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« Les joueurs sont un peu les ambassadeurs de Haïti »

Propos recueillis par Alexis Billebault
5 minutes

Avant deux déplacements au Nicaragua cette nuit (vendredi à 2h, à l’heure de Paris) puis au Honduras dans la nuit de lundi à mardi, Haïti est toujours dans les temps pour se qualifier pour la Coupe du monde, une compétition à laquelle les Grenadiers n’ont plus participé depuis 1974. Sébastien Migné, leur sélectionneur français, évoque les performances d’une équipe contrainte à l’exil permanent en raison de la situation insécuritaire de l’île des Caraïbes.

« Les joueurs sont un peu les ambassadeurs de Haïti »

Vous avez été nommé sélectionneur de Haïti en février 2024. Est-ce qu’il vous a été possible de vous rendre sur place ?

Hélas non. Je dois sans doute être un des très rares sélectionneurs à ne jamais avoir mis les pieds dans le pays pour lequel il travaille. Mais la situation est encore trop dangereuse, il est fortement déconseillé de se rendre à Haïti. Il fut un temps question que je me rende à Cap-Haïtien, au mois d’août, où il y a visiblement moins d’insécurité qu’à Port-au-Prince. Il a fallu abandonner l’idée, c’est trop compliqué. L’ambassade française a fermé. On verra si, en début d’année prochaine, il y a la possibilité de se rendre sur place. J’aimerais bien voir des matchs, car il y a de très bons joueurs en Haïti.

Cela veut donc également dire que pour les deux matchs au Nicaragua et au Honduras, vous n’avez pas pu convoquer des joueurs locaux ?

Effectivement. C’est très difficile de les faire sortir du pays. Des ambassades sont fermées, il y a peu d’avions… J’avais pu le faire à quelques occasions, mais c’est trop compliqué. Malgré tout, on joue encore au football à Haïti. Il y a un championnat qui s’est déroulé tant bien que mal la saison dernière, et qui va bientôt reprendre. J’ai des membres du staff qui vivent à Cap-Haïtien, je regarde des vidéos, je fais au mieux pour suivre le foot local.

Ne croyez pas que les joueurs qui ne sont pas nés en Haïti sont moins concernés par ce qui s’y passe. Ils y ont leurs racines.

Sébastien Migné

En attendant, vous avez toujours en ligne de mire une possible qualification à la prochaine Coupe du monde. Cela relève du miracle pour une sélection obligée de disputer tous ses matchs à l’extérieur.

Un miracle, je ne sais pas, mais une grosse performance, oui ! Je ne pense pas que beaucoup de sélections se soient qualifiées pour une Coupe du monde sans jamais jouer à domicile. Nous n’y sommes pas encore, mais aujourd’hui, on est en lice (Haïti a fait match nul 0-0 contre le Honduras à Curaçao et 3-3 au Costa Rica lors des deux premières journées, NDLR). On veut toujours l’être à l’occasion des deux dernières journées en novembre, pour une qualification directe ou pour une place en barrages intercontinentaux. On va d’abord essayer de prendre des points sur nos deux matchs d’octobre. Au Nicaragua, au stade de Managua, sur une pelouse synthétique en pleine saison des pluies et avec un public paraît-il très chaud, on s’attend à une rencontre difficile. Et ce sera la même chose au Honduras.

Vous disputez vos rencontres à domicile sur terrain neutre. Pouvez-vous malgré tout compter sur quelques supporters ?

Pas vraiment. Contre le Honduras, il y avait 400 spectateurs, dont 250 étaient honduriens. J’avais pourtant demandé à jouer à Montréal au Canada ou en Martinique, où il y a une importante communauté haïtienne, mais la CONCACAF a refusé et décidé que ce serait à Curaçao, une île charmante, mais où on ne peut guère être soutenus par nos supporters. C’est comme ça…

 

La situation à Haïti reste précaire. Est-ce que vos joueurs, et notamment ceux qui y sont nés, y trouvent une source de motivation supplémentaire ?

Totalement ! Ils se considèrent un peu comme les ambassadeurs du pays. Les résultats de la sélection nationale sont une des rares occasions de faire parler d’Haïti en bien. Haïti est un pays qui adore le foot. Comme la vie est très difficile là-bas, les gens se raccrochent beaucoup aux Grenadiers. Ils rêvent d’une qualification pour la Coupe du monde. La première et dernière fois, c’était en 1974, en RFA (les Haïtiens avaient perdu leurs trois matchs face à l’Italie 1-3, l’Argentine 1-4 et la Pologne 0-7, NDLR), et à cette époque, Haïti faisait partie des meilleures sélections de la CONCACAF. Aujourd’hui, il y a plus d’équipes, beaucoup ont progressé comme les États-Unis, le Canada, le Costa Rica, Panama, etc. Mais pour en revenir à votre question, ne croyez pas que les joueurs qui ne sont pas nés en Haïti sont moins concernés par ce qui s’y passe. Ils y ont leurs racines, et récemment, Duckens Nazon (né en France, NDLR) a fait un très beau discours avant un match.

Odsonne Edouard est éligible pour Haïti. Je l’ai contacté, il n’a pas fermé la porte, mais je comprends qu’il pense d’abord à jouer avec son club.

Sébastien Migné

Est-il facile de convaincre les binationaux de venir jouer pour les Grenadiers ?

Cela dépend. Certains répondent favorablement assez vite. Même s’ils demandent évidemment un temps de réflexion, ce qui est logique. Jean-Ricner Bellegarde (Wolverhampton), Hannes Delcroix (Burnley), Josué Casimir (Auxerre) ont demandé un peu de temps, mais ils ont accepté. Ce qu’il y a de bien dans ce groupe, c’est que j’ai des cadres, comme Johny Placide, Carlens Arcus, Duckens Nazon, Frantzdy Pierrot par exemple, qui me donnent un coup de main pour proposer à des binationaux, qui peuvent être tentés par la sélection de leur pays de naissance ou qui pensent d’abord à leur carrière en club, de nous rejoindre. Odsonne Edouard, par exemple, est éligible pour Haïti. Je l’ai contacté, il n’a pas fermé la porte, je pense qu’il est intéressé, mais il vient d’arriver à Lens, après une dernière saison en Angleterre (Leicester City en prêt, NDLR) avec un faible temps de jeu. Je comprends qu’il pense d’abord à jouer avec son club. On verra dans les semaines ou les mois à venir s’il veut porter le maillot haïtien.

Une qualification pour la Coupe du monde pourrait-elle accélérer l’arrivée de quelques binationaux ?

C’est possible. J’ai la chance d’avoir un très bon groupe, avec des joueurs investis, motivés par le projet, qui savent que nos moyens sont limités, mais qu’on fait le maximum pour qu’ils soient dans de bonnes conditions. On ne leur vend pas du rêve, mais un projet. On a fait la Gold Cup, on va peut-être participer à la Coupe du monde. Ce n’est pas si mal, non ?

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