- C1
- Quarts
- PSG-Aston Villa
« Il dort football, il vit football, il cague football : Unai Emery, c’est un malade ! »
Sept ans après son départ de la capitale, Unai Emery est peut-être la plus grande menace qui plane sur le Paris Saint-Germain avant son quart de finale de Ligue des champions face à Aston Villa. Ce sont ceux qui l’ont connu qui parlent le mieux de cet entraîneur unique en son genre.

Casting :
- Laurent de Palmas (retraité), latéral droit, un an avec Emery à Almería, lors de la saison 2006-2007. Une montée en Liga avec le Basque.
- Timothée Kolodziejczak (Paris FC), défenseur central, deux ans avec Emery à Séville, de 2014 à 2016. Deux Ligue Europa avec le Basque.
Emery et les relations humaines
De Palmas : Il arrive à toucher la corde sensible des joueurs. Il savait qu’il fallait me rentrer dedans pour sortir le meilleur de moi-même. Un jour, on perdait 2-0 contre Málaga à la mi-temps. Il était comme un fou et il a commencé à me gueuler dessus, alors que j’avais rien à voir avec les deux buts. Il me met une rafale, même les autres joueurs se demandaient ce qu’il se passait. Juan Carlos Carcedo (son adjoint) lui disait d’arrêter ! Il m’a tellement mis la haine, que grâce à moi, on arrache le nul. À la fin du match, on s’est regardé, on s’est compris. Il est proche de ses joueurs, il sait comment les prendre. En début de saison, il a été extraordinaire avec moi. On avait tous les deux du caractère, on ne se laisse pas faire, mais c’était que du plaisir. Il est tellement fort que sur du long terme, il est énorme. Le court terme, non. Les gens s‘adaptent à lui, à sa façon de jouer, au fait qu’il te dit des choses qu’on ne t’a peut-être jamais dites jusqu’ici.
Quand il est parti à Valence, il a réussi à convaincre des mecs qui avaient tout gagné qu’ils pouvaient en faire encore plus. C’est un magicien !
Kolodziejczak : Pendant six mois, je ne jouais pas beaucoup, mais petit à petit, il m’a laissé ma chance. Unai croit beaucoup en ses joueurs et surtout, il prend beaucoup soin de ceux qui ne jouent pas. Il t’encourage, échange sur le contenu de tes entraînements et veut savoir comment tu te sens. Il peut être très direct, mais tu ne te sens jamais laissé sur le bord du chemin. Unai te dit de poursuivre tes efforts, que tu auras du temps de jeu, et grâce à cela, tout le groupe se sentait concerné. C’est un homme droit. Sur cet aspect du management, Unai est vraiment top.
De Palmas : Il a cette capacité de te faire croire que tu peux y arriver. Quand on était à Almería, on avait marqué 24 buts sur coups de pied arrêtés parce qu’il nous avait convaincus qu’on monterait grâce aux points de ces buts-là. Il arrive à nous titiller, il nous fait croire qu’on est capables. Quand il est parti à Valence, il a réussi à convaincre des mecs qui avaient tout gagné qu’ils pouvaient en faire encore plus. C’est un magicien, avec lui, tu te surpasses.
Emery et la préparation tactique
De Palmas : Il est dans son monde, c’est un passionné. Il dort football, il vit football, il pisse football, il cague football, il fait fait même l’amour football, c’est un malade ! Même avec 45° de fièvre, il est capable de ne penser que football et de s’entraîner. On faisait 1h30 de tableau avant l’entraînement. Tu allais au tableau, tu prends un stylo, et il te disait de donner les 3 touches qu’on devait faire là, les 3 options de corner ici… Il y en avait qui dormaient au fond de la salle, c’étaient des fous ! Avec son adjoint Carcedo, ils nous ont fait découvrir plein de choses. On n’avait jamais bossé comme ça, en deuxième division ! J’ai tellement appris de lui qu’après ma carrière, quand j’entraînais les jeunes, je faisais comme il m’avait appris. C’était une formation… un régal.
Si tu ne rentres pas dans son moule, tu ne joueras pas, c’est sûr. Même si t’es bon !
Kolodziejczak : J’ai beaucoup appris. Il faisait beaucoup de vidéo, travaillait énormément les placements, ton positionnement. C’était vraiment une mécanique huilée. On défendait très haut, avec des latéraux qui jouaient comme des ailiers et un numéro six qui redescendait. À la perte du ballon, il fallait vraiment être précis pour fermer les espaces. Et à la relance, il nous demandait d’être très propres tout en jouant rapidement vers l’avant. Claude Puel m’a programmé pour le haut niveau, mais avec Unai, j’ai vraiment peaufiné tous les détails pour évoluer au plus haut niveau. Sur le plan tactique, c’était incroyable.
De Palmas : Il aime contrôler ce qu’il fait, mais il veut aussi que son joueur le fasse à la perfection. Celui qui ne le fait pas, il va se prendre une rafale. Il va te dire les choses une fois, deux fois, trois fois et si c’est pas bon, il va te mettre dehors et tu vas voir comment font les autres et apprendre. Si tu ne rentres pas dans son moule, tu ne joueras pas, c’est sûr. Même si t’es bon ! La vidéo, c’était fabuleux. Il y avait toujours des points négatifs et des points positifs, mais il arrivait toujours à finir par les points positifs, c’était une obsession. Mais il te faisait toujours comprendre par A+B que si tu avais mal fait là, tu aurais pu réussir à faire mieux. Donc en match, tu te dis automatiquement que tu peux mieux faire.
Son passage à Paris
De Palmas : Avec le temps, il s’est adapté. Au PSG, ça a dû être comme un master pour lui avec les personnalités, les joueurs, l’orgueil de chacun. Il a dû faire un putain de master, là-bas ! Ça a dû l’aider pour la suite. Tu ne peux pas arriver dans le vestiaire du PSG comme avec nous à Almería. Parfois, il faut s’adapter, et je pense qu’il a énormément appris de tout ça pour devenir encore plus fort. C’est quelqu’un de très intelligent.
Kolodziejczak : Trop de vidéos au PSG ? À Séville, il y avait de très bons joueurs, mais pas de stars. Les séances vidéo prenaient, c’est vrai, énormément de temps, mais ce n’était pas un sujet de tension, car on gagnait des matchs grâce à cela. Il se focalisait surtout sur les points faibles de l’adversaire, des détails qu’on exploitait ensuite en match, notamment sur les coups de pied arrêtés. Je me rappelle une demi-finale de Ligue Europa (2015) contre la Fiorentina, où on devait prendre à deux Mohamed Salah, qui était encore loin d’être la star qu’on connaît aujourd’hui, et ça avait plutôt bien marché (3-0, 0-2). Mais même pour les plus petits matchs, sa préparation est minutieuse. Il connaît tous les joueurs, même des équipes des divisions inférieures. Quand on jouait une équipe de deuxième ou troisième division en Coupe du Roi, on faisait aussi de longues séances vidéo. Ça peut paraître trop, mais ça dénote surtout de son humilité et de sa connaissance du football. Il sait que tout peut se passer sur 90 minutes.
De Palmas : À Paris, il faut un autre discours en restant fidèle à toi-même. Je sais qu’il a passé des mauvais moments à Paris, mais il a été très bon ensuite, parce qu’il a appris pour être meilleur en Angleterre.
Le PSG va tomber face à un des meilleurs entraîneurs du monde. Ils vont devoir sortir un match du niveau de celui contre Liverpool.
La double confrontation face au PSG
De Palmas : Il est capable de tendre un piège à Luis Enrique. C’est un phénomène, Luis, hein. Mais Unai, partout où il va, il est énorme. Il a besoin de se sentir épaulé, depuis qu’il y a Monchi, il fait du bon travail. Il a de grandes chances de faire mal au PSG, même s’ils sont vraiment impressionnants. Unai est capable de faire un coup pour faire mal. Il va toucher là où il faut.
Kolodziejczak : C’est sûr que le PSG est impressionnant, je prends d’ailleurs du plaisir à les regarder, mais là ils vont tomber face à un des meilleurs entraîneurs du monde. Ils vont devoir sortir un match du niveau de celui contre Liverpool.
La préparation des grands matchs et la difficulté face aux grosses équipes
Kolodziejczak : Il ne change pas grand-chose. Rien de spécifique. Mais c’est un passionné, il a ça dans le sang, Il amène tout le monde avec lui, par le contenu de ses discours, il trouve les bons mots, mais aussi car il transmet sa passion. Tu sens qu’il est déjà dans le match et il nous amène avec lui. Quand tu sors du vestiaire, tu n’as qu’une hâte, c’est de tout déchirer sur le terrain.
De Palmas : Il va le travailler toute la semaine, il va te rendre fou. T’imagines même pas, ça doit être impressionnant, de la vidéo individuelle, chez eux pour voir tout ce qu’il y a à voir. Les joueurs doivent travailler 24h/24, 7j/7, sur chaque individualité, chaque détail de chaque joueur. Il est impressionnant. Il te fait parfois bosser une heure sans ballon, juste sur les déplacements. C’est un régal de s’entraîner avec lui.
Kolodziejczak : Les défaites face au Barça ? Bah, il y avait Suárez, Messi, Neymar, Busquets, Iniesta… Techniquement, c’était la meilleure équipe d’Europe. On a pourtant fait de bons matchs contre eux, mais eux te punissent sur la moindre occasion. Et de toute façon, je préfère une équipe qui joue avec ses armes, comme c’est souvent le cas en Espagne, plutôt que de te renier quand tu joues les grandes équipes.
Emery la tête brûlée
De Palmas : Je ne suis pas resté parce que c’est une tronche de con. C’est un Basque, donc il a ses idées et il n’en sort pas. Deux mois avant la fin du championnat, j’avais 5 clubs qui me voulaient. Je suis allé le voir, et il nous avait dit qu’il nous recevrait tous dans son bureau après le dernier match, pour parler du futur. Je lui demande d’avoir une réponse maintenant, que j’ai une famille, etc. Il me disait non, et moi, je voulais qu’il se mouille ! En fin de saison, on joue le Castilla à Madrid. Il m’a dit un truc sur le banc de touche, ça m’a chauffé, et comme il m’avait gonflé en ne se mouillant pas, j’ai pris un ballon, je lui ai tiré dessus. Quand il a vu que c’était pour lui, il m’a viré du banc ! Pourtant, à la fin du championnat, je lui ai dit merci pour tout, j’ai appris beaucoup de choses, ça a été énorme. On s’est embrassés fortement, et c’est resté très fort. Maintenant, quand on se voit, il me dit : « Lolo de Palmas, aie, aie, aie » !
Quatre supporters parisiens, dont un enfant de 13 ans, expulsés de Villa Park pour avoir célébréPropos recueillis par Julien Faure et Thomas Goubin
Tous propos recueillis par JF et TG.