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Qui es-tu, Stan Kroenke ?

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Qui es-tu, Stan Kroenke ?

Il ne lui restait que dix-sept actions à acheter afin d'atteindre le seuil des 30%, pour être dans l'obligation de faire une offre de rachat à tous les actionnaires Gunners. Le deal fut conclu pour plus de 12 000 euros l'action, valorisant Arsenal à près de 830 millions d'euros. Présentation de ce nouvel américain en Premier League, Stan Kroenke.

Enos Stanley Kroenke, c’est un personnage sorti tout droit de l’Amérique profonde, avec plein de marqueurs « American Way of Life » . Déjà, pour le symbole, son père décide de lui donner un premier tampon « US » . Son fiston aura les prénoms de deux de ses joueurs de base-ball préférés, dans les années 40 : Enos Slaughter dit « Country » et Stan Musial dit « Stan the Man » , membres du Cardinals Hall of Fame de Saint-Louis. Le paternel tient un petit business de bois dans lequel il traîne son Enos Stan. D’après le New York Times, Kroenke Junior y passe le balai de nombreuses fois mais surtout, à partir de ses dix ans, y avale quelques bouquins. Le petit Kroenke est sage, appliqué, studieux. « Stan est calme, un bon élève et un bon basketteur » dit de lui William Smart, un ancien camarade de lycée au nom de gentil. Bref, pour le dire vite, Stan est peu chiant mais avance discrètement. L’Université du Missouri à Columbia d’abord, où il sortira, en 1965, avec un M.B.A, une boutique de fringues qu’il a achetée et une mauvaise hépatite. Selon la légende, c’est à partir de ce moment-là que l’avenir de Stan se décide. Plutôt bon basketteur, il se disait dans le landerneau universitaire qu’il pouvait envisager une carrière professionnelle, grâce à « un shoot extérieur élégant » selon le NY Times toujours. Aïe, le physique lâche et Kroenke est contraint d’entrer dans le « business » plutôt que le sport.

Un enfant de Wal-Mart

Seulement, lors d’un voyage à l’américaine à Aspen, pendant ses années universitaires, il y croise Ann Walton d’abord, puis lui passe la bague au doigt ensuite, en 1974. Ann Walton est tout simplement la nièce du fondateur de Wal Mart, Sam Walton, et une de ses riches héritières. Evidemment, cette rencontre joue un poids considérable dans la réussite professionnelle de Kroenke. Mais non, Stan n’est pas un naze qui a récupéré du fric de la belle-famille pour se monter un empire. Il l’a joué plus subtilement. Kroenke a passé les années 70 et 80 à monter, avec grande réussite et talent, des centres commerciaux autour de Wal-Mart, qui n’était pas à l’époque le block-distributeur des années 2000. Et la fortune s’est épaissie au fur et à mesure des ouvertures de centres commerciaux.

Invisible médiatiquement outre-Atlantique, il faut aller chercher dans le Columbia Daily Tribune pour avoir un semblant d’indice sur la motivation de Kroenke à être désormais à la tête des Colorados Avalanche (NHL), des Denver Nuggets (NBA), des Rams de Saint-Louis (NFL), des Colorado Rapids (MLS) : « J’ai toujours su que je m’y plairais car le business du sport professionnel, c’est d’une part le business, et d’autre part le sport, et j’aime les deux » . Aujourd’hui, Stan Kroenke pèse presque trois milliards de dollars selon Forbes – sa femme Ann fait mieux avec 500 millions de plus – et beaucoup de spécialistes du business sportif le considèrent comme le propriétaire de franchises le plus influent et le plus intelligent. Il est aujourd’hui le seul propriétaire à réellement bien faire fonctionner le stade – « centre de vie » autour de chacune de ses franchises. Le modèle est efficace : acheter le club (joueurs, staff et toute la clique), être propriétaire du stade, des droits de diffusion de ses équipes (sur une chaîne câblée regroupant tous les matches de ses franchises) et faire autour du stade « un centre de vie / pompe à fric » , notion chère à Jean-Michel Aulas.

Un catcheur pour seul ennemi

Le modèle a un avantage supplémentaire mais qui ne servira a priori à rien dans le cas d’Arsenal. Lors du lockout 2005 en NHL (grève du syndicat des hockeyeurs contre la Ligue Nationale), tous les employés dédiés aux Colorado Avalanche ont été temporairement réaffectés sur les autres franchises. Le modèle n’a pour l’instant croché qu’une seule fois. En 2009, Kroenke n’avait pas prévu dans son planning des Denver Nuggets aussi coriaces face aux Lakers. Problème : Denver doit recevoir le même soir dans son Pepsi Center un gala de catch de la prestigieuse WWE (World of Wrestling Entertainment) et un play-off NBA Denver/LA. L’affiche de catch trinque et trouve refuge au Staples Center, dans la Cité des Anges. De cette fausse note, Stan Kroenke en garde son seul ennemi jusqu’à aujourd’hui : Vince McCahon, le Monsieur Catch aux States et actionnaire majoritaire de la WWE. McCahon balancera une punchline moisie sur les plateaux TV pour s’indigner – « ce n’est pas accorder beaucoup de confiance à son équipe que de programmer un autre événement à une date de play-off. Ce n’est qu’une imposture d’un bon businessman » – et ouvre même la fameuse session catch du Staples Center en envoyant dans les cordes un sosie mal déguisé de Stan Kroenke. On aurait quand même attendu plus de McCahon qui, dans le milieu du catch, a bâti sa réputation sur un geste fort : obliger ses adversaires à lui embrasser les fesses bien à l’air et en évidence au milieu du ring, le « Kiss My Ass Club » paraît-il. Autant dire, qu’on n’est pas forcément monté d’un cran dans le registre du charisme.

Quoi qu’il en soit, vous l’aurez sans doute compris, Stan Kroenke n’est pas un imbécile, n’est pas en train de jeter du dollar par les fenêtres juste pour faire du sport son joujou. « Il veut faire de vieilles choses d’une manière moderne » résumait énigmatiquement David Stern, le boss de la NBA. Avec Kroenke, les fans des Gunners ne sont pas, a priori, face à un imposteur. Même s’il y autant de K dans son nom que dans Kachkar. Même si sa moustache et son casque capillaire semblent être factices. « Silent Stan » , surnom attribué par les Américains à l’animal, d’un point de vue business, ne s’est en tout cas pas trompé de cheval avec Arsenal. Sans gagner aucun titre depuis six ans, le club de Londres est un des clubs les plus sains financièrement en Premier League, de par sa régularité dans le Big Four et les coupes d’Europe, il dispose d’un stade plutôt très moderne et toujours plein. Bref, le spot Arsenal est idéal pour Kroenke, son modèle et ses millions.

Ronan Boscher

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