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Quand la Roma et l’Inter s’entretuaient

Les Roma-Inter n’ont pas toujours accouché de 1-0 peu reluisants, comme au match aller. Il y a eu de nombreuses confrontations prolifiques, dont celles durant la dernière saison du XXe siècle. Quinze buts ont été inscrits sur les deux matchs aller et retour. Une période où Zeman, Ronaldo, Cafu, Baggio, Paulo Sérgio officiaient encore. Forcément.
Un an auparavant, Roma et Inter se disputaient le podium. Face à la Lazio, les Nerazzurri soulevaient même la Coupe UEFA à Paris grâce à un Ronaldo divin. Mais la saison 98/99 est synonyme de galère. Après une série de trois défaites d’affilée et un nul dans le derby, Luigi Simoni est licencié par Massimo Moratti. Côté Roma, ça ne va pas beaucoup mieux. L’équipe de Zeman galère à enchaîner les bons résultats. Cinq jours avant Noël, les Romains se font même humilier à San Siro par Cauet, Zamorano, Baggio et Zanetti, 4-1. Et tout ça après avoir mené au score.
Bref, deux équipes avec du talent, des velléités, mais en fin de cycle. Et quand elles se retrouvent, elles se rendent coup pour coup. L’apogée de ce combat de coqs sera la 31e journée. Début mai 1999, Roma et Inter s’affrontent, alors qu’elles n’ont plus rien à jouer. Déprimées, débridées, délavées… Les conditions parfaites pour un match d’anthologie.
Baggio, le parrain
Avant le coup d’envoi, dans un Olimpico quasiment plein, Roy Hodgson, qui a pris les rênes de l’Inter entre-temps, Zdeněk Zeman et Pierluigi Collina se retrouvent sur le bord de la pelouse, se serrent la pince et lancent les festivités. Pour ne pas changer, c’est un 4-3-3 qu’aligne le Tchèque : Konsel aux cages, Quadrini, Zago, Aldair et Candela derrière, Alenitchev, Di Biagio et Di Francesco dans le trident, Paulo Sergio gaucher à droite, Totti droitier à gauche et Delvecchio en pointe. Pour l’Inter, c’est un 4-3-1-2, avec une défense presque type : Pagliuca, Bergomi, Šimić, Colonnese et Silvestre. Zanetti est lui aligné au milieu de terrain avec Simeone et Cauet, alors que Baggio est positionné en soutien de Ronaldo et Zamorano.
Et c’est justement dans ce rôle-là qu’Il Divin Codino est le plus à l’aise. La preuve au quart d’heure de jeu : l’homme au mulet reçoit dos au but un ballon, pied droit, et lance instantanément Ronaldo dans la profondeur, pied gauche. Quadrini et Konsel sont en admiration, forcément en retard, Il Fenomeno s’est déjà ouvert les cages. 0-1. Plus qu’un simple passeur décisif, Baggio fait la loi sur le milieu et Ronaldo en profite pour faire joujou avec ses quatre vis-à-vis du soir. Et c’est finalement leur troisième acolyte d’attaque, plus discret, qui, cinq minutes plus tard, sur une ouverture gilbertmontagnesque de Zanetti et un centre en retrait de Baggio, va doubler la marque d’une reprise de demi-volée quasiment ratée. 0-2, Zamorano à la finition.
Le grand n’importe quoi
Déjà à l’époque, si les équipes de Zeman marquent beaucoup de buts, elles en prennent tout autant. Et il faut une jolie chute de Paulo Sergio, retenue par Bergomi dans la surface, pour que Collina donne les moyens à la Roma de revenir rapidement dans la course. Malgré le geste d’antijeu de cette géniale pourriture de Simeone qui tire dans le ballon que Totti a délicatement posé au point de penalty, ça fait 1-2 à la 25e minute. Et même 1-3 à la mi-temps, puisque le numéro 1+8, sur une nouvelle ouverture dantesque de Zanetti, va encore afficher toute sa classe et sa lucidité aux yeux du monde. Un piqué du pied droit qui ne laisse aucune chance à Konsel. Alors logiquement, en rentrant aux vestiaires, Roy Hodgson, petit costard qui va bien, nuque longue et bouclée, croit avoir fait le plus dur et affiche une sérénité de trader des années 80.
Ce qu’il ne sait pas, c’est que les équipes de Zeman ne s’avouent jamais vaincues. Mais surtout qu’elles se font généralement crier dessus, très fort, à la mi-temps. Résultat : au retour des vestiaires, Paulo Sergio saute plus haut que Pagliuca et réduit le score : 2-3. Tout comme Delvecchio à peine une minute plus tard. 3-3 à la 47e. Le match s’emballe, encore plus qu’il ne l’était déjà. La Roma est complètement désarticulée, la défense est au niveau du rond central. L’Inter se replie, laisse passer le tsunami, pour mieux contrer. Et avec Ronaldo et Zamorano en force de frappe, autant dire qu’il ne leur suffit que d’une action pour la mettre au fond. 3-4. Une offense à laquelle répond Di Francesco vingt minutes plus tard à la suite d’une série de passes ratées. 4-4.
La légende Zeman
Et puis finalement, comme le destin manie l’ironie comme personne, c’est le plus fourbe et le plus bagarreur d’entre tous qui va mettre un terme à ce combat à mains nues. Sur un ultime coup franc en toute fin de rencontre, Diego Simeone prend son envol et donne la victoire aux siens. El Cholo justifie son surnom et célèbre son but en tirant son maillot, en hurlant, en courant vers son banc, bref n’importe comment. Score final : 4-5 pour l’Inter. L’apothéose d’une saison vraiment pourrie pour les Nerazzurri puisqu’ils termineront finalement huitièmes du championnat, à huit points de la Roma.
D’ailleurs, les deux coachs seront tous deux remerciés à la fin de la saison. Le signe que c’était vraiment la fin d’un cycle. Pour l’Inter, il faudra attendre 2004 et Mancini pour trouver de la vraie stabilité. Pour la Roma, 2000 et Fabio Capello. Mais ce n’est pas pour autant que les Roma-Inter deviennent rasoirs. Au contraire. Depuis ce soir-là, on a vu des 3-3, des 2-2, des 4-1, et même un 5-3 pour l’Inter en 2011. Celui en début de saison fait figure d’exception. D’ailleurs, la légende raconte que c’est après une victoire face à l’Inter que Zeman aurait dit : « Dans le foot, pour gagner, il faut marquer plus de buts que l’adversaire. » Tout un symbole.
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