S’abonner au mag

Romario, un amateur de génie

Par
6 minutes
Romario, un amateur de génie

Romario ne respire que par une narine, a toujours les yeux injectés de sang, a failli se faire suspendre pour dopage à cause d'un traitement pour les cheveux, et n'est pas vraiment sympathique. Ce type a pourtant une statue à son effigie au stade de Vasco. Somme toute légitime pour l'un des meilleurs attaquants de l'histoire du foot.

Le football à Papa est mort il y a quelques jours, à l’annonce de la retraite de Romario. Le Brésilien ne courait pas le 100 mètres en moins de 10 secondes, n’avait pas une détente verticale extraordinaire, ni même un physique d’athlète (1m68, 68 kilos au mieux de sa forme), n’était pas une star de la pub, et n’a jamais vraiment cherché à faire fortune en Europe au contraire de l’immense partie des joueurs sud-américains.

Romario, en plus de cela, ne souriait jamais ou presque, ne faisait pas de geste du surfer envers le public, n’était pas épilé du torse, et ne faisait pas des ravages chez la gente féminine. Pire, il ne taquinait pas l’elastico, ni le retourné – et encore moins les frappes des 50 mètres. Ses buts n’étaient pas non plus visibles sur youtube. La raison de cet impardonnable oubli ? Il était tout simplement impossible de voir des vidéos sur le minitel.

L’enfant de Rio n’était pas un attaquant moderne, il ne flirtait pas avec la ligne du hors jeu, évitait de rentrer en transe lorsqu’il catapultait un ballon dans les filets, et ne mettait pas le doigt devant sa bouche pour faire taire le public adverse. Romario était atypique, différent, anachronique ; ce mec était tout simplement un génie.

Les débuts de Romario

C’est au club d’Olaria qu’il commence sa carrière et ses premières frasques. Pour se rendre à l’entraînement, celui qui n’est pas encore O Baixinho préfère “Vol-lib’” aux transports publics payants : « Plus jeune, je n’avais pas un sou, et je n’aimais pas frauder, alors je volais tous les jours des vélos pour m’éviter de marcher jusqu’au stade » .

Très rapidement, le Vasco de Gama enrôle le gamin des favelas et lui paye sa première voiture de fonction. Dans le club de la Croix de Malte, il devient champion du Brésil par deux fois. C’est à cette époque qu’il commence – déjà – à se prendre pour Dieu : « Je n’imite pas un oiseau quand je marque des buts. J’imite le Christ de Corcovado » .

L’étape hollandaise

En 1988, il signe pour le PSV Eindhoven, une destination improbable pour un tel amateur de nightclubs. Malgré ses nombreuses virées nocturnes à Amsterdam, et une hygiène de vie digne d’un pilier de bar, il finit trois fois meilleur buteur de la Eredivisie.

Après 5 ans au Pays-Bas, le sémillant Romario déclare à qui veut bien l’entendre qu’il veut partir. Problème : personne ne semble vraiment pressé de s’attacher ses services. Il finit même par signer un accord de principe avec l’America mexicain, avant que Cruyff ne débarque pour parfaire sa dreamteam.

Un génie à Barcelone

Premier jour à Barcelone, le 17 juillet : il passe sa matinée à la messe, l’après-midi aux arènes de taureaux et annonce dans la soirée qu’il mettra 30 buts dans la saison en championnat. Tout le monde est alors plié de rire.

En matchs d’avant-saison, Romario s’échauffe pourtant en mettant 16 buts en quinze matchs, avant d’aligner trois pions pour son premier match de championnat contre la Real Sociedad. Il ne se satisfait pourtant pas de clouer le bec à la presse espagnole.

Alors qu’il va faire ses grands débuts officiels sous le maillot catalan, il se permet même d’envoyer balader Zubizareta, qui lui donnait des conseils sur le gardien basque : « Je ne vais pas écouter quelqu’un qui joue au foot avec les mains. Ce n’est pas toi qui va m’apprendre à marquer des buts quand même? » .

Lunatique, retardataire et fêtard invétéré, Romario joue la diva et explique à Cruyff qu’il ne peut pas mettre de buts s’il ne sort pas au coucher du jour : « La nuit est mon amie » . Il ne finira pas comme Ronaldinho.

Sur le terrain Romario régale la chique, et devient la première vraie star brésilienne des Blaugranas, bien avant Ronaldo, Rivaldo et Ronaldinho. Aucun des compatriotes de Romario ne se sera pourtant jamais aussi bien adapté que le Baixinho. Car contrairement à ses successeurs, Romario était un individualiste uniquement dans les seize derniers mètres ; son jeu tout en déviations, en passes courtes, et sa technique superlative jamais ostentatoire firent des ravages dans la capitale catalane. Il arrivait néanmoins qu’il ne fasse rien durant tout un match : « Romario énervait ses défenseurs par sa passivité, il était tellement cool que c’était anormal, raconte Guardiola. Quand il se mettait de profil, ça voulait dire qu’il voulait la balle. Le défenseur n’avait pas encore réagi qu’il était déjà dans les seize mètres » .

Si Cruyff le considéra comme le « meilleur joueur » qu’il eut à entrainer, son passage en Espagne ravit également tous les aficionados du beau jeu, à commencer par le philosophe merengue Valdano : « Il n’y a pas de déchets chez Romario, tout ce qu’il fait est beau, juste et épuré, si bien que cela semble irréel. En réalité, Romario est un joueur de dessin animé » . Quelque part entre Olive et Tom avec un zeste de Marc Landers.

Pour José Maria Bakero, poumon des Blaugranas version Cruyff et ex-entraineur adjoint de Koeman à Valence, Romario avait quelque chose de mystique : « Dans le vestiaire, il nous disait ‘Tranquilles les gars aujourd’hui j’en mets deux’ et il le faisait. A la longue, nous n’étions même plus surpris. C’est quelque chose de surnaturel d’avoir une telle force de conviction, et de réaliser tes promesses. Lui, il le faisait tout le temps » .

Koeman confirme. Ce mec-là était tout simplement un extraterrestre : « J’ai revu plusieurs vidéos de ses actions, dans lesquelles le défenseur qui le charge ne fait aucune erreur, aucune ! Et pourtant, ça finissait toujours avec le ballon dans les filets » .

15 ans plus tard, la “cola de Vaca” (queue de vache, le défenseur est dans le dos, et l’attaquant fait un crochet intérieur en se retournant) sur Alkorta fait encore mal aux Merengues. Mais que dire alors de la victime ? « Je n’ai toujours pas compris ce qu’il m’a fait. Je me souviens seulement que tout est allé trop vite » .

Retour à la case Vasco

Après la finale perdue d’Athènes, Romario quitte le Barça pour Vasco. Il a 28 ans et le gâchis semble incommensurable. Mais l’homme qui passait ses journées à jouer au beach soccer sur les plages de la Costa Dorada a la Saudade se contrefout du fric et des appels du pied des plus grands clubs d’Europe.

Malgré un retour express à Valence, sous les ordres du caporal Aragones, Romario quitte définitivement le foot européen en 1997. Son haut niveau, lui, ne le quittera jamais.

Romario n’aura toutefois jamais été un grand professionnel. S’il l’avait été, il n’aurait jamais peint la gueule de Zagallo dans les toilettes de sa discothèque brésilienne, et surtout il n’aurait sans doute jamais irrité autant certains de ses illustres compatriotes par son étonnante mais diabolique nonchalance. Le Roi Pelé en était même jaloux selon Romario : « Il sait que je suis meilleur que lui, et c’est pour ça qu’il raconte autant de conneries, mais quand il se tait, le visage de Pelé est un poème » .

Si Romario avait été un athlète professionnel, il aurait sans doute gagné bien plus qu’un Mondial, des Jeux Olympiques, et des championnats partout où il est passé. Il ne serait sans doute pas rentré dans la légende s’il avait forcé ne serait-ce qu’un peu son talent en préférant la force à la subtilité. Non, Romario n’a jamais été un professionnel tout simplement parce que c’était un artiste.

Par Javier Prieto Santos

Au Barça

La meilleure mais pas la plus courte !

Pardon d’avoir douté, Rayan Cherki

Par

À lire aussi
Articles en tendances
03
Revivez Salzbourg-PSG (0-3)
  • C1
  • J6
  • Salzbourg-PSG
Revivez Salzbourg-PSG (0-3)

Revivez Salzbourg-PSG (0-3)

Revivez Salzbourg-PSG (0-3)
02
Revivez Sainté-OM (0-2)
  • Ligue 1
  • J14
  • Saint-Étienne-Marseille
Revivez Sainté-OM (0-2)

Revivez Sainté-OM (0-2)

Revivez Sainté-OM (0-2)
10
Revivez Brest-PSV (1-0)
  • C1
  • J6
  • Brest-PSV
Revivez Brest-PSV (1-0)

Revivez Brest-PSV (1-0)

Revivez Brest-PSV (1-0)

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

C'est une putain de bonne question !

Pep Guardiola est-il finito ?

Oui
Non
Fin Dans 2j
63
36

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine