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Un homme, un stade : Gabriel Montpied

Par Régis Delanoë
6 minutes
Un homme, un stade : Gabriel Montpied

Il est l’un des stades les plus atypiques de France : Gabriel-Montpied, l’antre du Clermont Foot, avec une seule vraie grande tribune de 8 000 places, sur les moins de 12 000 qu’il y a au total. Inauguré en 1995, il porte le nom du maire emblématique de Clermont-Ferrand, qui a contribué à la modernisation de la ville pendant ses près de trois décennies de mandat, après un passé de syndicaliste et de résistant haut gradé.

La vie de Gabriel Montpied se décline en trois parties. La première est celle d’un syndicaliste exemplaire, dans le Clermont industriel des années 30. Né en 1903, il devient pupille de la nation lorsque son père meurt dans les combats de la guerre 1914-1918. Ouvrier, puis agent de maîtrise chez Bergougnan, à l’époque l’une des trois industries caoutchoutières du Puy-de-Dôme (avec Torrilhon et Michelin, avant que ce dernier n’avale ses deux concurrents), il développe vite un grand intérêt et un talent indéniable pour la défense de ses camarades de travail. Ardent militant des intérêts de la classe ouvrière, il est un responsable syndical reconnu et respecté à l’échelle locale lorsque la Seconde Guerre mondiale est déclenchée. Très rapidement, il s’engage contre l’occupation allemande et le régime de Vichy. « On peut dire de Gabriel Montpied qu’il est un résistant authentique, éclaire l’historien auvergnat Fabien Conord. De par son histoire personnelle, avec un père mort au front et une jeunesse passée dans ce contexte de conflit avec le voisin allemand, renforcée par le service militaire qu’il a passé dans la Ruhr dans les années 20, il a développé un état d’esprit caractéristique de l’époque, celui d’un patriote intraitable. »

Dans le maquis, il était « Colonel Monique »

La Seconde Guerre mondiale correspond à la deuxième vie de Gabriel Montpied : celle du résistant, entré en clandestinité par choix, qui rejoint le mouvement Libération dès 1941. Deux ans plus tard, au printemps 1943, il est l’un de ceux à qui est confiée la charge d’organiser les premiers maquis. Il en met un en place du côté de Riom, monte en grade dans la hiérarchie de la résistance et est nommé chef action des Mouvements unis de la Résistance, la grande organisation qui se met en place à ce moment-là sous la direction de Jean Moulin en France et du général de Gaulle depuis son exil. À Clermont, il est alors connu sous le pseudonyme de « Colonel Monique » et participe activement à la libération de la région. C’est pour toutes les actions qu’il a entreprises depuis le début du conflit qu’il reçoit la Légion d’honneur à titre militaire en 1945. À ce moment-là déjà, Gabriel Montpied a quitté cette deuxième vie de résistant, courte, mais intense et décisive pour la suivante, ayant été nommé maire de Clermont-Ferrand en 1944 par le comité de libération, l’organisme transitionnel post-régime de Vichy. Cette nomination est confirmée un an plus tard lors des premières élections municipales d’après-guerre. Après le Gabriel Montpied syndicaliste, le Gabriel Montpied résistant, il y a désormais le Gabriel Montpied homme politique.

En 59, il bat Giscard d’Estaing aux municipales de Clermont

Il sera maire de Clermont-Ferrand sans discontinuer pendant vingt-neuf ans, jusqu’en 1973, devenant du même coup, pendant cette longue période, le « vrai patron du socialisme clermontois » , comme le qualifie Fabien Conord. Un maire populaire, quoique peu communiquant, relativement austère, voire autoritaire avec ses collaborateurs. Un gestionnaire sérieux de sa ville, qui va vite étendre ses fonctions en cumulant un autre mandat, celui de sénateur du Puy-de-Dôme entre 1952 et 1974. « Gabriel Montpied a pu très vite asseoir sa légitimité grâce à son passé, à la fois de syndicaliste défenseur de la classe ouvrière, et de vétéran de la résistance, dit encore Fabien Conord. En tant que sénateur notamment, lorsqu’il était au palais du Luxembourg, il était très respecté par ses pairs en tant qu’ancien chef maquisard. Pour beaucoup d’entre eux, il était encore le « Colonel Monique ». » Dans ces années 50 de la reconstruction et du baby-boom, Gabriel Montpied s’applique à être le maire bâtisseur que ses administrés attendent de lui. Son combat ? Le logement pour tous, avec de grands programmes immobiliers qu’il applique et supervise. Lors des élections municipales de 1959, il bat difficilement un jeune secrétaire d’État aux finances nommé Valéry Giscard d’Estaing… « Contrairement à lui, Gabriel Montpied n’a jamais eu de velléités nationales, éclaire l’historien. Il a borné ses ambitions politiques à sa ville et à son département. »

Adepte du sport pour tous

Avant qu’il ne cède sa place en 1973 à son successeur – et ancien adjoint – Roger Quillot, qui sera maire de Clermont-Ferrand jusqu’en 1997, Gabriel Montpied s’attache aussi à mener une politique volontariste en faveur du sport pour tous : mise à disposition d’équipements de quartier aux associations laïques, mise en place d’un service éducatif sportif et fondation d’une école municipale des sports en 1962. « C’est une vraie particularité chez lui, observe Fabien Conord. En cela d’ailleurs, c’est plutôt ironique qu’on ait donné son nom à une enceinte sportive dédiée à l’activité d’un club de haut niveau, lui qui était plus en faveur du sport pour tous. » Le stade Gabriel-Montpied voit le jour en 1995. À l’époque, l’ancien maire de la ville et héros de la résistance est décédé depuis quatre ans. « Mais il s’était retiré depuis longtemps déjà de la vie politique, dès le milieu des années 70, à la fin de ses différents mandats. » Sa ville de Clermont-Ferrand ne l’a pas pour autant oublié et il est décidé par la municipalité de Roger Quillot que ce nouveau stade de Clermont Foot porte son nom, tout comme ensuite le nouveau CHU de la ville. Un stade modeste, rarement bien garni, atypique par son architecture (une seule grande tribune et un projet d’agrandissement qui revient régulièrement à l’actualité depuis un paquet d’années…), dans une ville qui vibre surtout pour le rugby, avec l’équipe locale, l’une des meilleures de France, qui évolue, elle, au stade Marcel-Michelin. Mais ça, c’est une autre histoire…

Comment aurait pu s’appeler le stade Gabriel-Montpied :

Pas Michelin du coup (Marcel, André, Edouard…), le nom est déjà pris par les camarades de l’ovalie. Pas Valéry Giscard d’Estaing non plus, lui qui a échoué une deuxième fois à se faire élire maire de Clermont en 1995… l’année même de l’inauguration du stade. Georges Besse, parce que l’industriel assassiné en 1986 par Action Directe était né à Clermont. Jean-Luc Petitrenaud, parce qu’en 1995, le Clermontois avait aussi une belle actu en publiant son best-seller : La France du casse-croûte. Lolo Ferrari, parce que la Clermontoise, Eve Geneviève Aline Vallois de son vrai nom, débutait sa courte, mais fulgurante carrière de freak girl dans le porno en 1995.
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Par Régis Delanoë

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