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Châteauroux, un si long toboggan
Reléguée en National 1 au printemps 2021, la Berrichonne de Châteauroux a connu une nouvelle gamelle, ce vendredi soir. Sa relégation en N2 est cette fois officielle, venant tamponner définitivement la fin d’une ère pour un club historique du foot français.

Pour tout supporter, le foot est une bande dessinée. Une succession de pages, d’images, de séquences narratives. Une image, en voilà une : à la 95e minute du Boulogne-Châteauroux qui s’est joué vendredi soir dans un stade de la Libération tout proche de dégueuler, un joueur de 23 ans, tout de blanc vêtu, a glissé tout seul alors qu’il était en train d’enclencher la transition offensive la plus importante de la saison de son équipe. Doua Dembélé n’est ici qu’un triste symbole, celui d’une Berrichonne le bec dans l’herbe, pour qui rien n’a tourné cette saison, mais qui n’a surtout rien fait pour que les choses tournent pour elle.
Il n’y a pas eu de miracle dans le Pas-de-Calais : accrochés (1-1), les Castelroussins n’ont pas su s’imposer et dépasser un Villefranche exempt. Comme attendu, Châteauroux va donc continuer de glisser au sein du toboggan dans lequel il s’est assis au printemps 2021, date de la relégation du club en National 1, alors qu’il venait tout juste d’être racheté par le groupe saoudien United World. Un rachat qui avait été suivi d’une grande annonce : retrouver la Ligue 1 dans les cinq ans. En lieu et place de ce programme, la Berrichonne vient d’officialiser sa relégation en N2, soit un niveau que le club berrichon n’a plus connu depuis la saison 1987-1988.
Mouliner dans les dettes
Alors, quoi ? Jouer les surpris ? Ce serait être naïf. Cette relégation n’est, en réalité, qu’une nouvelle page, la dernière, d’un chapitre noir de l’histoire du navire bleu et rouge. Un navire qui, en l’espace de quatre ans, a tout vu, tout connu, tout traversé du pire que peut offrir le football moderne. Ainsi va la vie : après une première saison plutôt prometteuse (5e, en 2021-2022), la Berrichonne a vu le projet saoudien vite dévisser et la DNCG encadrer la masse salariale de sa boutique. Puis, les quilles sont tombées une à une. Si Châteauroux a réussi à se sauver à la force de ses ongles en mai 2023 sur le gazon du Paris 13 Atletico, seul un montage financier miraculeux a permis au club de repartir lors de la saison 2023-2024, avant que Benjamin Gufflet ne tente à son tour un projet en rachetant les actions de United World. Pas de miracle, là aussi : celui qui est également président de l’US Dax n’a tenu que quatorze mois, lassé de mouliner dans les dettes énormes à combler, qui ont fait flipper les partenaires locaux et ont poussé la DNCG à sévir toujours plus, jusqu’à rétrograder la Berrichonne en N2 à titre conservatoire en décembre dernier.
La Berrichonne est reléguée en National 2. Merci aux supporters qui nous ont soutenus toute la saison à travers la France. On reviendra plus forts. pic.twitter.com/L76AqroQeF
— La Berrichonne de Châteauroux (@LaBerrichonne) May 16, 2025
Un fait : Châteauroux a dû retaper à 95% son effectif lors des deux derniers débuts de saison. Un second : plus grand-chose ne coule des robinets depuis de très longs mois. Le nombre de salariés administratifs est passé de 37 à 8 entre juin 2023 et juin 2024, des prestataires ont peiné à voir les chèques arriver, l’ambiance interne est vite devenue explosive, le centre de formation a été fermé, les frais ont été réduits à tous les niveaux, si bien que les joueurs n’ont pas toujours eu de l’eau chaude pour se doucher et ont souvent dû être (très) patients avant de recevoir les salaires au cours de la première partie de saison. À ça, il faut ajouter le départ violent de Patrice Lair, le 21 octobre dernier, après deux victoires en huit journées (pour six défaites), à la suite d’une fronde des joueurs, mais aussi à un épisode lunaire. À savoir : des insultes prononcées par le coach en direction de Fabio Fourès, community manager de la Berrichonne, également propriétaire d’une licence d’arbitre U19, qui avait accepté de prendre le sifflet lors d’un amical disputé à huis clos entre Châteauroux et la réserve de l’AS Saint-Étienne, mi-octobre.
Trop de virages ratés pour ne pas finir dans le décor
Cris a ensuite déboulé pour tenter d’éteindre le feu. Le Brésilien a obtenu quelques résultats, a pris des claques – dont deux mémorables face à Aubagne (2-7 à l’aller, 6-2 au retour) – et a appelé ses joueurs à mettre des fessées, ce qui a également amené Kalash Criminel dans le vestiaire, mais la vérité est que la Berrichonne a raté trop de virages pour ne pas finir dans le décor. Si un énième propriétaire a décidé de récupérer le club en avril (Djamel Zemmar), il va devoir tout reconstruire de zéro avec la perte du statut pro et un modèle intégralement à repenser. Il paraît que ce match joué sur la pelouse de Boulogne-sur-Mer, vendredi, était « de ceux que tout footballeur veut disputer ». Il faut dire que Châteauroux ne l’a pas montré, se contentant de proposer un simple bloc regroupé, qui n’a été que partiellement compact, et ne sortant qu’à de très rares reprises, ce qui aura permis au club d’être sauvé 85 secondes avant de se faire rattraper par le colbac. Là aussi, jouer les surpris ? Non, nous ne sommes toujours pas naïfs. Parfois, le foot est honnête, et il lui arrive même de répondre à une certaine logique. Ce qui est certain, c’est que le gâchis est énorme et que les portes du bourbier viennent de s’ouvrir.
Par Maxime Brigand