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Une Roma trop joueuse ?
Débarqué à Rome cet été avec des promesses plein les valises, Luis Enrique est en train de gagner son pari : sa Roma joue et offre même du spectacle. Seul problème : elle a pris le mauvaise habitude de perdre à la dernière minute. Parce qu'obnubilée par le beau jeu ?
L’an dernier, l’Italie a consacré Walter Mazzarri et son fameux « Mazzarri Time » . Sorte de Fergie Time à l’italienne, un temps additionnel au cours duquel son Napoli avait pris goût aux buts décisifs. Que Luis Enrique prenne garde. A ce rythme-là, le « Luis Enrique Time » va bientôt être institué, mais pas pour les mêmes raisons. En effet, depuis le début de la saison, la statistique a de quoi faire froid dans le dos à tout supporter giallorosso : la Roma a encaissé 50% de ses buts à la 90ème minute ou au-delà. Bilan comptable : quatre points de perdus, mais surtout des coups au moral à répétition, qui empêchent de donner de la continuité au beau jeu proposé par les Romains. Le coach espagnol a beau se justifier de toutes les manières possibles : « Nous avons bien joué / La défaite est injuste / Nous ne méritions pas de subir ce but à la fin / Je suis surtout déçu pour les supporters » , à un certain moment, il va falloir se poser des questions. Et les bonnes. Pourquoi la Roma subit-elle toujours un but dans les dernières minutes ? Ou bien, à l’envers : pourquoi la Roma ne finit-elle pas ses matches aussi bien qu’elle ne les débute ? Des interrogations, pour le moment, en suspens.
Tête haute
Dimanche après-midi. La Roma est en déplacement à Gênes. Pas forcément un bon souvenir pour les Giallorossi. L’an passé, ils y avaient connu leur pire défaite de la saison, un rocambolesque 4-3, après avoir mené 3-0. De retour sur les lieux du crime, ils rêvent de prendre leur revanche. Et ils sont près d’y arriver, lorsqu’à la 82ème minute, Borini inscrit son premier but sous ses nouvelles couleurs et égalise. Luis Enrique se prend à rêver d’un renversement de situation de dernière minute. Raté. A la 90ème minute, c’est le Slovaque Kucka qui assène un coup de poignard à l’ancien du Barça. 2-1. La défaite est scellée. Et celle-ci en rappelle étrangement une autre. Dix jours plus tôt, la Roma avait perdu le derby romain en subissant le but décisif de Miroslav Klose à la 93ème minute.
Face aux caméras, Luis Enrique prône toutefois le positivisme. « La Roma a joué et le Genoa a gagné ? Oui, mais je suis très content, c’est la première fois que je vois l’équipe jouer comme je le veux. Le football est injuste. Nous partons de Gênes la tête haute. Pour moi, le plus important a été de venir ici et de dicter notre jeu, de faire notre match. Parfois on le gagne, parfois on le perd » assure-t-il aux micros de Sky. Problème : si la Roma est en effet en mesure de dicter son jeu, elle fait également preuve d’une certaine faiblesse mentale. Et il n’y a qu’à regarder ses huit premiers matches de championnat pour le comprendre : jamais la Louve n’a réussi à inverser une tendance. Au contraire. A deux reprises (contre Siena et face à la Lazio), elle a laissé échapper de précieux points alors qu’elle avait ouvert le score. Du côte de Trigoria, on en est convaincu : Luis Enrique pense plus au jeu qu’au résultat. Réponse de l’intéressé : « Oui, c’est vrai, ce que je veux avant tout, c’est que mon équipe joue bien » . Dans un pays où le résultat est roi, on apprécie l’audace.
Le beau jeu avant tout
Tout ça est bien beau et bien idéaliste. Mais à Rome, peut-être plus encore qu’ailleurs en Italie, on veut des résultats. Après une fracture initiale entre les tifosi et le coach, suite au clash avec Francesco Totti, l’ambiance s’est rassérénée. Les supporters tentent d’assimiler le concept du « beau jeu avant tout » , mais toute attente a ses limites. Prendre un but à la 90ème minute, une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Cela commence à faire beaucoup. Surtout que les raisons sont sensiblement les mêmes à chaque fois : au lieu de verrouiller et de tenir le score, la Roma tente encore d’attaquer et finit par se faire punir. C’est ce qui s’est passé contre le Genoa, un peu moins contre la Lazio car les Giallorossi étaient réduits à 10 et donc obligés de défendre, mais aussi contre Siena (1-1) et lors de la première journée contre Cagliari (1-2). « Ici en Italie, on préfère se contenter d’un 0-0 car personne ne te pardonne une défaite » avait déclaré Giuseppe Sannino, l’entraîneur de Siena, après la fameuse journée « made in 0-0 » . Visiblement, Luis Enrique est bien l’antithèse de cette affirmation.
Jouer avec qui ? Avec prudence
Ce soir, face au Milan AC, pas question de déconner. Les Rossoneri sont en pleine bourre, viennent d’en passer trois à Palerme, quatre à Lecce et quatre à Parme. Et Massimiliano Allegri n’a aucune intention de s’arrêter en si bon chemin. Enrique est prévenu : le football champagne, face aux Milanais, ne risque pas d’être la meilleure solution. Si l’animation offensive, avec un Erik Lamela en train de trouver ses marques, va avoir une importance notoire, c’est surtout la défense (Heinze, Burdisso, Jose Angel) qui va être sous pression. Car en face, entre Cassano, Ibrahimovic, Boateng et Robinho, Milan a des arguments à faire valoir, et chaque inattention pourrait se payer cash.
A priori, ça, Luis Enrique le sait. Tout comme il sait que son équipe n’est pas encore tout à fait prête à lutter pour le Scudetto, contrairement à son adversaire du soir. « Nous ne sommes pas encore une équipe qui peut jouer le titre. Nous sommes en construction. Pour le moment, je ne regarde pas le classement, nous verrons dans quelques mois » déclarait-t-il juste avant le déplacement génois. Sa modestie n’a pas payé. Ce soir, il devra savoir faire preuve de prudence, sans pour autant empêcher ses artistes de s’exprimer et son beau jeu de se développer. C’est le dur apprentissage de la Serie A.
Eric Maggiori