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Santi Cazorla et le Real Oviedo, destins liés
Porté par un Santi Cazorla désormais quadragénaire, le Real Oviedo a validé samedi soir son retour dans l’élite du football espagnol après 24 longues années d’attente. Une résurrection pour le club asturien, qui aurait pu disparaître en 2012 à cause de graves problèmes économiques, mais aussi pour son capitaine, presque revenu d’entre les morts après de longues années de supplice.

Le football romantique n’est pas mort : la remontée du Real Oviedo, 24 années après sa dernière pige en Liga (2000-2001), est là pour en témoigner. L’exploit porte le sceau de l’enfant du club, devenu capitaine des Azules après des années d’exil à travers l’Espagne, l’Angleterre et le Qatar : désormais quadragénaire, Santi Cazorla a continué de faire parler sa magie lors des barrages d’accession à l’élite, se montrant décisif en demies (sur coup franc) puis en finale (sur peno), et devenant par la même occasion le buteur le plus âgé de l’histoire des play-off de Liga 2. Un beau scénario, puisque les protégés de Veljko Paunović s’étaient inclinés lors de la finale aller (1-0), avant de tout renverser lors de la prolongation du match retour.
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Banqueroute et amputation
Un happy ending qui aurait très bien pu ne jamais voir le jour. Les Carbayones ont connu les abîmes au moment de leur relégation sportive à l’issue de la saison 2000-2001. Alors que les problèmes financiers avaient commencé à pointer le bout de leur nez, Oviedo a subi deux ans plus tard une nouvelle descente sportive, qui s’est transformée en rétrogradation administrative vers la quatrième division, alors que les joueurs dénonçaient le club pour non-paiement des salaires. La formation asturienne s’est alors reconstruite brique par brique, en retrouvant la troisième division en 2005 avant d’y stagner durant dix années. Une situation sportive qui n’a fait qu’accroître les problèmes de trésorerie du club.
En 2012, le club est sauvé in extremis de la disparition grâce à une levée de fonds organisée auprès des supporters (à laquelle les gloires locales Cazorla, Michu et Juan Mata ont participé) et l’investissement de deux millions d’euros du milliardaire mexicain Carlos Slim, désormais actionnaire majoritaire du club via son conglomérat Grupo Carso. C’est finalement trois ans plus tard que le Real retrouvera la deuxième division – synonyme de retour au statut professionnel –, à l’issue de la saison 2014-2015. Mal en point sportivement, Oviedo a toujours pu compter sur un public fidèle et dévoué : en quatrième division, le club comptait plus de 12 000 abonnés au stade Carlos-Tartiere. Oviedo est ainsi devenu un symbole de résistance, porté par ses supporters et son identité forte.
En parallèle, Santi Cazorla, resté profondément attaché à son club formateur, a réalisé de chouettes saisons en Liga avant d’exploser aux yeux du monde du côté d’Arsenal. Mais son destin a basculé un soir de Ligue des champions en 2016, face à Ludogorets, avec une rechute d’une vieille blessure à la cheville droite, a priori anodine, subie en sélection face au Chili en 2013. Rechute qui l’éloignera des terrains près de deux ans, 636 jours exactement. À cause d’une mauvaise cicatrisation qui s’est transformée en infection, Cazorla a enchaîné les opérations et a même frôlé l’amputation du pied. Grâce à un mental d’acier, celui que l’on surnomme « le Magicien » est presque revenu d’entre les morts, comme il le confiait à Marca : « Lorsque je me suis gravement blessé, je ne savais pas si j’allais rejouer au football, mais je savais que, quoi qu’il arrive, je ne me reprocherais rien. Il ne faut jamais abandonner. Vous devez essayer jusqu’au bout, que vous réussissiez ou non. »
« Salaire minimum, 10% des ventes de mes maillots pour l’académie »
El Mago a eu le droit à une seconde jeunesse en revenant à Villarreal, son premier club pro, puis en découvrant l’expérience qatarienne du côté d’Al-Sadd, sous les ordres de son ancien coéquipier en sélection Xavi. Et il a finalement conclu son voyage initiatique en renouant avec son club formateur à l’intersaison 2023. Une histoire teintée de romantisme, puisque Cazorla n’avait jamais pu porter la tunique bleu et blanc en équipe première, la situation économique du club l’ayant forcé à partir à peine sa majorité atteinte. À son arrivée, le génial milieu de terrain, après s’être bien goinfré à Doha, déclarait au Guardian : « J’aurais bien joué gratuitement, mais ce n’est pas légal. Ils ont fait une bonne offre. Ma femme m’a dit : “Non, non, tu ne vas pas à Oviedo pour gagner de l’argent, tu rentres à la maison pour en profiter, pour aider, pour donner.” J’ai appelé mon agent : “Je ne veux pas d’argent.” J’ai dit au président : “Salaire minimum, 10% des ventes de mes maillots pour l’académie.” C’était fait le soir même. »
Un choix du cœur pour celui qui a toujours supporté le Real Oviedo, sa « maison ». Cette signature avait donc tout du choix logique. « C’est la fin parfaite de ma carrière sportive : finir à domicile et aider mon peuple, que demander de plus ? », glissait-il à Marca. Initialement engagé pour un an, le natif de Fonciello, à dix kilomètres d’Oviedo, avait rempilé pour une saison supplémentaire après avoir échoué en finale d’accession face à l’Espanyol, la saison dernière. Une pige de rab durant laquelle il est parvenu à remplir sa mission (en 2024-2025, c’est 37 matchs dont 26 titularisations, pour 5 réalisations et 5 passes décisives). Si son avenir au sein du club asturien n’est pas encore défini, malgré l’appel du pied de son entraîneur en conférence de presse samedi soir (« Je veux juste que Santi joue en première division »), Cazorla a réussi son pari : revenir dans son club formateur, lui faire retrouver la Liga, et être décisif au moment où son équipe avait besoin qu’il fasse parler sa magie.
Le Real Oviedo de Cazorla promu en LigaPar Léna Bernard