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Qu’est-ce que l’Inter en 2015 ?

Par Markus Kaufmann
Qu’est-ce que l’Inter en 2015 ?

L'Internazionale FC, cette équipe lombarde vouée à accueillir les talents du monde entier, vit une période trouble. Orpheline du père Moratti et pas tout à fait adoptée par le parent lointain Thohir, l'Inter doute comme une jeune fille en pleine crise d'adolescence. Cinq ans après le triplé de Mourinho, quatre ans après le dernier titre remporté par Leonardo, où en sont les Nerazzurri à l'heure de disputer le Derby della Madonnina ?

Internationale, mais milanaise. Extravagante, mais authentique. Souvent folle, parfois drôle, mais toujours différente. L’Inter est un club à l’identité complexe et nuancée. Avec des « mais » , ce mot vache qui complique, mais précise. Entre la Juve méthodique des Agnelli et le Milan séduisant des Berlusconi, l’Inter a toujours nagé entre les courants, notamment lors du Calciopoli. Bien avant, depuis toujours, pendant que la Juve semblait s’attacher à la conquête de l’Italie et que le Milan s’empressait de conquérir le monde, l’Inter ne faisait ni l’un ni l’autre. Ou un peu des deux. Parce que l’Inter est faite de contrastes : elle a gagné plus que le Milan en Italie (30 titres à 29, sans compter la Serie B) et elle a gagné plus de C1 que la Juve (3 contre 2). Mais aussi moins que le Milan dans le monde, et moins que la Juve en Italie. Unique, c’est en tout cas la seule qui n’est jamais tombée dans les filets de la Serie B, en 107 ans d’histoire. Enfin, peu importe. Car de toute façon, l’Inter n’est définie ni par ses trophées ni par ses records.

Nuit noire, ciel bleu, étoiles dorées

D’ailleurs, elle n’est pas non plus définie par une philosophie de jeu particulière. De la défense à cinq d’Héctor Cuper au 4-2-3-1 de José Mourinho en passant par les contres éclair d’Helenio Herrera, l’Inter ne s’est pas vraiment construite sur un modèle de jeu, même si elle a souvent construit ses succès sur une belle organisation défensive. Difficile également de percevoir une identité chez le joueur interista. Sous la présidence de Moratti, l’Inter a accueilli plus d’un milliard d’euros de talents : des phénomènes, des bides, mais toujours des talents. Angelo Moratti, lui, adorait son gaucher fantaisiste Mario Corso. Et son fils Massimo est tombé amoureux d’Álvaro Recoba. Des joueurs singuliers, donc ? Pas vraiment. S’ils ont souvent été problématiques comme Balotelli et Adriano, ils ont été aussi souvent exemplaires comme Zamorano et Milito. D’ailleurs, les plus grandes légendes du club n’ont pas été des joueurs au talent d’extraterrestre, mais plutôt des travailleurs acharnés. Après tout, les trois deniers capitaines emblématiques jouaient au poste de latéral : Giacinto Facchetti, Giuseppe Bergomi et Javier Zanetti. Un homme qui nous mène à un autre paradoxe, pour lequel il faut traverser l’Atlantique : alors que l’Inter a vocation à accepter les joueurs non-italiens, les étrangers les plus recherchés par l’Inter restent des Argentins issus de l’immigration italienne, comme Zanetti, Cambiasso ou encore Milito.

L’Inter est donc difficile à saisir, à comprendre, à aimer. Ici, pas de place pour des concepts aussi nets que l’autorité des trois points de la Juventus, les principes du jeu barcelonais ou les goûts galactiques du Bernabéu. Revenons donc au point de départ. Le 9 mars 1908 au restaurant Orologio à Milan, une quarantaine de membres dissidents du Milan Football and Cricket Club décident de fonder le fond et la forme de celle qui sera surnommée la Beneamata, la Bien-aimée. Le fond : « Ce club s’appellera Internazionale, parce que nous sommes des frères du monde » . La forme : « Cette nuit splendide donnera des couleurs à notre blason : le noir et le bleu sur le fond doré des étoiles » . Aujourd’hui, sur le fond, l’Inter a toujours tendance à privilégier le talent venu de loin, et seuls trois Italiens peuvent jouir du statut de titulaires : Andrea Ranocchia, Davide Santon et Danilo D’Ambrosio. Et pour ce qui est de la forme, malgré la finesse des rayures bleues cette saison, il faut dire que le maillot rayé noir et bleu habillé de son sponsor Pirelli fait partie des plus traditionnels au monde. L’essentiel est donc respecté. Pourtant, l’Inter navigue actuellement entre doutes et nostalgie. Il y a deux semaines, la Gazzetta dello Sport a lancé la rumeur folle d’une reprise du club par Moratti, aidé par l’ex-président Ernesto Pellegrini et un actionnariat populaire basé sur 30 000 tifosi. L’information a été démentie par Moratti, mais les sondages ont été clairs : pour 80,2% des internautes du site du journal rose, « un retour de Moratti est la solution pour revenir aux sommets » .

De Moratti à l’Indonésie

Durant longtemps, très longtemps, la famille Moratti a constitué un gros morceau de l’identité du club. Le père Angelo, le fils Massimo et le petit-fils Angelomario, qui devait être le prochain. Une famille profondément interiste, milanaise, et proche des tifosi. Ceux-là qui aimaient se rendre le lundi matin au pied du bureau de Massimo pour le voir répondre aux journalistes habitués. C’était une routine, un moment qui faisait partie intégrante du monde Inter : entre deux clopes, Moratti parlait de tel ou tel joueur qu’il trouvait toujours « molto simpatico » , et la presse se chargeait de lancer les rumeurs. Mais depuis octobre 2013, l’Inter est orpheline de son président et de ses habitudes. Ayant quitté le foyer Moratti, la Beneamata a été immédiatement mise dans les « bonnes mains » (dixit Moratti) d’Erick Thohir. Un propriétaire indonésien, donc, parce qu’une nouvelle fois, l’Inter ne pouvait pas faire comme les autres, et donc un contact différent : Thohir se rend à Milan une fois par mois environ et se fait surtout entendre par le biais de communiqués sur le site officiel du club. Naturellement, entre les tifosi et leur président, le lien n’existe pas encore. Nicola Berti, emblème italien de l’Inter de 1988 à 1998, racontait l’an passé : « Avec l’arrivée des Indonésiens, on a perdu un bout de notre identité à peine quatre années après le triplé, et le changement semble être bien plus traumatique qu’en 1995 » .

Et sur le terrain ? Fidèle à son histoire, l’Inter est guidée par des spécimens, du buteur sulfureux Mauro Icardi au travailleur malchanceux Rodrigo Palacio en passant par le pitbull Gary Medel et le talent énigmatique Mateo Kovačić. Mais dans le jeu, l’Inter est-elle vraiment un neuvième de Serie A, ou un aspirant au podium, voire au titre dès la saison prochaine ? C’est la question que tout Milan se pose à l’heure d’aborder un derby compliqué, qualifié de « pauvre » dans tous les médias transalpins. Depuis le retour de Mancini, d’une part l’effectif a été renforcé (notamment par Shaqiri), mais d’autre part l’Inter a abandonné les principes conservateurs de Mazzarri. Mancini a un seul credo : faire jouer cette équipe comme une grande, et tant pis s’il n’a pas les individualités suffisantes. L’Inter affiche ainsi 59,7% de possession en moyenne, ce qui la classe deuxième en Italie derrière la Roma, et septième des plus grands championnats européens. Plus de jeu, donc, mais autant d’erreurs individuelles coûteuses… Une façon pour Mancini d’insister auprès de Thohir pour obtenir de nouveaux renforts ?

L’adolescence à 107 ans

Et si, avec un certain recul, ces 107 ans d’histoire richissime n’étaient que le début ? Orpheline de Moratti, adoptée par Thohir, l’Inter serait en train de vivre une crise d’adolescence classique. Une période de la vie qui, par ailleurs, convient bien à ces clubs de football sous pression et enclins à se faire aveugler par le court terme. Aujourd’hui, à l’Inter, le sportif est neuvième de Serie A. Mais derrière, la gestion administrative, marketing et commerciale du club fait des pas de géant depuis l’arrivée de Thohir pour remettre le club au niveau des plus grandes machines internationales. L’Inter voit donc son corps se transformer, mais la maturité ne suit pas encore. Ou l’inverse. En tout cas, ses excès de nostalgie indiquent qu’elle a encore peur de faire peau neuve, un an et demi après le changement de présidence. Tout n’a pas changé, pourtant : l’ex Roberto Mancini est revenu. Javier Zanetti est encore là. Pirelli aussi. Les Argentins, également. Et Thohir semble partisan de l’idée de rénover San Siro plutôt que de construire un nouveau stade. L’Inter a un pied dans le futur, mais n’ose pas encore mettre le second. Après tout, elle a le droit de se perdre, à cet âge-là. Le plus important, c’est qu’elle ne s’oublie pas.

Par Markus Kaufmann

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