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Tu pourras dire que tu as connu le stade Bauer…

Par Nicolas Kssis-Martov, à Saint-Ouen
Tu pourras dire que tu as connu le stade Bauer…

Le foot, c’est bien autre chose qu’un jeu de ballon se déroulant à onze contre onze. Heureusement, car sinon le match de samedi soir entre le Red Star et Boulogne n’aurait eu strictement aucun intérêt. « L’Étoile rouge » se trouve aujourd’hui au cœur d’un débat qui laisse songeur dès qu’on se souvient qu’il s’agit du 16e au classement du National (donc relégable en CFA) : faut-il construire un nouveau stade pour 200 millions d’euros ?

« Red Star-Boulogne » , l’affiche peut faire sourire celui qui connaît un peu l’origine (notamment parmi les ex-abonnés du PSG) de nombreux supporters actuels de cette vénérable institution, plus que centenaire, du foot français. Toutefois, pas grand monde n’a apparemment envie de plaisanter à ce sujet à l’Olympic, le bar qui sert de véritable QG aux habitués de ce légendaire stade municipal. Les membres du collectif Red Star Bauer , qui agrège les différentes familles de supporters, de personnes ou groupes (comme l’ « Amicale Red Star 2000 » des anciens joueurs, dirigée par Jean-Jacques Amorfini, le vice-président de l’UNFP, qui désirent continuer à hanter ou fréquenter l’adresse actuelle, sont un peu déprimés par la réunion qui s’est tenue le matin-même avec Patrice Haddad, président en titre, et des élus municipaux. Alors qu’ils défendent un projet de rénovation de Bauer, « réaliste » selon eux, principalement à la vue de sa situation sportive, ils ont découvert l’état d’avancement des ambitions grandioses, à faire rougir Aulas, qui animent l’actuelle direction du club. Soit un double projet avec une Aréna (80 millions) destiné aux événements culturels et un stade de 20 000 places (120 millions), bref deux Gareth Bale, la nouvelle unité monétaire du foot européen.

Après avoir disserté sur les désaccords entre socialistes (plutôt favorables au maintien dans le quartier Michelet) et cocos du coin, ainsi que sur les contradictions du PC en matière de foot populaire, tout le monde s’accorde, une Heineken bouteille à la main, sur un avenir plutôt sombre. « C’est déjà bouclé, assène Julien, profitant de cette ultime soirée estivale devant les murs du rade recouvert de stickers ultras et autocollants politiques. Il (Patrice Haddad) croit que Live Nation lui apportera une programmation suffisante et que des investisseurs suivront. » La question demeure entière d’un « projet 100% privé » , selon les promesses de la direction, en particulier aujourd’hui, dans l’actuelle configuration de crise économique qui asphyxie financièrement le département (pour rappel, Lyon doit également compter sur un minimum de soutien des collectivités, en matière d’infrastructures de transport ou de garanties de prêt, pour boucler le budget de son OL Land). Surtout, le lieu choisi à Saint-Ouen, sur les docks, hormis le fait qu’il sacrifierait la dimension patrimoniale, semble ignorer que c’est plutôt pour l’instant Pantin qui tient la corde, et non Saint-Ouen, pour devenir le « Brooklyn » de Paris (dixit le New York times en tout cas). Pas sûr donc qu’un emplacement excentré, sans véritables dessertes, se révèle attractif pour les spectacles, et a fortiori auprès des anciens (1608 personnes ce soir-là) ou nouveaux supporters, y compris en cas d’accession rapide en L2.

Et pendant ce temps, le PFC

C’est d’ailleurs à ce propos que se cristallise véritablement le conflit. Alors que Patrice Haddad rêve de construire ce fameux second club parisien, en expliquant qu’il ne finira pas « à Marville » (situé à La Courneuve, où le Red Star a dû se replier en 1998 quand Bauer ne fut plus jugé aux normes), les supporters sont d’abord attachés à l’identité plus modeste et locale de leurs couleurs (et plus si affinité pour ceux qui chantent Banlieue rouge). La vérité de la pelouse (synthétique) leur donne tristement raison. Après une défaite 1 à 0 aux allures de Géorgie-France (match atone et une tête ultime de Tafa Dieye bloqué in extremis par le gardien), les mines moroses le disputaient à l’aigre rigolade. Un cinquantenaire au gabarit robuste de bon bougre des faubourgs, bousculant de l’épaule un frêle branché en survêt Liverpool vintage, lâche goguenard et à la cantonade : « Et cela dit ensuite qu’ils jouent la montée, quelle plaisanterie ! » Plus grand monde ne paraît en effet croire au miracle Laurent Fournier dans le petit local du collectif, niché près de la sortie. Les langues se délient à propos de joueurs qui ne se battent pas et de l’absence d’ambition générale, une frustration qui justifie sûrement qu’ils aient débâché avant la fin de la rencontre. Note finale, ils découvrent sur leurs smartphones que le PFC, le grand rival, repêché d’une descente en CFA l’an dernier, est désormais premier, lui qui a quitté le trop grand Charléty pour revenir à Déjerine, chez lui, dans le XXe arrondissement (contre-exemple évoqué lors du fameux débat du matin, à en croire le live-tweet du journaliste @JulienIelsch ). Sur un petit zinc, une collection complète de So foot accompagne quelques livres inattendus, ainsi la Peste émotionnelle de Jean-Marie Brohm : « Il faudrait s’en débarrasser, je le fous toujours derrière et il revient sur le devant. » Trône pareillement un tirage apocryphe de Génération supporter de Philippe Broussard dans une édition jamais enregistrée à la BN. On repart sans oser leur parler de la recrue sud-coréenne, Lee Yong-Jae.

Le kop a pourtant chanté, poussé, avec toute la force et le souffle de ce cocktail molotov de skinheads 69, d’ex du VAG (toutes affiliations confondues), de gars du coin, en y ajoutant un rappeur conscient, un Grenoblois des Red Kaos et les ados du quartier qui remontent leurs vestes à capuche sur leur nez, importunés, non pas à cause des gaz lacrymogènes ou des fumis, mais par les différentes sortes de cigarettes que fument les fans. Signe des temps, les RG, qui doivent autant s’ennuyer que nous au Parc des Princes, s’y rendent désormais régulièrement, un ex-supra détronché à son arrivée en fera la surprenante expérience dès son entrée, pour le coup exceptionnelle, à Bauer. À la mi-temps, devant l’un des derniers stands merguez intra-muros du foot français, le journaliste littéraire Hubert Artus, autre fidèle des lieux, disserte avec Éric Naulleau sur les chances des « Blanc et Vert » . Chacun connaît la fin de l’histoire. Pour la petite, les joueurs portaient un brassard noir en hommage à la tante d’Alexis Lafon et au beau-frère de Randy Fondelot, préparateur physique du club, tout deux décédés la semaine passée. Le Red Star, une équipe qui évite la CFA à chaque fin de saison, un noyau dur de supporters sur lequel certains pensionnaires de L2 aimeraient se reposer et dont le président rêve presque de Champions League. Quelqu’un aurait-il le numéro de Thiago Silva, on cherche des investisseurs qui ont le sens de la famille…

Par Nicolas Kssis-Martov, à Saint-Ouen

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