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« J’entraîne pour donner du plaisir aux gens, pas à moi-même »

Propos recueillis par Antonio Moschella, à Rome
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Aujourd'hui sur le banc de Lugano, en Suisse, Zdeněk Zeman a toujours des choses à dire lorsqu'il s'agit de parler tactique et foot italien. Entretien.

Nous sommes dans la banlieue de Rome, près du centre sportif de l’Acquacetosa, là où de nombreux cas de dopages ont été découverts à la fin des années 90, après la plainte d’un certain Zdeněk Zeman, alors entraîneur de la Roma. L’actuel coach du Lugano Calcio, qui passe quelques jours dans la capitale italienne pour un stage d’hiver, allume la seule clope qu’il fumera pendant l’interview. Quelque chose qu’il ne peut plus faire pendant un match…


Ne plus avoir le droit de fumer sur le banc, ça a dû être une torture pour vous…Pas trop, en fait. J’essaie toujours de respecter les règles : je ne fume pas à l’aéroport, je ne fume pas au cinéma, donc j’ai commencé à ne pas fumer sur le banc aussi. Mais après, je me rattrape, bien sûr ! (rires) À la mi-temps, si je n’ai pas trop de choses à dire à mes joueurs, je fume. Sinon, j’attends la fin du match.

Vous avez passé presque toute votre carrière en Italie. Comment se passe la nouvelle vie en Suisse ?Cela faisait déjà longtemps que le Lugano me voulait. Et après avoir vu les problèmes du football italien, j’ai décidé de partir. Mais bon, le Canton du Tessin, en Suisse (situé à quelques kilomètres de Côme, en Italie, ndlr), c’est tout à fait comme l’Italie, quoi.

Ces problèmes du football italien dont vous parlez, ce sont les mêmes que ceux que vous aviez dénoncés il y a quelques années ?Oui et non, là ce sont des problèmes de gestion du football en général, des scandales qui sortent tous les jours, voire des joueurs impliqués dans des paris. Je pense à la fraude du Catania Calcio et surtout à la faillite de Parme. Le football italien est encore très précaire en ce moment.

Vous venez de République tchèque, mais votre terre d’adoption, c’est l’Italie du Sud. Pourquoi ?J’ai toujours préféré vivre au Sud, car je crois que les gens vivent le foot mieux qu’ailleurs, d’une façon très passionnelle. Au Sud, les gens parlent tout le temps de foot. Quand j’ai commencé à entraîner là-bas, le foot était moins commercial, plus authentique.

Si on parle du Sud, on est obligé de mentionner vos expériences à Foggia (1989-94) et à Pescara (2011-2012), quand tout le monde parlait de « Zemanlandia » … Les deux expériences avaient quelque chose de similaire, c’est vrai, même si à Foggia, j’ai vécu cinq ans et à Pescara une année seulement. Il s’agit de deux lieux très passionnés pour le football, où les gens sont amoureux de leur équipe. En plus, les clubs m’ont laissé travailler à ma manière, et pour cette raison, les choses se sont bien passées.


Avec vous, et votre football, plusieurs attaquants ont vécu la meilleure saison de leur vie. Pouvez-vous nous expliquer votre véritable vision du jeu ?J’aime que l’équipe construise, c’est quelque chose de plus difficile que de détruire. Mais aussi, je veux donner du plaisir aux supporters, aux gens qui viennent au stade pour s’amuser. En fait, je crois que j’ai donné des émotions, d’une façon ou d’une autre…

Avez-vous souvent eu l’impression que votre philosophie de football offensif était un peu hors sujet dans un pays comme l’Italie ?

En Italie, on a toujours eu cette culture de ne pas perdre. Or, c’est une conception du foot complètement différente de la mienne.

Pas forcément hors sujet, mais disons qu’en Italie, on a toujours eu cette culture de ne pas perdre. Or, c’est une conception du foot complètement différente de la mienne. Moi, je vois le football autrement. Je cherche à accélérer le jeu, parce qu’avec que de la possession, on peut se retrouver face à des défenses très resserrées, et ça devient donc plus difficile de marquer.

Donc vous ne regrettez pas de ne pas avoir entraîné dans un championnat plus offensif comme la Liga espagnole, par exemple ?Non, franchement, je ne regrette rien du tout. Le football m’a donné beaucoup, et j’espère avoir donné beaucoup au football en retour. J’aurais pu prendre des trains qui sont passés, mais je ne l’ai pas fait. Et je suis content comme ça.

Et vos expériences à Fenerbahçe et à l’Étoile rouge de Belgrade, comment les jugez-vous ?J’ai appris que c’est difficile d’entraîner des joueurs sans avoir un contact direct avec eux. J’avais un traducteur qui prenait dix minutes pour traduire dix mots que j’avais dits. Je lui disais que j’avais parlé de foot, mais évidemment, il ne connaissait pas bien le foot. En plus, à l’Étoile rouge, il y avait une crise économique importante, les mecs ne touchaient pas de salaires et ils ont même fait grève.

Beaucoup de personnes vous ont associé à Marcelo Bielsa, un mec qui aime le beau jeu plus que les résultats. C’est pareil pour vous ?Oui, tout à fait.

J’ai toujours eu une très bonne relation avec les gens, la plupart des personnes qui me suivaient ont reconnu mon travail.

J’entraîne pour donner du plaisir aux gens, pas à moi-même. J’ai toujours eu une très bonne relation avec les gens, la plupart des personnes qui me suivaient ont reconnu mon travail, mes capacités et ma cohérence.

Votre cohérence vous a parfois empêché d’entraîner les équipes du « pouvoir » italien, mais vous avez quand même entraîné la Lazio et la Roma. Quelle différence avez-vous ressentie entre votre première et votre deuxième expérience à la Roma ? C’étaient deux époques différentes, et deux clubs différents. La première fois, ils m’ont laissé travailler tranquillement, même si on a peut-être été pénalisés par mes déclarations (sur le dopage dans le foot, avec la Juventus comme cible principale, ndlr). Pendant ma deuxième expérience à la Roma, il y avait trop de problèmes dans le vestiaire et dans le club en général.


Le seul fil rouge, c’était Francesco Totti. Comment l’avez-vous trouvé, treize ans plus tard ?C’était un joueur accompli, avec un parcours énorme et qui avait aussi eu des blessures importantes, donc il ne pouvait pas tout donner au niveau physique. Mais je l’ai regardé jouer récemment, et il a encore quelque chose à donner au monde du football. C’est un joueur hors catégorie, un fuoriclasse.

Totti est-il le meilleur joueur que vous ayez entraîné ?Oui, évidemment. Même si j’ai eu la chance de pouvoir entraîner aussi d’autres grands joueurs, qui sont ensuite devenus champions du monde, ou qui ont réussi à atteindre un grand niveau de jeu dans d’autres équipes.

Vous avez fait débuter un certain Alessandro Nesta aussi…Un autre phénomène ! Il a été pour longtemps le meilleur défenseur central du monde. Et je n’imagine même pas comment aurait pu évoluer sa carrière s’il n’avait pas eu autant de blessures graves.

Est-ce que vous parlez encore avec eux ?Avec Totti oui, souvent. Avec Nesta, on reste en contact plutôt à travers des amis que nous avons en commun.

On a souvent évoqué la rigueur de votre préparation d’été, qui consiste d’abord à monter les gradins du stade en courant. Est-ce que vous faites encore ce type de préparations ?Oui, bien sûr que je le fais. Je fais toujours monter les gradins à mes joueurs, parce qu’il s’agit d’un bon exercice pour avoir une bonne condition physique. C’est plutôt l’héritage de ma formation sportive en tant qu’ancien joueur de volley-ball et de hockey, mais évidemment, ce n’est pas le seul exercice que je fais faire. Ce que je veux, c’est donner une préparation physique complète à mes joueurs, mais certains pensent encore que je les fais jouer à saute-mouton (rires)…

Aujourd’hui, Manuel Neuer est le gardien hype du moment. Il joue un peu comme un libero, mais les jeunes ignorent que vous êtes le premier à avoir eu cette idée de gardien volant… (Il prend du temps) Quand je suis arrivé en Italie, en 1969, j’ai essayé de produire un jeu différent. À l’époque en Italie, on jouait encore beaucoup avec le libero isolé en défense, et le ballon allait d’un libero à l’autre, sans vraiment de jeu de construction. J’ai donc toujours mis une ligne défensive très haute.

Selon moi, le gardien fait partie intégrante de l’équipe. En fait, c’est même le gardien qui commence l’action.

En plus, on ne s’entraînait qu’avec une cage de but, donc on se positionnait sur une moitié de terrain, et le gardien était obligé de jouer bien avancé. Pour moi, le gardien, c’est un joueur comme les autres, et il ne faut pas l’abandonner. Le gardien doit participer dès le départ. C’est pour ça que je n’aime pas que les gardiens se préparent seuls, avec leur propre entraîneur, parce qu’ils font, selon moi, partie intégrante de l’équipe. En fait, c’est le gardien qui commence l’action.

Vous étiez toujours hors du système qui gouvernait le football en Italie. Un anti-héros qui s’est fait aimer dans des clubs plus modestes. Vous êtes un peu le Roberto Baggio des entraîneurs ?Ah, Baggio (Il sourit)… Si tu me parles de Baggio, je te rappelle que j’ai toujours dit que, pour moi, en Italie, il n’y avait que trois fuoriclasse : Gianni Rivera, Bruno Conti et Roberto Baggio. Ce que Baggio a fait dans le foot est unique, même si des fois, il a eu des problèmes de compatibilité avec des entraîneurs, qui lui demandaient de faire quelque chose qu’il ne pouvait pas faire, comme défendre.

Est-ce que vous avez eu la possibilité de l’entraîner quelques fois ?Non. En fait, il y avait l’opportunité de le faire venir à Naples (saison 2000-01, ndlr), quand on avait aussi contacté Gianfranco Zola. Mais finalement, ni Baggio ni Zola n’ont pu venir. On s’est ratés de peu (rires).

Dans cet article :
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Propos recueillis par Antonio Moschella, à Rome

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