états du Brésil, de plus en plus dangereux. En raison du coût du voyage et de la longueur du trajet, les supporters ne se déplacent plus en nombre. « Nous sommes devenus très vulnérables. On nous attend toujours sur l’autoroute à la sortie de Sao Paulo pour nous tirer dessus » .
Pour en savoir plus sur l’usage des armes, Danny va à la rencontre de la “Mancha Verde” (tache verte), torcida du club de Palmeiras. Son président, Janio, prône la discipline (il pratique les arts martiaux) et demande à Danny de respecter leur code couleur vestimentaire pour pénétrer dans leur local. Polo Lacoste vert pomme sur le dos, Danny écoute Rafa, le tatoueur de la Mancha : « J’aime le hooliganisme, dit-il. La baston pure et dure ! Nous détestons les armes à feu. On rêve de pouvoir se battre librement contre nos adversaires. Mais ça ne se passe plus comme ça au Brésil » . En effet.
Le fondateur de la Mancha, Cléo, a été abattu par un supporter des Corinthians. « Il est mort en martyr, expliquent-ils à Danny. Il nous a appris à aimer Palmeiras ! » . En 2005, Diogo Borges, un autre membre, meurt d’une balle reçue dans le dos. Emouvant témoignage de son père, membre lui aussi de la torcida de Palmeiras : « J’ai perdu un fils, mais j’en ai gagné beaucoup d’autres » .
Seuls à témoigner en masquant leurs visages, les membres du “Geral do Grêmio” (les gradins de Grêmio) de Porto Alegre, préfèrent de loin la bière à la samba. Devant quelques trophées, maillots et écharpes volés aux supporters de Flamengo, ils revendiquent l’usage de la force : « On les a braqués avec des flingues et des couteaux, mais on ne les a pas touchés. On leur a juste dit que s’ils voulaient les récupérer, ils n’avaient qu’à venir. On les attend » .
L’épisode brésilien s’achève, avec suspense, dans le bus de l’héroïque Mancha Verde. Six heures de voyage pour un match sans enjeu…et pas grand monde. Excepté Rafa le tatoueur, toujours fidèle au poste. Il s’est même éclipsé de son propre mariage pour assister à un match amical de Palmeiras contre une équipe de 2e division ! Sa femme a fini par le quitter. On se demande bien pourquoi. Il ne voit pas plus sa fille Isadora, dont il a pourtant le prénom tatoué sur le bras (à côté de Jimmy Hendrix, de sa mère et du gardien de but de Palmeiras !). « J’ai la Mancha dans la peau » .
Peu nombreux, les Manchas Verdes craignent une éventuelle embuscade des fans de Botafogo, autre club de Rio, qui ont promis de les accueillir à coups de feu ! Au retour, ils sont escortés par la police jusqu’à la sortie de la ville, car ils se sont déjà fait tirer dessus à deux reprises dans la saison. Le bus de la Mancha est maintenant loin de Rio, la tension est retombée. Soudain, trois coups de feu éclatent. On leur tire dessus depuis une voiture qui les poursuit. Rafa a « senti le souffle de la balle » et confesse face caméra son soulagement d’être en vie. « Enfoirés de hooligans ! C’est un putain de problème au Brésil ! J’ai failli mourir sans dire au revoir à ma fille » .
Antoine Lech, avec Quentin Blandin.
Hooligans FC tous les lundis soirs à 22h35 sur Discovery Channel. Rediffusion à 0h20 dans la nuit du samedi au dimanche. Cette semaine : Brésil. La semaine prochaine : Turquie.
Précédentes chroniques :
Présentation générale de la série et Angleterre :
Pologne, Russie et Argentine :