Paris-Lyon-Marseille : retour vers le futur
Paris, Lyon, Marseille sur les trois premières marches du podium, faut-il s'en réjouir ? Oui, car le foot appartient aux grandes métropoles et il serait bon que le temps des jacqueries appartienne définitivement au passé.
Rappelez-vous 1998. Pas le Stade de France, les coups de boule de Zidane et la crise d’épilepsie de Ronaldo, non, juste avant : mai 1998. 30 ans après mai 68, les ouvriers spécialisés de la Ligue 1 coupent les têtes des puissants. Lens et Metz sur les deux premières marches du championnat. Un vent rafraichissant souffle sur l’Hexagone, revivifie le championnat. L’égalitarisme français n’est pas mort, l’ascenseur social pas encore totalement en panne. Les petits peuvent encore se hisser à hauteur des grands. So-so-so, solidarité ! Certains veulent en tout cas y croire. Encore un peu.
Douce illusion. Le scénario de la finale de la Coupe du Monde l’a pourtant bien signifié : le foot, pratique la plus démocratisée au monde, appartient à des grandes figures, à une élite, une aristocratie. Stéphane Guivarch’, sa coupe effet sortie d’un salon de province, n’en fait pas partie. Il ne marquera pas le jour de la Grand Messe du football. Des occasions comme ça, il n’en a pourtant jamais manquées avec Rennes, Auxerre ou Guingamp. Stéphane Guivarch’ : avant-centre de Rennes, Auxerre et Guingamp, un blasphème sur le livre d’or de la Coupe du Monde, compétition qui sacralise les idoles.
Car avant même le coup d‘envoi, le foot avait choisi son Dieu, il portait une tonsure, et son apôtre, aujourd’hui Judas, une queue de cheval. Le foot n’est pas un sport rural. Au diable les belles aventures d’Auxerre, du Mans ou de Guingamp. Y’a déjà la Coupe de France pour ça. Ses pépites jaillissent des contrebas des terrils, des rues cabossées des corons, des cités rouges, grises, ou d’or, mais ce n’est qu’une fois relookées par les grandes métropoles qu’elles brillent au firmament : Platini/Zidane à Turin, Gullit à Milan, Henry à Londres, Beckham à Manchester.
Donc, oui, il faut se réjouir de voir Paris, Lyon et Marseille occuper les trois premières marches du podium. Marcel-Picot ou le stade de la route de Lorient ne peuvent être l’épicentre du foot, même français. L’essence du foot est moderne. Un sport de l’ère des foules, anonymes, perdues, mais aussi exaltées, donc prompts à l’idolâtrie. Le goût de la grande figure. Le charisme, le magnétisme des idoles, les vibrations de la foule, qui s’entre-alimentent. Le Parc des Princes, le Vélodrome, de vraies arènes, bouillonnantes, impitoyables, où l’on encense, où l’on met à mort, comme les Romains scellaient le sort des Gladiateurs d’un pouce plus ou moins levé.
Tony Vairelles (champion avec Lens) était brave. Savidan est sympa. Il a les pieds sur terre. Mais le foot pète plus haut que son cul, comme un citadin. L’Europe des Régions est en gestation pour le pire et le meilleur, elle s’articulera autour de grands pôles urbains. Donc Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux et Lille pour la France. Toulouse ? La ville de Zebda et des Fabulous Trobadors (de Nougaro aussi, certes) ? Encore un petit effort. Rennes ? Étienne Daho, Niagara. On part de loin. Le foot a acté depuis longtemps la mutation urbaine de la planète. Milan, Rome et Turin règnent en Italie. Barcelone et Madrid en Espagne. Manchester, Londres et Liverpool en Angleterre. Lundi, Lens et Metz se rencontrent, pour un choc au sommet. En Ligue 2.
Tony Gastolic
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