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Quand les réfugiés retrouvent un terrain
Ce samedi à l'Elite 5 Soccer de Nanterre a lieu la première Coupe du monde Singa, une initiative visant à l'insertion sociale et professionnelle des réfugiés. L'occasion d'un foot en équipe d'exilés.
C’est un scénario digne des tiroirs de DreamWorks : celle du réfugié politique sorti de la clandestinité grâce au football. Edvin Murati. Arrivé sans papiers de l’alors République populaire d’Albanie en 1990, le petit milieu de terrain est repéré par le centre de formation du Paris Saint-Germain, intégré au Camp des Loges, et assisté par le club dans ses démarches de demande d’asile. Déclaré réfugié politique en France, il jouera finalement 42 matchs pour sa sélection nationale – le régime autoritaire est tombé en 1991 – et est aujourd’hui conseiller économique pour l’ambassade d’Albanie en France. De quoi se permettre de dédicacer des balles anti-stress à son conseiller bancaire.
Michel Platini et Sankt Pauli
Son compatriote Lorik Cana, recruté par le PSG avec le statut de réfugié politique, ou Rio Mavuba, né apatride et capitaine de l’équipe de France espoirs à 20 ans, racontent aussi de belles histoires. Belles, donc rares. En 2014, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le nombre de « déracinés » dans le monde (réfugiés, demandeurs d’asile, déplacements forcés à l’intérieur d’un pays) à franchi la barre des 50 millions d’après les données de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, dont plus de 16 millions hors de leurs frontières. La situation en Syrie en est une cause, les récents drames en Méditerranée de ternes coups de projecteurs. Or, le bientôt candidat à la FIFA Michel Platini l’affirmait en 2013, à l’occasion d’une visite au camp de réfugiés syriens de Zaatari en Jordanie : « Se servir du football pour créer du changement social est toujours notre but. Nous travaillerons dur pour poursuivre nos efforts. » Un effort bien compris par Sankt Pauli qui a lancé en avril 2015 une collecte au profit de l’organisation Seawatch, oeuvrant pour le secours des réfugiés en mer. Ou quand le monde du football prend la mesure de son rôle social.
De la Russie au Soudan
Dans l’autre sens, le monde associatif a, depuis longtemps, bien compris le pouvoir d’intégration du foot et n’hésite pas à en jouer. À faire jouer. Singa en est un exemple. Cette structure française qui vise à « accompagner les réfugiés dans leur intégration socio-économique » et à « sensibiliser la société civile à la question de l’asile et des réfugiés » organise ce samedi sa première « Coupe du monde » . À l’origine du volet sportif, une déracinée. Guillaume Rivet, responsable de projet chez Singa, détaille : « Une réfugiée russe nous a proposé de lancer une section sport. Elle était athlète de haut niveau dans son pays et a repris des études de STAPS en France. Elle a mis en place des cours de crossfit, puis un réfugié soudanais s’est proposé pour des activités de course de fond. » Une Russe à la gymnastique, un Soudanais à l’endurance, l’image d’Épinal est respectée. Pour le foot, ce sont « une dizaine de nationalités » représentées à l’Urban 5 Soccer de Nanterre, recrutées dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile en Île-de-France : « Pas mal de Soudanais, et globalement d’Africains, parce que le foot est hyper important là-bas. Après, des Afghans, des Syriens, c’est normal, ce sont les plus nombreux en ce moment. »
Passe syrienne, but afghan
Reste à mélanger ce petit monde. Que les communautés se rassemblent autour d’un ballon n’est pas nouveau. Ici, le but de l’association est de brouiller les origines. Quand Singa dit « vouloir aller à contre-courant des solutions actuelles, proposer de nouvelles formes d’intégration » , elle le fait aussi sur le terrain : point d’inscription en groupe, les 8 équipes de 6 seront volontairement multinationales, « pour forcer les gens à se rencontrer, à travailler les uns pour les autres. Du coup on va les mettre dans le même bateau. Euh, enfin, non, c’est une mauvaise image ! Qu’ils comprennent comment fonctionnent les autres, quoi ! Faire tomber les préjugés, entre réfugiés, et de Français à réfugiés. » C’est là un autre objectif du tournoi, « rencontrer d’autres Français, à part les gens de la CAF et de Pôle Emploi. » Il reste d’ailleurs quelques places. Envie de marquer sur une passe décisive afghane ?
Coupe du monde Singa, samedi 8 août à l’Elite 5 Soccer de Nanterre 10 € / 5€ pour les réfugiés et demandeurs d’asile Inscriptions sur www.singa.fr
Par Eric Carpentier