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Leonardo Balerdi, seul sur Mars

Par Matthias Ribeiro

Joueur clivant d’un club qui déchaîne les passions, Leonardo Balerdi catalyse régulièrement les critiques de la sphère marseillaise, souvent impitoyable. Avant de se déplacer à Lens samedi soir pour jouer une grosse partie de la saison de l’OM, l’heure est à la consultation pour le mal-aimé phocéen.

05 Leonardo Julian BALERDI ROSA (om) during the Ligue 1 Uber Eats match between Marseille and Lens at Orange Velodrome on October 22, 2022 in Marseille, France. (Photo by Philippe Lecoeur/FEP/Icon Sport) - Photo by Icon sport
05 Leonardo Julian BALERDI ROSA (om) during the Ligue 1 Uber Eats match between Marseille and Lens at Orange Velodrome on October 22, 2022 in Marseille, France. (Photo by Philippe Lecoeur/FEP/Icon Sport) - Photo by Icon sport

Comment un talent précoce qui a grandi dans les plus grandes écuries d’Argentine, d’Allemagne et de France tout en étant couvert de louanges par ses sélectionneurs a-t-il pu devenir le bouc émissaire de tout un club ? Pour le comprendre, une information capitale est à intégrer : la carrière de Leonardo Balerdi est remplie de contradictions. D’abord milieu offensif en jeune à Villa Mercedes puis à Boca Juniors, c’est comme défenseur central qu’il fera sa place dans le grand monde. Transféré pour 15 millions d’euros à Dortmund en janvier 2019 après une éclosion brutale à 19 ans chez les Xeneizes, il ne disputera que 8 rencontres professionnelles en 18 mois dans la Ruhr. Excellent à l’OM lors du début de saison 2021-2022 sous Jorge Sampaoli entre Luan Peres et William Saliba, il bouclera l’année sur le banc derrière un Duje Ćaleta-Car sorti du placard. Sorti à la 28e minute par Igor Tudor, intraitable début septembre 2022 face à Lille (2-1), il a récemment été préféré à l’immense Chancel Mbemba lors d’un Olympico (1-2) décisif au Groupama Stadium… Capable de briller au duel et à la relance pendant 89 minutes, puis de tout envoyer en l’air en une fraction de seconde, l’Argentin est aussi de ceux qui peuvent déconnecter à tout moment. Une instabilité chronique qui agace à juste titre, mais qui peut aussi s’expliquer par sa très faible expérience au haut niveau avant de débarquer sur le Vieux-Port – 13 matchs en pro seulement. « Je me suis amélioré sur plusieurs aspects. J’ai joué beaucoup de matchs, cela m’a permis de grandir. Comme tout le monde j’ai fait des erreurs et j’ai eu des moments plus bas », témoigne-t-il au moment de revenir sur son parcours récent. Alors fatalement, au moment de s’immiscer dans les débats enflammés entre supporters phocéens, Balerdi fait ressortir l’essence même de ce qu’est l’Olympique de Marseille : un savant cocktail qui mélange exigence, passion et exagération, le tout parfois relevé par un zeste de mauvaise foi.

Dans une mauvaise passe

Si bon nombre de Marseillais ont décidé de couper le cordon avec Leonardo Balerdi sans imaginer quelconque remise en question ou retour en arrière, l’Argentin en est avant tout le premier responsable. Son étrange placement face à Brahimi lors de la déroute contre l’OGC Nice avait même poussé Thierry Henry à le dénigrer en direct sur le plateau d’Amazon Prime. Recevoir les sifflets du Vélodrome lorsqu’on est un défenseur de 24 ans qui affiche toujours un état d’esprit irréprochable est difficile, voire peut-être injuste, mais la réalité est que les flammes se sont déclarées à la suite de certaines bévues commises sur le terrain. Souvent laxiste dans sa façon d’aborder ses prises de balle ou trop peu convaincu dans sa manière de défendre, Balerdi appartient plus à la caste des esthètes argentins parfumés qu’aux morts de faim bouillonnants, ce qui peut surprendre pour un défenseur central. En 2020, pour So Foot, Fernando Batista, ancien sélectionneur des espoirs de l’Albiceleste aujourd’hui à la tête des A du Venezuela était pourtant dithyrambique à son sujet : « Si à 19 ans, tu joues déjà en première division avec Boca Juniors, c’est forcément que tu as quelque chose de différent. » Avec le ballon, le talent et la qualité du garçon sont indéniables. Il est avec Chancel Mbemba le défenseur marseillais le plus à même de faire la différence balle au pied par ses facultés techniques ou mentales. Capable de conduire le ballon, d’éliminer ou de servir, à l’image du milieu qu’il a été durant ses plus jeunes années, Balerdi est un joueur qui ose voir plus loin.

Néanmoins, il semble avoir eu un avant/après Igor Tudor. L’an passé, le défenseur central marseillais faisait parcourir au ballon en moyenne 427 mètres vers l’avant par match grâce à ses passes – il faisait alors mieux que 93% des défenseurs centraux de Ligue 1 dans le domaine. Cette saison, il plafonne à 236 mètres. Si le schisme entre les projets collectifs de Jorge Sampaoli et Igor Tudor est évidemment à placer au centre de cette évolution, un manque de confiance qui le pousse à moins se distinguer dans l’exercice ou à être moins juste quand il s’y risque – il a souvent tendance à surdoser ses passes – peut aussi expliquer cette baisse soudaine. Alors qu’il a presque toujours été critiquable et critiqué sur l’aspect défensif depuis son arrivée à Marseille, le numéro 5 olympien tend de plus en plus à rentrer dans le rang avec ballon, lui qui sortait justement du lot à ce niveau-là. Il est pourtant clair que ses aptitudes n’ont évidemment pas disparu, elles semblent juste bien plus difficiles à déployer lorsque l’on est attendu au tournant par tout un stade, baladé entre le poste de central gauche, axial et droit, tout en ayant parfois le moral dans les chaussettes.

Lors du déplacement à Francfort (2-1) en Ligue des champions, Balerdi est en alerte et couvre bien Randal Kolo Muani, alors qu’Amine Harit se bat pour récupérer le ballon au duel… 

Il intercepte ensuite le ballon grâce à son bon placement, mais le défenseur marseillais est dilettante. Après plusieurs touches de balle sans trop s’inquiéter du pressing subi, il offre une passe trop molle à Pau Lopez qui devra s’interposer pour ne pas encaisser le tir allemand suivant l’interception.

À Lorient (0-0), Vito Mannone dégage le ballon loin devant. Balerdi est alors pressé par Bamba Dieng qui le connaît bien, mais la distance qui sépare les deux hommes lui permet d’agir comme il le souhaite. Plutôt que de mettre la tête avec conviction pour assurer un renvoi dans le camp adverse, l’Argentin tentera un geste difficile au pied avec beaucoup de passivité et se manquera… Ce qui offrira une transition sans vis-à-vis à Romain Faivre, déjà lancé.

Lors de la réception d’Ajaccio (1-2), il est cette fois responsabilisé à la relance et l’idée de fracturer le bloc adverse pour trouver Dimitri Payet est bonne. Mais la passe sera beaucoup trop puissante, à mi-hauteur, impossible à maîtriser.

Rebelote à Toulouse (2-3), où l’idée est une nouvelle fois cohérente. Balerdi est seul pour relancer, le bloc adverse est médian et compact, Sánchez peut attaquer l’espace sans être hors jeu… Mais la passe du défenseur sera bien trop longue et finira dans les bras du gardien violet sans que le Chilien ne puisse espérer un instant l’attraper.

La lumière au bout du tunnel

Titulaire 26 fois sur les 33 matchs de Ligue 1, Leonardo Balerdi est le défenseur marseillais qui totalise le plus de minutes (2248) derrière Chancel Mbemba (2487). Apprécié par Lionel Scaloni, Igor Tudor et André Villas-Boas qui l’avait rapatrié de Dortmund en 2020 avec l’aide d’un Pablo Longoria qui l’avait déjà dans le viseur à Valence, l’Argentin est un joueur qui enchante plus souvent ses dirigeants que ses supporters. Toutefois, si de tels cerveaux tombent sous le charme du défenseur, il est évident que de nombreuses raisons valables existent. La première semble se trouver dans sa capacité à défendre verticalement. Après la victoire à Lyon (1-2), Igor Tudor avait d’ailleurs confirmé cette observation : « Balerdi, je l’ai choisi pour des raisons techniques. En étudiant le jeu de Lyon, j’ai pensé que c’était la meilleure option. » Missionné pour sortir dans le dos de Rayan Cherki et empêcher le jeune maître à jouer rhodanien de se retourner, l’Argentin avait été en réussite. D’autant plus à l’aise pour défendre dans l’autre sens, Balerdi est un excellent défenseur de couverture.

Vif dans sa compréhension du jeu et dans sa mise en action, il se trouve régulièrement à l’endroit opportun une fois le danger repéré. Pour preuve, il est le Marseillais qui réalise le plus d’interceptions (50) cette saison en Ligue 1 et de loin celui qui bloque le plus de tirs adverses (26, Mbemba est deuxième avec 12). Une faculté forcément vitale dans l’animation d’Igor Tudor, qui pousse autant les défenseurs à sortir sur leurs vis-à-vis qu’à courir vers leur but pour défendre les nombreuses transitions. Avant le choc à Bollaert, il est d’ailleurs revenu sur son évolution récente : « J’ai progressé au niveau de la compréhension du jeu, de l’agressivité et de l’attention. J’écoute beaucoup mes coéquipiers comme Alexis, quand lui donner le ballon ou pas. J’apprends de tout le monde. » Moins mobile que Chancel Mbemba pour attaquer l’axe droit lorsqu’il y est aligné (ce qu’il avait cependant plutôt bien fait à Clermont en février dernier), le droitier phocéen affiche pourtant un caractère infaillible avec ballon. Malgré un environnement difficile et un projet de jeu qui colle moins à ses facultés dans l’exercice – Rongier et Veretout décrochent beaucoup, ce qui le détache de la relance -, l’Argentin cherche constamment à faire progresser le jeu quand il le peut.

Face au PSG (0-3), Marquinhos est dos au jeu et s’apprête à talonner vers Kylian Mbappé lancé à toute vitesse. Balerdi est concentré et a compris qu’il était inutile de défendre sur un défenseur central dos au but à l’entrée de la surface alors que la bombe parisienne déboule…

Grâce à son anticipation et son observation, il peut intervenir avec une grande propreté en glissant le ballon de la semelle derrière sa jambe d’appui.

Lors de la réception de Strasbourg (2-2), l’Argentin a rapidement compris et suivi l’appel extérieur de Kévin Gameiro qui attaque le dos d’Habib Diallo qui décroche…

La situation est rapidement interprétée et est bien maîtrisée. Balerdi tacle parfaitement dans les pieds du Français pour trouver Clauss devant lui.

Face à Lyon, Gigot et Kolašinac sont en 1 contre 1 derrière, alors l’Argentin ne doit pas se louper au duel. Il intervient parfaitement, en étant proche et agressif au duel sans commettre de faute sur Cherki et parvient à toucher le ballon du bout du pied vers Veretout.

Dans une situation périlleuse, Balerdi doit rapidement réagir. Il est pressé par Desiré Doué, mais ne peut pas jouer en retrait vers Pau Lopez, car Gouiri guette…

Alors il effectue un râteau long de ligne pour se jouer du jeune Rennais et attaquer l’espace ensuite…

Jusqu’à servir Alexis Sánchez en profondeur ensuite.

De nouveau face à Rennes (0-1), en Ligue 1 cette fois. L’Argentin, sous pression, saute une étape et joue directement vers Tavares, là où bon nombre de défenseurs auraient d’abord alerté Chancel Mbemba par sécurité. Cette passe offrira un temps d’avance au Portugais qui pourra éliminer Adrien Truffert sur sa prise de balle et percuter vers la surface adverse.

Commode face au jeu, à l’aise techniquement, parfois un brin désinvolte, élégant et longiligne (1,87m)… Balerdi est certainement passé à côté d’une carrière de soyeux milieu argentin comme le football en a connu plusieurs. En avril 2021, il en faisait d’ailleurs le constat pour L’Équipe : « Je détestais être défenseur. Je n’aurais jamais imaginé que je deviendrais défenseur ! J’aimais marquer. Quand je suis arrivé à Boca, j’étais milieu offensif, puis milieu défensif. Et, un jour, mon entraîneur de l’époque, Fabian Fedullo, m’a lancé derrière. À la fin de l’entraînement, j’ai filé à la douche et j’ai pleuré de rage. Au fur et à mesure, j’ai changé d’avis sur le poste, mais cela m’a pris du temps. » Aujourd’hui défenseur et fier de l’être, celui qui est parfois surnommé « Balourdi » semble être de ceux qui ne feront jamais l’unanimité. Entre l’apprécier pour ses qualités établies ou le remettre en question pour ses difficultés certaines, chacun fera son choix. Quoi qu’il en soit, la saison de Leonardo Balerdi mérite lucidité, nuance et recul, ce qui peut parfois être difficile à trouver en Provence.

Par Matthias Ribeiro

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