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Serait-il temps d’enfin réhabiliter la vuvuzela?

Par Adrien Candau
Serait-il temps d’enfin réhabiliter la vuvuzela?

Presque universellement détesté lors du mondial sud-africain une décennie auparavant, le célébrissime instrument en plastoc mérite-il encore aujourd’hui que les fans de football lui vouent une haine sans nuance ? Tentative de réponse, à mi-chemin entre l'analyse musicologique et footballistique.

C’est comme si, en l’espace d’une décennie, on était passé d’un extrême à l’autre. Alors que le football européen se morfond aujourd’hui dans le silence d’un huis clos mortifère, le monde découvrait il y a presque dix piges la vuvuzela, alors que le mondial sud-africain débutait le 11 juin, par un match nul entre les Bafana Bafana et le Mexique. Le choc culturel fut rude : le supportérisme à la sud-africaine n’a pas su conquérir les cœurs des fans adverses, assourdis par le vacarme incessant de ces trompettes bon marché, qui évoquent le bourdonnement d’un essaim d’insectes dopés à on ne sait quelle hormone de croissance radioactive. Objet de détestation de la quasi-totalité de la planète football, la vuvuzela a même incarné le temps d’un mois de compétition le cauchemar auditif par excellence. Des années plus tard, les plaies sont pansées, les tympans réparés et une question se pose pour les musicos : la trompette sud-africaine était-elle si terrible que ça ?

Première symphonie façon vuvuzela

Avant de revenir sur son impact sur l’expérience de match des spectateurs, il convient d’abord de répertorier les possibilités musicales offertes par l’instrument. Il faut le dire : la vuvuzela du fan de foot lambda est d’une édifiante simplicité. En matière plastique, bon marché, sans pistons ou barillets, la chose est facile d’accès et semble théoriquement faite pour être mise entre toutes les mains, de 7 à 77 ans. Reste qu’on peut se demander si le procès en vacarme fait au disgracieux instrument n’est pas un peu injuste. Entre des pattes expertes, la vuvuzela ne pourrait-elle pas se muer en digne représentant de la musique, la vraie, celle qui donne « une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée » comme disait Platon ?

Le journal allemand Die Zeit a apporté fin juin 2010 une éclairante réponse à cette question, en demandant à trois musiciens du vénérable Konzerthaus de Berlin de réinterpréter à la sauce vuvuzela des compositions iconiques de Brahms et Ravel. Le résultat, que les plus magnanimes qualifieront au mieux d’expérimental, aura surtout une visée parodique. Le trio, hilare, doit en effet se retenir de pouffer en annonçant que : « Déjà, au XIXe siècle, les compositeurs avaient découvert la versatilité de la vuvuzela… Johannes Brahms n’avait pas pu résister à l’idée d’inclure une chorale de vuvuzela à sa première symphonie, alors que Maurice Ravel a inclus dans son célèbre Bolero un grand solo de vuvuzela. »

Highway to hell

Terrible destinée, en réalité, que celle de la vuvuzela, dont le design et l’utilisation basique semblent condamner l’instrument à être l’objet constant des moqueries des grands musiciens de ce monde. Mi-juin 2010, un internaute caustique plantait un dernier clou dans le cercueil de la respectabilité musicale de la vuvuzela. Ce dernier avait diffusé sur le web une composition de son cru dédiée à l’impopulaire instrument, sobrement intitulée « Vuvuzela : Concerto in B Flat » (Vuvuzela : concerto en si bémol, en VF).

Une composition qu’on qualifiera d’accessible.

Le morceau aura évidemment marqué les esprits de par le minimalisme assumé de son parti-pris artistique, ce qui avait valu à divers spécialistes plutôt taquins de s’essayer à la critique musicale : Robin Holloway, professeur de composition à l’université de Cambridge, affirmait que la symphonie suivait une tradition distinguée, celle « des festivals romains de Respighi, qui utilisent des instruments à une ou deux notes pour créer l’atmosphère du Colisée » quand le compositeur Michael Berkeley en profitait pour souligner que « la vuvuzela était idéale pour évoquer le son de l’enfer ».

Mais pourquoi tant de haine ?

Rien à faire, la rédemption artistique de la vuvuzela semble chimérique, mais est-ce si rédhibitoire, quand on sait que l’objet, entre les mains d’un supporter, n’est en réalité destiné qu’à une seule chose : faire du bruit. Comment un cône en plastoc de 70 centimètres a-t-il alors pu susciter autant de haine ? Là encore, le monde avait besoin de comprendre et, pour ce faire, les plus grands experts ont été mobilisés. À l’image de Trevor Cox, le président de l’Institut britannique d’acoustique de l’université de Salford au Royaume-Uni, qui a tenté de décrypter pourquoi la vuvuzela était aussi insupportable : « Une seule vuvuzela jouée par un trompettiste décent rappelle un cor de chasse. Mais le son est moins agréable lorsqu’il est joué par un fan de football moyen, car la note est imparfaite et fluctue en fréquence… Cela se produit, car le joueur ne maintient pas un flux d’air et un mouvement des lèvres cohérents… Lorsque des centaines de vuvuzelas sont jouées ensemble, vous obtenez ce son de bourdonnement distinctif. Les gens dans la foule soufflent à différents moments et à des fréquences légèrement différentes. Le son croît et décroît. L’effet global est un peu comme le bruit d’un essaim d’insectes… »

« Puisqu’elle produit 116 décibels à 1 mètre, une exposition prolongée à la vuvuzela présente un risque pour l’ouïe… Écoutez un seul instrument pendant 7 à 22 secondes et vous dépassez les niveaux habituels de bruit. Évidemment, une foule entière produit des niveaux encore plus élevés… » Difficile, dès lors, de remonter la cote d’un instrument que les spécialistes en tous genres réprouvent en chœur. De fait, dix ans après l’aventure sud-africaine, le monde du foot, à l’exception du pays de Nelson Mandela, continue et continuera donc de détester la vuvuzela. Paix et prospérité auditive sur terre. En attendant qu’un nouveau mondial soit un jour organisé sur la terre des Bafana Bafana.

Par Adrien Candau

Tous propos issus du Guardian et de BBC.com

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