ACTU MERCATO
Payan : « Pendant le mercato d’hiver, rien ne bouge ! »
Il possède l’un des plus gros portefeuilles de joueurs de la Fédé. Pour Christian Payan, le mercato d’hiver est une parodie de marché durant laquelle il ne se passe rien, ou presque. Explications.
Pourquoi le mercato d’hiver ?
Pour les clubs, c’est l’occasion de pouvoir rectifier le tir par rapport à de mauvais résultats ou à un mauvais recrutement effectué durant l’été. Les joueurs recrutés sont souvent des footballeurs en échec dans leur propre club.
Et pour les agents ?
Pour les agents, c’est plus compliqué. Pendant le mercato d’hiver, nous ne sommes pas face à un phénomène de masse. Tout le monde n’est pas à la recherche de joueurs, comme c’est le cas l’été. L’hiver, c’est du travail chirurgical. Ce n’est pas une période où les agents vont voir tous les clubs pour présenter leurs joueurs.
Dans ce cas, pourquoi une telle médiatisation ?
Celui qui a contribué à la médiatisation du mercato d’hiver, c’est Abramovich. Il est arrivé avec des sommes énormes et, à partir de ce moment-là, certains clubs se sont mis à rêver ! Je pense que c’est lui qui a, sans le faire exprès, lancé ce jeu des chaises musicales. Mais si vous regardez bien, au microscope, les gros clubs dignes de ce nom recrutent très rarement durant l’hiver. On ne peut donc pas vraiment dire que cela soit un réel succès.
Avant lui, il ne se passait rien ?
Avant Abramovich, il ne se passait pratiquement rien. En Europe, deux ou trois joueurs étaient transférés car ils étaient dans des situations catastrophiques. Souvenons-nous Cantona lorsqu’il a quitté Nîmes pour Leeds…
Ce serait donc beaucoup de bruit pour rien ?
On en fait tout un pataquès alors que, si on faisait le calcul des mouvements de joueurs dans toute l’Europe, voire même dans le monde avec le Brésil, ça ne serait pas énorme. Je serais curieux de demander aux fédérations les certificats de mutation délivrés entre le mois de décembre et le 31 janvier. On rigolerait bien. C’est du comique par rapport à l’été.
Pourquoi y a-t-il plus de transferts durant l’été ?
Il y a une plus grande facilité de flux de joueurs durant l’été car les contrats de certains d’entre eux arrivent à terme. D’autres, après réunion avec le club, sont mis sur une liste des transferts à partir du 30 juin. Donc là, c’est beaucoup plus clair pour tout le monde. L’hiver, c’est beaucoup moins propice : les contrats sont gérés par les Ligues et sont sous le règne du droit du travail, donc c’est plus compliqué de faire bouger des joueurs durant cette période, qui n’est pas faite pour ça.
En France, ça bouge ?
Rien ne bouge ! Ligue 2, National… Et c’est normal. La majorité des clubs ont des groupes déjà formés de 15, 18, 25 joueurs. Dans tout ça, de temps en temps, il y a un club qui recrute quelqu’un qui est libre, mais c’est plutôt rare.
Quelles sont les grandes étapes d’un transfert ?
Par exemple, quand un joueur part du PSG pour aller à Chelsea, c’est la Fédération française qui demande l’autorisation à la Ligue de Paris. Puis la Ligue de Paris demande au PSG le bon de sortie. Après, la Fédération française voit avec la Fédération britannique. C’est toujours le même processus. Un encadrement indispensable, selon moi, pour éviter les folies relatives à l’arrivée d’Abramovich.
Quelles folies ?
La valeur de transfert d’un joueur, que rien ne cadre. Pour moi, il devrait y avoir un « prix » fixe. Cela éviterait de se retrouver à la merci de l’offre et de la demande entre clubs. C’est ce système pervers de l’offre et de la demande qui a plongé les clubs dans la faillite. Après ça, vous avez des clubs qui ont des dettes pendant 15 ou 20 ans…
Et les agents, ils ont leur mot à dire ?
Les agents n’ont accès à rien ! Si j’étais l’agent de Messi, que l’Inter Milan était intéressé, le Barça ne me donnerait jamais un papier avec une mise à prix à telle somme. On n’est même pas au courant. Ils prennent contact avec les clubs en question et tout se fait de manière directe.
Dans ce cas, que gérez-vous ?
Nous, on gère le salaire du joueur. Nous ne sommes pas du tout dans les transferts. C’est cet aspect que nous devons bien expliquer au public. Ce sont les clubs qui ramassent le paquet. L’agent et le joueur n’ont rien du tout là-dessus.
Jamais de couac ?
Parfois, ça bloque ! Un club dit à son joueur qu’il va être vendu tel prix, puis en réalité, c’est beaucoup plus ! Et vous, comme vous êtes l’agent du joueur en question, vous essayez d’avoir des infos. Mais vous n’arrivez pas à en avoir. En France, ça n’est pas du tout encadré.
Comment se négocie le contrat de travail d’un joueur ?
Le contrat de travail est négocié en amont. Prime, pas prime, etc. Ça n’a rien à voir avec les transferts. Ce sont les clubs qui se gavent entre eux. Il y a d’ailleurs un procès en cours en ce moment : celui du Barça avec le transfert d’Eto’o.
Aujourd’hui, vous possédez un paquet de footballeurs…
Je fais partie des agents qui en ont le plus. En France, seule une vingtaine de personnes vivent réellement de ça. Au départ, quand on est agent, beaucoup font des bords de terrains pour trouver des joueurs. Mais ce n’est pas le seul point important. Il y a aussi l’aspect juridique, qui est 80% du travail. C’est énormément de paperasse. Je pense que pour être agent, il faut être issu du milieu pro. Si vous n’avez jamais travaillé dans le milieu du football professionnel, il y a plein de rouages que vous ne saisissez pas.
Que faites-vous du coup durant cette période, vacances ?
Durant cette période, je cherche les jeunes que je vais faire signer. Je gère mon portefeuille de joueurs et d’entraîneurs. Gérer des entraîneurs, c’est un nouvel aspect du métier. Depuis 4 ou 5 ans, les entraîneurs sont continuellement en procès, plus encore que les joueurs. Ils font donc appel aux agents pour gérer leur dossier.
Un agent de joueur, en quelques mots ?
Nous sommes là pour protéger les intérêts des joueurs, leur contrat. Nous faisons attention à ce qu’ils soient payés et à ce qu’il n’y ait pas d’histoires avec leur employeur.
Propos recueillis par Romain Lejeune