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Wesley Ngo Baheng : « Je n’avais pourtant jamais signé à Gateshead… »

Propos recueillis par Nicolas Taiana
Wesley Ngo Baheng : « Je n’avais pourtant jamais signé à Gateshead… »

Les fous de Football Manager le reconnaîtront peut-être. Il fait partie de la longue liste des cracks surévalués du jeu. Dans la vraie vie, Wesley Ngo Baheng quitte Newcastle en 2010 pour un aller simple vers l'oubli. Ou presque. Jonny Sharples, jeune geek britannique, en fait son goleador à Gateshead dans FM10 et son idole suprême, au point de lui écrire une chanson, modifier sa page Wikipédia, créer un tee-shirt à sa gloire et floquer le maillot de l'équipe à son nom. Quelques mois plus tard, le natif du Blanc-Mesnil se retrouve réellement à l'essai dans le modeste club de la banlieue de Newcastle…

En 2007, tu quittes les jeunes du Havre pour atterrir à Newcastle. Comment ça s’est passé ?

Le Havre me proposait un contrat stagiaire et j’avais des contacts avec Sam Allardyce, parce que je l’avais rencontré à Bolton. Après, il a signé à Newcastle en juillet et il comptait beaucoup sur moi. Bon choix ou mauvais, j’ai signé pro trois ans.

Tu as été repéré directement par Sam Allardyce ?

En fait, on avait un intermédiaire, qui m’avait ramené à Bolton en essai, mais j’y suis allé illégalement. Moi, je le savais pas. J’étais avec des agents qui m’avaient menti, ils m’avaient dit que Le Havre était OK. L’essai avait été très concluant, j’avais 16 ans et je m’étais entraîné avec les professionnels. Sam Allardyce avait vraiment apprécié mon jeu et il voulait me faire signer. Mais après, Bolton s’est rendu compte que l’essai avait été fait illégalement, ils se sont excusés auprès du Havre, etc. Moi, ça m’a mis en porte-à-faux avec Le Havre alors que ça faisait sept ans que j’étais là-bas. Du coup, j’ai refusé le contrat qu’ils me proposaient, et Sam Allardyce a souhaité que je le rejoigne à Newcastle.

Finalement, tu ne joues pas et tu te fais les croisés…

Les six premiers mois, je n’ai pas joué. Il y avait un problème avec ma licence, vu que Le Havre essayait de me bloquer au maximum. Je m’entraînais avec le groupe pro, mais je jouais avec la réserve. Puis, je me suis fait les croisés en mai 2008. Et c’était dommage parce qu’en championnat, il n’y avait plus rien à jouer et Kevin Keegan (le remplaçant d’Allardyce, ndlr) voulait faire jouer les jeunes. La saison d’après, j’ai dû jouer un mois et demi, deux mois… En revanche, la dernière saison, le premier match amical, j’étais titulaire avec les pros, tous les matchs de championnat, j’étais sur le banc et j’ai fini meilleur buteur des réserves. Le coach voulait me faire jouer, mais je me suis claqué en novembre. J’ai pas totalement guéri et j’ai été absent trois mois. J’arrivais en fin de contrat, et le club a longuement hésité, il croyait beaucoup en moi, mais c’était compliqué avec mes blessures. On a pris la décision d’arrêter là. Comme le club remontait en Premier League, ils ont mis une enveloppe assez conséquente et ils nous ont fait comprendre que pour les jeunes, ça allait être compliqué.

Il était comment Allardyce ?

C’est un fou ! (Rires) Déjà, même physiquement, il est impressionnant. Souvent, aux entraînements, il avait un petit micro et tout autour du terrain, il y avait des grosses baffles. Quand il te criait dessus, ça résonnait ! (Il rit) Sinon, quand il a une équipe, il veut être le papa de tout le monde. C’est vraiment quelqu’un de très affectif. Il est dur, très dur, mais il fait vraiment la part des choses entre l’homme et le footballeur. Dans un monde où les footballeurs sont un peu perdus, parce qu’ils sont mal entourés, qu’ils gèrent mal l’argent, etc, c’est le genre de type qu’il faut. Après, techniquement parlant, c’est pas le meilleur entraîneur. Il a pas vraiment de fonds de jeu, mais ça, je l’apprends à personne. Lui, c’est beaucoup de kick and rush. Je me rappelle à l’entraînement, on faisait une mise en place, et José Enrique fait une relance au sol, calme, à l’espagnole. Il lui a crié dessus comme pas possible : « Non, le premier ballon, c’est devant ! » Quand t’arrives de l’étranger, ça fait bizarre.

Finalement, tu te retrouves sans club et en novembre 2010, te voilà à l’essai à Gateshead. La légende raconte que c’est grâce à un fou furieux de Football Manager, Jonny Sharples, que tu te retrouves là…

Non. Je devais signer à Ingolstadt, qui est aujourd’hui en Bundesliga. Je fais la visite médicale, mais deux semaines après, l’entraîneur se fait virer. Un nouveau est arrivé et il a ramené des attaquants en prêt et je me suis retrouvé sans club. J’avais d’autres opportunités, mais j’avais fermé la porte à tout le monde parce que pour moi, Ingolstadt, ça allait se faire. Donc j’attendais… J’avais placé un ami à moi (Stéphane Pelonde, ndlr) à Gateshead, avec qui j’étais au Havre. Je suis resté en contact avec l’entraîneur et il était d’accord pour que je vienne. Mais quand j’y étais, Aldershot m’a appelé. Je me suis dit que j’allais peut-être remonter plus vite là-bas, donc je suis parti.

Donc pas de lien avec ce type pour qui tu marquais dans FM ?

Même pas. Les supporters de Gateshead sont plus ou moins les supporters de Newcastle. J’avais fait un match amical avec eux et j’ai marqué en plus. Quand ils ont vu mon nom, ils étaient super contents. Ça faisait deux, trois mois que j’avais quitté Newcastle et j’avais une très bonne relation avec les supporters. Mais l’histoire du maillot (Sharples a fait floquer un maillot de Gateshead à son nom, ndlr), elle est arrivée après. Vu qu’il avait modifié ma page Wikipédia, les gens croyaient que j’étais vraiment à Gateshead, pas à Aldershot. Mais c’est pas ça qui a provoqué mon essai à Gateshead, c’est bien moi qui ai appelé leur entraîneur.
Je n’ai jamais vu Jonny, mais je vais bientôt partir à Newcastle et j’aimerais bien le rencontrer, vraiment. On va avoir un tas de choses à se raconter…

Dans sa partie, il t’a recruté parce qu’il avait besoin d’un attaquant et que Gateshead et Newcastle sont affiliés…

C’est possible. Gateshead, c’est à cinq minutes de Newcastle.

T’as réagi comment quand t’as vu que le mec avait créé une chanson en ton honneur, modifié ta page Wikipédia, fait imprimer un tee-shirt à ton effigie et qu’il avait spécialement demandé un maillot de Gateshead à ton nom ?

J’ai vu ça sur Google Images. C’est fou… J’ai beaucoup apprécié, ça m’a juste rappelé à quel point j’aime les Anglais. C’est marrant, c’est pas du fanatisme, c’est un délire. Les Anglais, ils sont super extravertis. C’est appréciable et je l’en remercie. Mais, en même temps, ça ne me surprend pas parce qu’ils ont ce côté un peu « fou-fou » par rapport au football. Je connais l’homme anglais et son rapport avec le football. Il a dû faire ça instinctivement, il s’est dit : « Allez, je vais au bout de mon truc. » Au final, ça a donné ce que ça a donné et moi, en aucun cas, je ne me place au-dessus de ce monsieur. On est juste deux personnes passionnées de football. Là, c’est lui, mais un autre Anglais aurait pu faire la même chose.

T’as appris ça sur Google ?

Je comprenais pas en fait. Des fois, on me demandait des photos avec des interviews. Je tapais mon nom sur Google, il y avait des photos de moi avec Newcastle, puis en descendant, je suis tombé sur ce maillot avec mon nom et je me suis dit : « Mais j’ai jamais porté ce maillot ! » Au début, je pensais que c’était un montage. Je ne sais plus comment il m’a contacté, mais j’ai trouvé ça super marrant. Il a même mis des vidéos sur Youtube de Football Manager où je joue avec Gateshead… Je comprenais pas. C’est après que j’ai fait le lien (rires).

Pour le reste, tu étais au courant ?

La chanson, tu me l’apprends. Je savais que j’avais une page Wikipédia en Angleterre, mais je me demandais qui la gère, qui connaît des choses sur moi comme ça. Je savais qu’il y avait des infos qui étaient erronées, mais je savais pas qui était derrière tout ça.

Vous ne vous êtes jamais rencontrés ?

Non, jamais, mais je vais bientôt partir à Newcastle et j’aimerais bien le rencontrer, vraiment. On va avoir un tas de choses à se raconter… Et puis, j’aime bien rencontrer les gens qui me suivent, tout simplement. Même pour le remercier, pour qu’on en rigole, qu’on délire ensemble.

Paraît que vous êtes amis sur Facebook…

Oui, il y a une époque où on s’est contactés. Mais j’ai tellement de monde sur Facebook… Il y avait justement pas mal de supporters de Gateshead qui, par rapport à ça, m’avaient ajouté. Le truc qui est fou, c’est qu’ils m’ont pris pour un joueur de Gateshead alors que j’étais même pas au club ! Ils m’envoyaient des messages pour que je signe au club, pour de vrai (rires). Mais, à l’époque, j’étais rentré en France et je jouais à Dieppe. Puis, par la suite, j’ai été papa, donc c’était compliqué de partir. Même là, en repartant en Angleterre, j’ai plus ou moins fait le deuil, mais c’est dur, c’est difficile de tourner complètement la page. J’étais vraiment tenté, j’ai beaucoup d’amour pour la région de Newcastle. Ça aurait été vraiment sympa.

Cette histoire et Football Manager ne t’ont pas permis de rebondir ?

C’est arrivé à un moment où j’avais un peu disparu du paysage britannique, j’étais revenu en France. Même au niveau de mes stats, c’était difficile de voir où j’en étais. Il y a eu un engouement au niveau des fans du jeu, mais en réalité, non, ça n’a pas eu un vrai impact.
J’étais dans un grand club et maintenant, je travaille avec des jeunes. Je suis influent parce que je suis un jeune de cité, je m’en suis sorti, je m’exprime bien, je m’habille bien…

Toi, tu y joues à ce jeu ?

Ah oui, je kiffe ! Je voulais l’acheter en ligne, avec ma carte bleue, mais faut un code, c’est bizarre. C’est marrant parce que peut-être trois, quatre jours avant que tu m’en parles, à deux heures du matin, j’étais en train d’essayer de l’acheter. Maintenant, je vais attendre le nouveau.

T’en penses quoi du jeu ?

Je m’invente une vie. Quand j’étais en ménage à Dieppe, c’était source de conflit (rires). La nuit, j’avais du mal à me dire : « Bon, allez, j’arrête. » . Encore un match, puis encore un match et encore un match… Je le trouve super réaliste ce jeu. Mais vu ce que ça a généré, j’ai dû modérer ma passion (rires). Dès que je peux, je joue, mais je ne vais pas non plus jouer H24, j’ai un travail. Je pense vraiment que ça aide pour ceux qui sont entraîneurs. Tu prends conscience que, même dans le jeu, tu fais pas trop jouer un joueur, il commence à être mécontent, t’as des conférences de presse, tu peux lancer une guerre par médias interposés… Je me rappelle avoir découvert Kompany avant de le découvrir au grand jour. Pleins d’autres aussi : Eden Hazard, Freddy Adu… Une dizaine de joueurs, jeunes et prometteurs. Il suffisait de leur donner un bon salaire et de les faire jouer, ils évoluaient super vite. Après, je gagnais plein de titres grâce à ces jeunes-là. Quand je les ai vus éclater en vrai, je me suis dit que le jeu avait vraiment un temps d’avance.

Tu te prenais dans le jeu ?

Je jouais rarement avec moi. Je n’allais pas prendre le Real et m’acheter. Je ne me suis jamais fait des délires comme ça. Ça m’a jamais parlé. La première fois, évidemment, j’ai pris Newcastle et je me mettais titulaire, mais c’était pas systématique. J’aimais beaucoup prendre le Real et aujourd’hui, un peu comme tout le monde, je prends le PSG. Gros budget, j’achète Ronaldo… Sinon, j’aime bien prendre Le Havre, il y a un peu plus de challenge. C’est mon club de cœur et j’ai vraiment envie qu’il retrouve l’élite.

Après l’épisode Gateshead, tu te retrouves donc à Aldershot, puis à Hereford, avant de revenir au Blanc-Mesnil à 26 ans…

J’ai souhaité m’ouvrir à autre chose professionnellement, vu que dans ma vie, j’ai fait que du foot. J’ai pas mal de choses à partager avec les jeunes, donc je m’investis dans le domaine social et associatif. Et comme je suis du Blanc-Mesnil, j’aimerais vraiment aider le club à monter un peu plus haut. On est en DH et on a sorti Drancy, qui est en CFA, en Coupe de France, donc il y a un certain engouement.

Finalement, tu as un peu laissé ta carrière de côté pour en commencer une autre dans le rap.

J’ai toujours fait de la musique. Maintenant, j’arrive à un stade où il y a un petit engouement autour de la mienne. J’ai du temps pour le faire, je ne m’entraîne que trois fois par semaine. J’ai vraiment envie d’arriver au bout de mon projet et j’ai aussi envie de montrer à tous ceux qui sont dans le foot et qui ont du mal à se reconvertir que c’est possible. J’ai mis longtemps à accepter que mes meilleures années sont peut-être derrière moi. Je sais aussi que beaucoup sont prisonniers de l’image qu’ils ont auprès des gens, que s’ils ne sont plus dans le foot, ils vont se sentir inférieurs. Aujourd’hui, je veux vraiment faire quelque chose dans la musique et j’ai un parcours atypique qui peut susciter une certaine curiosité. À travers ça, je veux montrer qu’il n’y a pas de honte à passer à autre chose. J’étais dans un grand club et maintenant je travaille avec des jeunes. Je suis influent parce que je suis un jeune de cité, je m’en suis sorti, je m’exprime bien, je m’habille bien… Le football m’a apporté énormément de valeurs et je veux montrer qu’on peut s’en servir pour devenir quelqu’un dans la vie active. Après, le foot, étant compétiteur, je l’ai pas vraiment totalement mis de côté. Je sais que si je fais une grosse saison, soit on va monter au-dessus, soit je vais avoir des offres et ça va être très dur de dire non.
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Propos recueillis par Nicolas Taiana

Juste pour vous rendre compte de la folie de Jonny Sharples, allez donc faire un tour sur ce compte Twitter qu'il a créé.

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Modeste M'bami