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Challenge vidéo : tout sauf une idée de génie
Petit à petit, le concept de « challenge » fait son chemin et sera bientôt expérimenté dans les divisions inférieures italiennes et espagnoles. Une introduction qui montre que le football, pourtant si fier de son particularisme, tâtonne encore pour trouver la bonne formule de la VAR, notamment pour cacher son vice originel.

La nouvelle est tombée entre deux infos d’un mercato plutôt terne. Concrètement, rien qui puisse obscurcir ce beau mois de juillet, avant la reprise des affaires sérieuses avec des championnats domestiques. Pourtant, cette annonce risque d’avoir de lourdes conséquences sur l’arbitrage du foot européen, voire mondial. Comme évoqué depuis plusieurs mois, la fédération italienne va mettre en place un système de challenges vidéo, sorte de VAR low cost en Serie C (troisième division) masculine et en Serie A féminine (quelle reconnaissance pour les joueuses…), dans l’attente de la validation – qui ne devrait pas poser de problème – par les instances supérieures de l’IFAB et de la FIFA. L’Espagne pourrait aussi céder à la tentation de l’expérimentation.
Sans rentrer dans les détails techniques de ce vidéo arbitrage bas de gamme, pensé avec la perspective de généraliser cette sainte inquisition de la caméra, son principe se révèle loin d’être anecdotique. L’arbitre pourra y recourir deux fois par match, mais surtout, les entraîneurs auront autant le droit de le réclamer, et même davantage, puisque si la requête se trouve justifiée, le nombre de jokers reste intact.
Gabriele Gravina, président de la Fédération transalpine, a justifié la fin de ce tabou par « la volonté de rendre le football de plus en plus moderne et attractif pour un plus grand nombre de personnes ». La rengaine est connue. Devant la concurrence d’autres sports, qui ont déjà adopté cette procédure dite du challenge – déjà en vogue au volley, au tennis, mais surtout en NBA – il s’agit de ne pas perdre la main et les parts de marché en se « ringardisant » (sans oublier la Kings League par l’hérétique Gerard Piqué). Quitte, du coup, à sacrifier la particularité culturelle du football dans le champ des sports, sur l’autel de la modernité – économique, s’entend.
La fin des contestations, vraiment ?
Ne soyons pas naïfs. L’introduction de la VAR supposait en soi ce type d’évolution. Elle portait ses propres contradictions. Loin de résoudre les polémiques, de soulager les arbitres ou de construire une barrière scientifique devant l’erreur humaine, elle n’a finalement qu’amplifié, de manière exponentielle, la propension naturelle du footballeur ou du coach à contester, multipliant les raisons de se lamenter (pas le bon angle de caméra, mauvaises interprétations des images, absence d’appel à « la régie »…). L’introduction du challenge ne représente qu’une solution pour dissimuler cet échec, et atténuer la colère qui s’exprime toujours sur le banc, en donnant aux mécontents l’occasion d’en appeler directement à la justice technologique.
Un esprit un peu connaisseur doutera fortement qu’un tel dispositif conduise à la fin des controverses (pas plus que le micro collé aux joues des hommes ou femmes en noir). Le problème de fond demeure : tout le monde désire que la règle soit appliquée le plus strictement possible à l’adversaire, et que prime « l’esprit du jeu » pour les fautes de ses équipiers. De ce côté, le ballon rond conserve son « habitus » culturel, ou sa mauvaise foi si singulière, selon qu’il lui est appliqué un point de vue sociologique ou littéraire. « Tout le monde peut faire des erreurs et les imputer à autrui : c’est faire de la politique », disait Georges Clemenceau, qui nous offre une belle explication de ce paradoxe qui mine depuis toujours l’arbitrage dans le foot.
Si, comme cela est fortement probable, le système finit malgré tout par être généralisé – dans la continuité de cette lente et irrésistible américanisation du « soccer » (cf. la finale de la Coupe du monde des clubs) – , il faudra juste se préparer à contempler Xabi Alonso en train de hurler parce que l’arbitre ne lui a pas donné raison lors de son challenge, ou qu’il en faudrait en fait trois, preuve supplémentaire du complot contre la Maison-Blanche…
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