Un coach nommé Sim(e)one !!!
Au pays de l'asado, le football est une religion. Et n'échappe fatalement pas aux travers de cette dernière. C'est donc dans un maelstrom d'émotions mêlant fanatisme, passion, et folie, que s'est achevé cette semaine le tournoi d'ouverture du championnat argentin, ou Torneo Apertura. Sacrés au terme d'un final haletant, les joueurs d'Estudiantes de La Plata ont décroché un titre qui leur échappait depuis 23 ans...
Lorsqu’il arpentait encore les pelouses des plus illustres stades que compte la planète football, l’entraîneur d’Estudiantes de La Plata, Diego Simeone, était connu dans le monde entier pour sa grinta légendaire. Ou l’homme qui jouait le couteau entre les dents. Un style combatif propre qui lui a valu l’admiration de tous ses coéquipiers et qui l’a fait craindre ou exécrer par ses adversaires. En témoigne entre autres l’expulsion de David Beckham qu’il provoqua vicieusement lors du quart de finale de coupe du monde, en 1998. Celle de Wayne Rooney contre le Portugal huit ans plus tard n’apparaissant alors que comme une simple réminiscence de 1998. De l’art du vice transmis par Diego l’illuminé.
Recordman de sélections avec l’équipe d’Argentine (106 capes), certes bientôt dépassé par l’inusable Roberto Fabian Ayala, Simeone a finalement rangé son couteau en février dernier pour aussitôt prendre les rennes d’Estudiantes. Aujourd’hui, en un peu moins d’un an, et à seulement 35 ans, Simeone a réussi son pari. Et savoure déjà avec une certaine délectation son succès, puisqu’il vient de remporter son premier titre majeur, à savoir le championnat d’ouverture argentin, après avoir dominé les grands favoris de Boca Juniors (2-1) dans un match d’appui décisif à l’intensité dramatique.
L’inusable chien des prés est donc incontestablement parvenu à transcender son groupe et à lui transmettre sa garra, pour traquer inlassablement les leaders du Boca tout au long de la première campagne de la saison footballistique argentine, et les terrasser lors de l’ultime combat. Certains comportements, agressifs et guerriers, observés lors du dernier match, portaient d’ailleurs indéniablement les stigmates de Don Diego Simeone. Avec tout ce que cela comporte d’effrayant et d’intimidant. « Je n’ai jamais cessé de dire à mes joueurs que le plus important était de toujours y croire, de ne jamais baisser pavillon, et de se battre jusqu’au bout« , affirmait-il ainsi rayonnant, tout juste de son sacre.
A mi-parcours, soit au soir du neuvième match (sur dix-neuf), Estudiantes accusait pourtant six points de retard sur Boca, en ayant joué qui plus est un match de plus que son rival. Mais une folle série de dix victoires consécutives – dont une littéralement arrachée contre Newell’s Old Boy en marquant deux fois dans les arrêts de jeu – a permis au club estudiantin de terminer le championnat à égalité de points avec les pensionnaires de la Bombonera. On connaît la suite.
Diego Simeone, bien plus qu’un simple harangueur, a su tout au long de la saison créer une parfaite alchimie entre intelligence et audace tactique, et démontré lors de l’ultime confrontation sa capacité à effectuer les bons remplacements aux bons moments. Contrairement à son homologue de Boca, Ricardo La Volpe, démissionnaire au sortir de la rencontre, qui a fait preuve d’une frilosité offensive désarmante, notamment après l’ouverture du score de ses protégés, en rameutant ses troupes devant sa défense et en fermant le jeu à outrance ; laissant par là l’initiative du jeu à Estudiantes. Qui en a aussitôt tiré profit.
L’autre facteur clé de la réussite d’Estudiantes est sans aucun doute Juan Sebastian Veron, leader naturel sur la pelouse et dépositaire du jeu, qui a rejoint son club de coeur en juillet. Celui-là même qu’il supportait avec ferveur quand il était gamin. Fort de son extra-lucidité tactique et de son sens inné de la passe, Veron a su structurer et délier le jeu de son équipe pour la conduire vers les sommets. Ignorant en outre match après match avec une certaine classe les quolibets, insultes, et intimidations des fans adverses qui lui reprochent encore farouchement la débâcle de la sélection albiceleste à l’apocalyptique Mondial coréen.
Ce succès capillo-tracté apparaît néanmoins aujourd’hui comme un juste retour des choses pour les hinchas d’Estudiantes, eux qui avaient vu leurs ennemis jurés du Gimnasia La Plata se corrompre et faire tout leur possible pour les voir échouer. Jusqu’à en favoriser honteusement Boca. Gimnasia menait ainsi 1-0 à la mi-temps contre Boca, ce 10 septembre dernier, lorsque le match fut interrompu à la mi-temps après que son président, Juan Jose Muñoz, ait ouvertement menacé l’arbitre de la rencontre dans son vestiaire. La seconde partie de la rencontre ne fut en outre disputée que deux mois plus tard, à un moment où Estudiantes, qui venait d’infliger une correction historique à son ennemi héréditaire (7-0), s’affirmait plus que jamais comme le grand challenger de Boca. A la veille du deuxième opus du match, un groupe de supporters du Gimnasia avait même fait irruption au siège du club, et prié avec une certaine persuasion les joueurs de perdre ce match contre Boca, pour empêcher Estudiantes d’enlever le titre. Plutôt crever que de voir son rival l’emporter. Le lendemain, Boca passait quatre buts en une mi-temps au Gimnasia et remportait fianlement le match 4-1. Le procureur général a ouvert une enquête. Les joueurs, eux, nient avoir été menacés de mort. Ou quand l’affrontement sportif outrepasse les limites de l’éthique sportive. Justice est faite néanmoins !
FS
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