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Strasbourg : l’as Diarra

Par Julien Faure
9 minutes

Capitaine et indispensable à Strasbourg, Habib Diarra s’est imposé en quatre ans comme l’un des meilleurs milieux de Ligue 1, un championnat qu’il pourrait quitter cet été. Il n’a que 21 ans, mais celui qui marche dans les traces de son papa en sélection a pris le temps d’apprendre.

Strasbourg : l’as Diarra

Si on vous demande ce que vous aviez fait dans votre vie à 21 ans, peut-être diriez-vous que vous avez célébré votre majorité US, votre premier job, votre première voiture ou peut-être encore votre premier appartement. Vous ne direz en revanche certainement pas que vous comptiez déjà plus de 100 matchs en pro, que vous étiez capitaine de votre équipe ou encore que vous vous étiez permis le luxe de dire non à Thierry Henry. Sauf, peut-être, si vous vous appelez Habib Diarra. Avec quatre saisons chez les pros dans les pattes, le milieu de terrain est devenu la figure du Racing Club de Strasbourg, l’un des rares vestiges de son identité profonde, qui s’effrite depuis l’arrivée de BlueCo. Il est aussi devenu international sénégalais et se présente déjà comme l’un des visages d’une sélection qui nourrit de grandes ambitions pour les années à venir. Voilà un homme pressé, qui ne regarde pas en arrière, sauf pour se rappeler d’où il vient.

Grand Est, argent de poche et références

Capitaine de Strasbourg à seulement 20 ans au début de cette saison à peine achevée, Habib Diarra s’est imposé parmi les meilleurs milieux de Ligue 1 (avec une nomination au trophée Marc-Vivien Foé à la clé). Un championnat qu’il pourrait quitter cet été, la Premier League lui faisant les yeux doux. Ce serait un sacré changement pour celui qui est né à Guédiawaye, au Sénégal, mais qui a passé ue grande partie de ses vingt premières années dans la région collée à la frontière allemande. Il a 4 ans quand il débarque à Mulhouse, où il enchaîne les surclassements, avant d’intégrer le pôle espoir du Grand Est à Nancy, à 13 ans.

Je lui disais que s’il marquait, il aurait 2 euros par but et que s’il en mettait trois, il aurait 10 euros. Alors quand il marquait, il venait et il me disait “Papa, donne-moi mon argent !”

Samba Diarra, le papa

« Il était au-dessus du lot. Au début, il était attaquant », se rappelle son père, Samba Diarra. Jusqu’à descendre d’un cran, au milieu de terrain, sur les conseils de Jean-Robert Faucher, formateur d’alors et aujourd’hui directeur du Pôle Espoirs football de Nancy. « Je suis allé le voir pour lui dire qu’il avait été détecté en tant qu’attaquant et il m’a répondu qu’il n’y aurait pas de souci », rejoue Samba Diarra, pas très chaud à l’idée de voir son fils changer de poste à l’époque. « Marquer c’était son truc, mais il venait aussi défendre. Je lui disais que s’il marquait, il aurait 2 euros par but et que s’il en mettait trois, il aurait 10 euros. Alors quand il marquait, il venait et il me disait “Papa, donne-moi mon argent !” », rejoue celui qui voyait sa bourse s’alléger à chaque pion du fiston. « Il faisait ses devoirs et il allait taper le ballon tout seul contre un mur. Il aimait trop ça », continue le papa.

De la passion du ballon au métier, il y a du boulot et un monde. Son frère, Cheick, l’a « suivi partout en France » et s’est toujours dit qu’il « pouvait faire quelque chose ». Régis Bogaert, ancien adjoint de la sélection sénégalaise, note son « intelligence dans les efforts d’équilibre d’équipe » quand Mathieu Le Scornet, qui l’a côtoyé à ses débuts au Racing, parle d’un « joueur avec une explosivité rare ». Habib Diarra dit avoir grandi en tirant le maximum de ses différents entraîneurs. Liam Rosenior ? « Il m’a fait grandir mentalement, humainement, techniquement et sur l’intelligence de jeu », nous assure-t-il. Il a aussi connu Patrick Vieira : « Dès qu’il est arrivé, j’étais super content parce que c’était un joueur qui jouait à mon poste et qui était une très grosse référence. Il m’a donné des conseils sur le poste, en attaque, en défense, sur les projections. »

Strasbourg, c’est ma maison. Je suis sûr que je suis attaché à vie à ce club-là, c’est un club extraordinaire qui m’a tout donné.

Habib Diarra

Ses coachs, ses éducateurs, ses coéquipiers, tous parlent d’un garçon « curieux » et conscient des étapes à passer pour progresser. « Je me fixe sur les petits espaces pour encore m’améliorer techniquement, pour être plus à l’aise. Je bosse sur la première touche, pour pouvoir éliminer dessus et être plus décisif », explique le principal intéressé. Mathieu Le Scornet est sur la même longueur d’onde : « Ce qui va faire qu’il va passer un step, c’est de pouvoir aller au bout des actions, de continuer dans cette dynamique-là de pouvoir être décisif par la passe, par la dernière passe et puis commencer à plus marquer. » Comme sur cette occasion manquée face au Havre, ce samedi, qui aurait pu changer beaucoup de choses dans la course à une qualif’ européenne.

C’est qui le patron ?

De la saison 2021-2022, où le Racing rêvait aussi d’Europe avec le jeune Diarra, 17 ans, à celle-ci, le milieu de terrain a grandi. « Ce sont deux saisons complètement différentes. C’était à mes débuts, je venais de monter avec les pros. Maintenant je suis confirmé, je joue plus, il y a plus de confiance avec le coach, avec le staff », déroule Diarra, qui facture désormais 102 apparitions sous le maillot de son club formateur, confirmant les promesses entrevues trois ans plus tôt. « C’était intéressant parce qu’à Rennes, j’avais vu pas mal de joueurs évoluer des jeunes jusqu’aux professionnels, et là j’avais en face de moi l’égérie de l’académie de Strasbourg dans le groupe, se souvient Mathieu Le Scornet, adjoint de Julien Stéphan à l’époque et aujourd’hui sur le banc de la réserve strasbourgeoise. C’est vrai que là, ils ont tapé dans le mille, parce que Habib avait vraiment des qualités qui ont rejailli tout de suite. » Même son de cloche chez Jean-Ricner Bellegarde, aujourd’hui à Wolverhampton : « La première fois que je l’ai vu, j’ai vu un jeune avec beaucoup d’engagement, de puissance, d’envie. Il avait en lui une rage de vaincre. »

Le Sénégalais se sent à sa place à Strasbourg, c’est peut-être aussi pour cette raison qu’il ne s’est pas pressé à céder aux sirènes de plus grosses écuries. À la fin des matchs à la Meinau, il apparaît souvent en tête de cortège pour saluer un public qui l’a définitivement adopté. Diarra n’est plus le petit jeune avec les crocs, il est devenu un patron, même s’il a toujours aimé porter le brassard dans les équipes de jeunes. Sa famille multiplie les formules pour complimenter le bonhomme : le papa décrit son fils comme « un joueur qui se casse la tête pour faire gagner son équipe » ; Cheick estime même que son frangin est « prêt à se tuer pour ses coéquipiers », façon de parler, bien sûr. « Aujourd’hui, ce n’est pas choquant de le voir capitaine », continue Bellegarde.

Diarra est du genre à conseiller les partenaires de son âge et à pousser les plus fainéants à faire du rab à la salle. « Strasbourg c’est ma maison, assure le joueur. Je suis sûr que je suis attaché à vie à ce club-là, c’est un club extraordinaire qui m’a tout donné. C’est une fierté d’être capitaine de ce club-là. » Il n’est cependant pas encore arrivé, et son caractère peut le conduire à commettre des gestes de frustration, à l’image de ses six biscottes cette saison, toutes récoltées après avoir perdu son calme. « Il était vraiment juvénile dans l’approche et assez émotif quelque part, notamment face à l’erreur, où il pouvait être un peu frustré », se remémore Le Scornet, qui l’a déjà vu évoluer dans ce domaine. Bellegarde garde en mémoire des « sautes d’humeur » et le travail de Vieira là-dessus : « Il l’avait titillé à l’entraînement. Il lui a appris à se canaliser, il a beaucoup travaillé sur ça. »

Boucler la boucle avec le Sénégal

Depuis mars 2024, Diarra a fait un choix, celui d’enfiler la tunique du Sénégal, qui le draguait depuis un certain temps. Et qui a fini par convaincre celui qui compte une quinzaine de capes dans les sélections jeunes de l’équipe de France et qui aurait pu disputer les Jeux olympiques 2024 sous la houlette de Thierry Henry. Une décision au nom du père, qui a lui aussi défendu les couleurs des Lions de la Téranga. « J’ai joué avec le Sénégal, je voulais qu’il vienne en équipe nationale, pour me représenter, pour représenter la famille, raconte le paternel, qui note aussi le rôle de l’ancien sélectionneur. Aliou Cissé a beaucoup joué dans l’arrivée de Habib en sélection. À chaque fois, il me disait que Habib devait jouer avec cette génération, qu’il ne fallait pas qu’il la loupe. »

C’est un futur grand joueur. Habib Diarra, il est irréprochable.

Régis Bogaert, adjoint d’Aliou Cissé au Sénégal

Diarra : « Avec les jeunes et les Espoirs, j’ai kiffé et ça m’a beaucoup servi, appris, mais je pense que c’était un choix logique de représenter le Sénégal. Quand j’ai su que j’allais y aller, j’étais heureux. Je me sentais moi-même et je me sentais aussi chez moi », rejoue-t-il, maillot… des Bleuets sur les épaules. Dans cette affaire, Kader Mangane, ancien international sénégalais et dirigeant au Racing, a aussi joué sa part en suivant attentivement l’évolution du joueur au quotidien. « Ça nous a permis d’avoir confirmation qu’on pouvait y aller, souligne Régis Bogaert, adjoint d’Aliou Cissé lors de ses débuts. C’est un futur grand joueur. Habib Diarra, il est irréprochable. » Le voilà déjà à neuf capes et trois buts, en attendant la prochaine CAN.

Un futur en sélection comme en club, même si celui-ci ne devrait plus s’écrire dans l’Hexagone. Le Scornet comme Bogaert ont envie de l’imaginer en Angleterre, sans lui fermer d’autres perspectives. « Il peut jouer en Allemagne, avec des espaces assez ouverts et un côté box to box qui pourrait vraiment l’amener à exprimer ses qualités de projections et de percussions et de jeu vers l’avant, parie Le Scornet. En Angleterre, il pourrait s’appuyer sur sa qualité technique et sa force. Il a les qualités pour s’exporter dans ces deux très grands championnats. » Il ne faut pas trop compter sur le joueur pour être pressé ou donner des indices, lui préfère « ne pas se prendre la tête ». Au fond, il le sait bien : une cigogne peut finir par quitter son nid.

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