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Peur sur Florence

Par Cyrus Mohammady-Foëx
6 minutes

Lanterne rouge de Serie A et toujours sans la moindre victoire en championnat, la Fiorentina reçoit ce dimanche après-midi le Hellas, 19e, dans une rencontre déjà décisive pour le maintien. Une situation inconcevable il y a encore quelques mois pour l’une des historiques «  Sept Sœurs » qui a totalement perdu le nord.

Peur sur Florence

À première vue, rien n’a vraiment changé à Florence. Le ciel des matins d’hiver est aussi bleu que d’habitude, une foule de touristes flâne encore sur le Ponte Vecchio et le lampredotto, ce sandwich typique et bon marché local à base de caillette, fait toujours recette. Depuis quelques mois pourtant, l’air est plus lourd dans la capitale toscane. Et pour cause : à l’approche de la mi-saison, la Fiorentina est bonne dernière de Serie A. Huit défaites, six nuls et donc aucune victoire, tout simplement le pire début de saison de l’histoire du club dans l’élite. Pis, depuis le passage à la victoire à trois points en 1994, jamais aucune équipe sans la moindre victoire à ce stade de la compétition n’est parvenue à se maintenir à la fin de la saison. Mais comment la Viola s’est-elle retrouvée dans ce pétrin ?

Des ambitions démesurées

Retournons quelques mois en arrière, en plein mercato estival. Fondée en août 1926, la Fiorentina rêve de fêter son centenaire en fanfare à la fin de l’exercice 2025-2026. Le mercato estival donne la mesure de ses ambitions : le club parvient à conserver ses meilleurs éléments (notamment Moise Kean, pourtant convoité en Angleterre) et fait venir librement Edin Džeko de Fenerbahçe. Rocco Commisso, le propriétaire milliardaire italo-américain, dépense sans compter : 90 millions d’euros sont déboursés sur des joueurs annoncés prometteurs, à l’image de Roberto Piccoli, honnête avant-centre de Cagliari, recruté pour 25 briques. Déjà passé par Florence et champion d’Italie avec le Milan en 2022, le nouvel entraîneur Stefano Pioli annonce la couleur lors de sa présentation en juillet : « Nous voulons remporter un trophée d’ici trois saisons et retourner en Ligue des champions. »

Mais sur le terrain, rien ne se passe comme prévu. Les semaines passent, et les Gigliati enchaînent les performances désastreuses, si bien que Pioli – qui se voyait rester trois ans à Florence – est viré dès le mois de novembre. Arrivé en pompier, son successeur Paolo Vanoli ne fait guère mieux. Au-delà des résultats, cette Fiorentina ne semble même pas y croire, errant sur le gazon sans idées ni envie. Chaque semaine, se poser devant un match vire au calvaire pour les tifosi : « On ne voit même pas une équipe essayer de jouer au football, c’est vraiment déprimant », soupire Pietro, 25 ans. Son ami Lorenzo acquiesce : « Dès le premier but encaissé, les joueurs perdent toute motivation. » Dans les tribunes, sifflets et insultes commencent à fuser. Après un match perdu à Bergame le 30 novembre (2-0), Džeko s’est même emparé d’un mégaphone pour s’adresser à son parcage, implorant le soutien des ultras plutôt que les critiques.

Une semaine plus tard, la tension est même montée d’un cran : après une nouvelle bulle sur la pelouse de Sassuolo (3-1), plusieurs joueurs ainsi que leurs familles reçoivent des menaces de mort sur les réseaux sociaux. Dans la ville, depuis des semaines, les messages à l’intention des acteurs sont peu chaleureux : « Vous êtes tous à ch*** », « Club, équipe, entraîneur : vous êtes la honte de cette ville », « Allez tous vous faire f*****. » Le club réagit dans la foulée par une ferme condamnation et prend des mesures pour garantir la sécurité du staff, des joueurs et de leurs proches. Mais la cassure est profonde.

Un club en vaste chantier

Le marasme dans lequel s’englue la Fiorentina ne se limite pas aux difficultés sportives : du côté de la direction, tout n’est pas non plus au beau fixe. Placé sous le feu des critiques, le directeur sportif Daniele Pradè a assumé toute la responsabilité du mercato raté de l’été 2025 en démissionnant début novembre. Pour le remplacer en vue d’un mercato hivernal décisif pour accrocher le maintien, le club n’a pas franchement apporté de sang neuf : c’est Roberto Goretti, jusqu’ici directeur technique et associé de Pradè, qui a été choisi. Quant au directeur général Alessandro Ferrari, son profil ne rassure pas davantage les supporters : entré au club comme responsable de la communication, Ferrari a subitement pris la suite de l’ancien DG Joe Barone, décédé d’une crise cardiaque en mars 2024, et assume tant bien que mal ses fonctions depuis. Comme l’énième symptôme d’une équipe dirigeante incapable de renouvellement, paraissant naviguer à vue.

Pour ne rien arranger, le stade Artemio-Franchi est en pleins travaux, si bien que la Fiorentina joue dans une enceinte à moitié vide depuis la saison dernière. Cela pourrait n’être qu’un désagrément passager si le chantier n’était pas lui-même plongé dans l’inconnu. Lancés par la commune contre l’avis de la Fiorentina qui souhaitait construire un stade flambant neuf, les travaux de restructuration de l’enceinte héritée des années 1930 s’éternisent. La Curva Fiesole, le principal virage ultra du stade, devait initialement rouvrir pour les célébrations du centenaire cet été, mais elle ne sera finalement pas prête avant août 2027, selon le nouveau calendrier présenté en décembre par la maire de Florence, Sara Funaro. Le chantier dans son intégralité ne serait achevé qu’en vue de la saison 2029-2030. Surtout, un gros point d’interrogation subsiste quant aux financements : 60 millions d’euros manquent toujours à l’appel, et personne ne sait à cette heure si les pouvoirs publics assumeront tous les coûts ou si le club acceptera d’investir dans un projet qu’il n’a pas souhaité. En attendant, une immense grue s’élève donc au-dessus de la Curva Fiesole désertée, comme la métaphore grandeur nature d’un club en chantier à tous les niveaux.

Florence la vague à l’âme

Une équipe qui ne met pas un pied devant l’autre, des dirigeants aux fraises, une forteresse à moitié vide… Drôle d’ambiance à Florence. « Au stade, c’est toutes les semaines la même histoire, raconte Pietro. Pendant dix, quinze minutes, il y a du bruit et des sourires dans les gradins, on espère que pour une fois, la Fiorentina nous offrira un beau match… Et puis, au bout de 20 minutes, c’est la déprime généralisée, tout le monde se résigne, plus personne ne veut être là. » Elle aussi tifosa, Ginevra parle « de tristesse et d’amertume » au sein des groupes de supporters.

Cette atmosphère morose ne s’arrête pas aux frontières de l’Artemio-Franchi. Guide touristique et pas particulièrement férue de football, Elisa reprend les mêmes mots que les tifosis pour décrire la situation : « Ça m’attriste vraiment de voir l’équipe de ma ville dans cet état. Cette déprime, on la sent partout à Florence, des cafés aux cabinets médicaux. » Contrairement à des villes comme Milan, Turin ou Rome qui comptent plusieurs clubs, Florence est viscéralement liée à son équipe. Alors, quand la Fiorentina va mal, c’est au cœur que les Florentins sont touchés. « Voir la Fiorentina dans cet état, c’est comme si on avait un proche malade, mais qu’on ne pouvait rien faire pour l’aider » assène Lorenzo. Une relégation en Serie B pour fêter le centenaire, personne n’en parle, mais chacun y pense en tremblant. Ironie de l’histoire: la capitale toscane commémora un autre anniversaire en 2026, puisque le mois de novembre marquera les 60 ans de la crue historique de 1966 qui avait vu le fleuve Arno submerger la ville. Reste à espérer que d’ici là, la Viola centenaire ne sera pas elle aussi totalement sous l’eau.

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