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Un USA-Mexique qui Trump énormément

Par Thomas Goubin, au Mexique
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Un USA-Mexique qui Trump énormément

Deux jours après l'élection de Donald Trump, le calendrier des éliminatoires pour le Mondial 2018 propose un affrontement entre USA et Mexique aux effluves forcément politiques. À Columbus (Ohio), aucun débordement n'est toutefois craint, même si la problématique migratoire n'a pu être éludée.

« Trump nous dit : ils ne nous envoient pas leurs meilleurs (hommes). Aujourd’hui, nous allons lui prouver son erreur. » Voilà comment le quotidien sportif mexicain Record légende sa une de vendredi. En son sommet apparaît Giovani dos Santos, dont le visage surplombe d’autres références mexicaines comme le légendaire boxeur Júlio César Chávez, le guitariste aux moult disques d’or Carlos Santana ou le réalisateur oscarisé Alejandro Gonzalez Iñarritu, entre autres, des Mexicains qui ont signé plus d’un succès sur le sol américain.

« Mettez le mur à la poubelle »

Pour la presse mexicaine, impossible de faire abstraction du contexte politique envahissant qui va escorter ce nouveau duel entre Team USA et El Tri. « Mettez le mur à la poubelle » , demande ainsi La Afición, autre quotidien local, à Chicharito et consorts. Deux jours seulement après l’élection de l’homme qui veut abriter les États-Unis du Mexique derrière un mur étanche, ce match ne peut être qu’une simple rencontre sportive. Même Javier « pas un mot plus haut que l’autre » Hernandez en convient : « Malheureusement, c’est la décision prise par ce pays, alors si ce match peut donner un peu de joie aux latinos, ça ne peut être que positif. »

Jeudi, lors des points presse et zones mixtes, aucun intervenant n’a pu échapper à la question. Tim Howard, ex-coéquipier d’Hernandez à Manchester United, n’a ainsi pas caché que l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche ne le réjouissait pas, même s’il confessait ne pas avoir voté… « Je ne suis pas très intéressé par la politique(…). Il faut bien séparer les deux sujets, après, sur le terrain, le Mexique va essayer de nous botter le cul, et nous le leur. » De son côté, le capitaine de la Team USA, Michael Bradley, a reconnu que le match ne pouvait être vidé de toute connotation politique. « Étant donné tout ce qu’il s’est passé ces derniers mois, un substrat supplémentaire va forcément nourrir ce match. » « Mais comme américain, a-t-il poursuivi, mon sentiment est que nous avons foi en notre système, et quel que soit notre président, nous devons être derrière lui et penser qu’il fera ce qu’il y a de mieux pour le pays. » Bradley, Howard, comme Jermaine Jones, ont aussi été sondés sur l’ambiance à laquelle ils pensent faire face en tribunes. « Il y a des gens qui veulent politiser ce match, a considéré le milieu de terrain des Colorado Rapids, mais si la rivalité entre les deux pays existe évidemment, elle est strictement sportive, on ne veut pas entendre des chants négatifs, on ne veut pas non plus entendre les Mexicains utiliser le mot qui commence par p… (puto : insulte entonnée par les fans d’El Tri sur chaque dégagement du gardien adverse et considérée comme homophobe par la FIFA, ndlr). » Pour Jones, né en Allemagne, « notre sélection représente vraiment les États-Unis dans toute sa diversité » . Le « Colombien » , et ex-Nantais, Alejandro Bedoya, et les trois mexicano américains, Omar Gonzalez (Pachuca), Michael Orozco (Tijuana), William Yarbrough (León), ne diraient sans doute pas autre chose.

Columbus, territoire hostile pour le Mexique

Comme tout match éliminatoire à domicile de la Team USA depuis le début des années 2000, USA-Mexique se jouera à Columbus, dans l’Ohio, l’un des swing states qui a fait basculer l’élection côté républicain – Barack Obama y avait triomphé en 2012. Columbus est un territoire hostile pour le Mexique. Pas pour les convictions politiques de sa population, mais de par sa géographie. La Fédération américaine n’a pas opté par hasard pour ce modeste stade qui peut contenir à peine plus de 20 000 personnes : il est situé dans une région aux températures fraîches et à l’immigration mexicaine chétive, alors que les USA ont trop souvent l’impression de jouer à l’extérieur quand ils affrontent Dos Santos et consorts en Californie ou en Arizona. En 2011, Tim Howard s’était d’ailleurs agacé que la cérémonie de remise des prix de la Gold Cup se fasse en espagnol après la victoire du Mexique (2-4) face à sa sélection, au Rose Bowl de Pasadena (banlieue de Los Angeles). À Columbus, l’Amérique est souveraine. Elle reste sur quatre victoires sur le même score (2-0) en éliminatoires. Un motif de moquerie pour les Américains, qui utilisent le hashtag #dosacero (deux à zéro). La Fédération mexicaine y répond par un plus culturel « elfútbolesnuestro » (le football est à nous). En 2016, le football reste l’un des rares domaines où le Mexique peut bomber le torse face au puissant voisin du Nord, même si sa domination s’effrite depuis maintenant deux décennies.

« Je ne suis ni américain ni mexicain, je suis mexicano-américain »

À Columbus, le public devrait être à 80% derrière Christian Pulisic and co. Même la « Pancho Villa’s Army » , le groupe officiel des supporters mexicains aux États-Unis, n’a pu faire le déplacement. « La Fédération américaine n’a pas voulu nous réserver un espace » , regrette son fondateur, Sergio Tristán. « Mais cela n’a rien à voir avec l’élection » , s’empresse de préciser celui qui brandit le drapeau mexicain en tribunes, mais a mis sa vie en jeu pour défendre l’étendard américain quand il était soldat en Irak de 2004 à 2006. « Je me sens patriote, nous dit-il, je suis reconnaissant envers cette nation qui a donné tant d’opportunités à ma famille, mais je défends aussi ma culture mexicaine, nos traditions. En fait, moi, je ne suis ni américain ni mexicain, je suis mexicano-américain. » Rayon ballon rond, Sergio Tristán ne partage toutefois pas son allégeance : « Mes parents sont fans du Mexique, on a grandi en regardant du football mexicain, dans la rue je jouais avec mes cousins mexicains, je n’ai jamais pensé pouvoir supporter la sélection américaine. » Aujourd’hui avocat, Sergio Tristán, trente-quatre ans, ne craint pas de débordement à Columbus. « En fait, aux États-Unis, beaucoup de fans de soccer sont des gens éduqués, passés par l’université, et ils font partie de ce groupe de gens déçus par l’élection de Trump. Sur Twitter, beaucoup de fans américains nous ont apporté leur soutien, car ils estiment que eux aussi ont perdu. » Ce vendredi soir, les American Outlaws, le groupe de supporters officiel de la Team USA, devraient d’ailleurs déployer une banderole pour soutenir les Mexicains qui vivent en territoire US. Reste que lors de la fête d’avant-match organisée, jeudi, par ce même groupe, un échange houleux a opposé des fans chicanos de la Team USA à des fans mexicains. « Les États-Unis te donnent à manger » , criaient ces Américano-Mexicains aux aficionados d’El Tri.

Éminemment complexe, la problématique migratoire a nourri l’avant-match. Colombien, le sélectionneur du Mexique, Juan Carlos Osorio, a ainsi rappelé qu’il devait beaucoup aux États-Unis, où il a obtenu un diplôme de préparateur physique, mais qu’il ressentait aussi une grande empathie envers les migrants mexicains. « Moi aussi, comme migrant, j’ai dû travailler dur, notamment pour gagner une bourse universitaire » , a rappelé celui dont les deux enfants sont nés à New York, dans le Queens. Ex-coach des New York Red Bulls et du Chicago Fire, Osorio connaît très bien le camp d’en face. Alors adjoint de Kevin Keegan à Manchester City (2005-2006), il avait d’ailleurs accueilli en Angleterre le capitaine américain, Michael Bradley, quand celui-ci passait des tests chez les Citizens. Ce soir, pour le premier match de la dernière phase des éliminatoires CONCACAF, qui consiste en un tournoi à six, son défi sera de taille : cela fait trente-quatre ans qu’El Tri n’a pas remporté un match éliminatoire aux États-Unis. Pour ses supporters, meurtris par les résultats de l’élection présidentielle, le moment ne pourrait être mieux choisi pour que le Mexique redevienne grand.

Par Thomas Goubin, au Mexique

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