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«On n’échoue jamais par hasard !!!»

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La grande histoire de l’OL est le troisième livre à paraître sur le club rhodanien en 2007… Tous les éditeurs ont, semble-t-il, souhaité rattraper en même temps le retard de la production sur l’OL par rapport à celle de l’OM ou de Saint-Etienne. Il y a là également une volonté, sans doute, d’anticiper un éventuel succès en Ligue des champions : quand les livres ont été décidés, à l’automne 2006, cela semblait une possibilité. Il y a évidemment trop d’ouvrages pour le marché, ce qui est une constante dans l’édition. En même temps, les angles sont différents : honnêtement, on peut en acheter quatre, on n’achètera pas deux fois le même. Mais bien sûr, personne n’en achète quatre. Ni deux, d’ailleurs. Bon, même un seul, le mien de préférence, ça me ferait plaisir !

Le club lyonnais est-il enfin entré dans l’inconscient collectif hexagonal ou est-ce juste un hasard de circonstances éditorial ? Non, c’est la vague, encore une fois. C’est le seul champion de France depuis 2002 et puis sur quel club français pourrait-on écrire un livre ? Dans l’inconscient, non, je ne sais pas. Mais Lyon, vus les maillots des jeunes dans la banlieue parisienne, par exemple, commence à entrer dans la cour des écoles.

Pourquoi Lyon, qui a disputé six finales de coupes de France entre 1964 et 1976, peine-t-il à faire perdurer cette tradition ? Parce qu’il vit son âge d’or justement ? Je ne sais pas. En fait, la réponse se trouve peut-être dans le passé plus que dans le présent. Si Lyon a flambé en Coupe, c’est parce qu’il avait des grands joueurs qui avaient tendance à choisir leurs matches et qui optaient pour la coupe. Di Nallo le dit dans le bouquin : il fallait flamber en Coupe, dans le derby, contre Marseille, et à Paris devant les journalistes. Pour le reste, il fallait vivre, c’est tout. Au fond, aujourd’hui, Lyon n’est peut-être pas un vainqueur depuis assez longtemps pour gagner sur deux tableaux. Sa culture de la victoire est trop récente : cela peut être une explication.

Qu’avait l’OL dans les années 60 et 70 qu’il n’a pas (ou plus) désormais ? Il avait de grands buteurs. Combin, Di Nallo, Guy, Lacombe étaient de grands buteurs. Anderson a été un grand buteur, mais avant que l’équipe soit vraiment forte. Benzema devient un grand buteur, mais un peu tard pour le premier cycle fort de l’OL. Le deuxième est peut-être en train de commencer. Mais le Benzema d’aujourd’hui avec l’équipe d’il y a trois ans…

Le fait que Lyon fut la deuxième équipe française à briller en coupe d’Europe indique-t-il que le club s’inscrit dans une véritable tradition continentale. Autrement dit, l’ère Aulas trouve-t-elle ses racines dans ces six finales de coupe nationale de la question précédente, ainsi que dans le quart et la demi-finale européens des 60’s ? Non, je penche pour la dichotomie totale. A part le nom du club, et éventuellement l’influence bourgeoise d’une ville de fleuves, il n’y a pas grand chose en commun entre la gestion paternaliste des années 60 et la vision économique et sportive qu’avait Aulas de son club quand il est arrivé en 1987. C’est presque un hasard. Même s’il a su le cultiver en ramenant les anciens dans le club, Aulas n’a pas eu vraiment d’héritage, sinon quelques dettes et une équipe en D2 à son arrivée. Mais il faut que j’arrête, parce qu’il va encore dire que je suis un bon journaliste !

A l’aune des 50 dernières années, on a l’impression que la France est incapable d’enfanter un grand club. Est-ce ton sentiment et si oui pourquoi ? Je crois que l’OM était une grande équipe mais pas un grand club, mais que Lyon est un grand club qui n’a pas une assez grande équipe : il y aurait comme une incapacité française à réunir les deux au même endroit, au même moment, sans doute. L’explication simple, c’est le manque de grands dirigeants. Et la nouvelle race des actionnaires, absents mais interventionnistes, ne va pas arranger le décor. Les clubs français manquent sûrement d’argent, mais si j’avais des économies, je ne les leur confierais pas : ils ont fait n’importe quoi des millions qui sont passés entre leurs mains. Pas tous, heureusement. Lille a une vision, par exemple. On en revient, d’ailleurs, au début de la question : un club, mais pas encore une équipe. Et pas de stade, en plus.

L’OL d’aujourd’hui peut-il mettre fin à cette “malédiction” ? Oui. Franchement, les Lyonnais sont passés près, à Eindhoven, à Milan. Mais on n’échoue jamais par hasard. Il faut que les Lyonnais augmentent leur marge au niveau européen. Aujourd’hui, par exemple, ils sont un peu trop faibles défensivement. Bon, c’est peut-être l’année où ils vont aller le plus loin, Grosso marquera en finale et j’aurai l’air con, mais ça me semble rédhibitoire, quand même.

Ces trois dernières années, Lyon avait peut-être (probablement ?) l’équipe pour aller au bout en Ligue des champions. Que lui a-t-il manqué ? Au PSV, un peu de chance, une décision d’arbitrage, mais pas seulement, parce que Govou avait manqué une belle balle de 2-0 à l’aller. A Milan, cinq minutes, et un coaching plus heureux : le raisonnement était bon, mais Réveillère est entré côté droit d’où sont venus les deux buts, Carew a remplacé Fred et a oublié de défendre. En même temps, c’est Abidal le coupable sur le deuxième but, mais tout ça dessine le problème : on peut survivre à un ou deux détails défavorables, pas à quatre ou cinq. L’an passé, enfin : je ne change pas d’avis, l’OL n’était plus une équipe, socialement et techniquement. En un mois, les Lyonnais avaient cessé de jouer les uns pour les autres. L’usure du pouvoir, de la vie en collectivité, des ressorts identiques sans cesse agités, d’un discours aussi, peut-être.

Dans les premières années de sa présidence, selon toi, comme journaliste mais aussi comme supporter je suppose, “Napoléon” Aulas perçait-il sous Jean-Michel “Bonaparte” ? Je ne suis pas un vrai supporter de l’OL. Je n’en aurais pas honte, mais je ne le suis pas. Chez moi, à Bourg en Bresse, dans les années 70, il n’y en avait que pour Saint-Etienne…Simplement, entre les années qui passent et les intérêts qui convergent (quand on bosse sur une équipe, c’est quand même plus sympa de la voir à San Siro qu’à Martigues), j’ai acquis un vrai intérêt pour le côté feuilletonesque de l’aventure. Donc, “comme journaliste”, je dirais que “Bonaparte” Aulas s’attaquait déjà à tout ce qui bougeait. Ni Arcole, ni rien n’y aurait résisté. Mais son destin “national” n’était pas écrit. L’OL et lui m’ont surpris, quand même…

Quelle est l’importance exacte de Bernard Lacombe dans les succès lyonnais des années 00 ? Il est au cœur du régime : un régime présidentiel à trois, avec Aulas, Lacombe et l’entraîneur du moment. Il est aussi au cœur du recrutement. Pour l’entraîneur, c’est un contre-pouvoir difficile à digérer, surtout quand Lacombe “taille” dans ses commentaires sur OLTV. Mais sans lui, l’histoire n’aurait pas été la même.

Quel sera l’avenir de l’Olympique Lyonnais ? Quid exactement d’ OL Land ? Le paradoxe, c’est à la fois la force de l’institution, comme dirait Aulas, et le sentiment qu’elle repose sur un homme, comme il ne le dit pas. Vu de loin, si on ose dire, l’avenir tourne autour de lui. Le sens de son parcours, ce n’est pas forcément qu’il gagne la Ligue des champions, mais qu’il parvienne à réunir autant de ressources que les grands clubs européens. Et OL Land sera un symbole de cette conquête. J’espère juste que le stade ne ressemblera pas trop à l’Emirates. Il n’y a pas de bruit, tout le monde reste assis, se lève pour aller bouffer ou pour partir dix minutes avant la fin à cause des bouchons. Je n’ai pas envie de ces stades pour le foot français et pour le foot tout court. Mais je crois qu’on y aura droit quand même. OL Land se fera sûrement moins simplement qu’il ne le dit. Et moins rapidement. Mais je pense qu’il se fera. En 2011, 2012 ? Je ne crois pas que Benzema sera encore Lyonnais ce jour-là…

La ville de Lyon fait furieusement penser à la cité bordelaise. Le club d’Aulas est-il condamné au même destin continental que son homologue girondin : ne disputer aucune finale européenne et ne jamais tout à fait rentrer dans le cœur des Français ? C’est une bonne question. L’autre parallèle, c’est l’impopularité de leur président. Mais Aulas semble moins tordu, niveau méthodes, que le moustachu. Avant de savoir si Lyon peut jouer ou non une finale, il faudrait déjà le voir passer un tour de Ligue des champions à émotions. Sortir MU en aller et retour serait une bonne idée. Glasgow a marqué les esprits, grâce à Benzema, mais ce sont les poules, toujours les poules…L’émotion avait manqué à Bordeaux, aussi. Dniepr, c’était quand même pas le Real, et contre la Juve, Bordeaux avait juste frôlé le miracle.

Ne manquera-t-il pas à tout jamais à l’Olympique Lyonnais un “supplément d’âme” qui est inhérent à toute grande ville de football (Marseille, Saint Etienne, Lens…) ? Le supplément d’âme est une manière positive de parler de supporters issus de la classe ouvrière ? C’est historiquement vrai, mais aujourd’hui, je crois que les virages des stades français sont homogènes, et que les tribunes latérales le sont aussi. Enfin, si on ne compare pas Nungesser à Louis-II. Disons, alors, dans les grandes villes. Supplément d’âme, c’est d’abord plus de supporters : en D2, l’OL aurait peut-être du mal à remplir son stade comme l’OM, ‘Sainté’ ou Lens. L’âme vient peut-être avec la chute, la renaissance, la rechute, et l’OL n’a pas encore connu ces situations dans un contexte fortement médiatisé et dramatisé.

L’OL ne souffre t-il pas en outre d’un syndrome anti-français relativement prononcé ces dernières années (genre “ailleurs l’herbe est plus verte” ainsi qu’une propension toute hexagonale à l’auto dénigrement) ? C’est possible. Mais c’est plus vaste. Il y a un peu de tout : l’absence d’exploit européen fondateur, donc, l’impopularité du président, l’incompétence de ses rivaux et donc la transparence de ses dauphins…

Les deux meilleurs joueurs supposés de l’histoire de l’OL ne sont-ils pas de ce point de vue emblématiques du club et de la ville : un lutin génial qui n’a jamais tout à fait convaincu au niveau international – Serge Chiesa – et un Brésilien artificier hors pair qui aurait probablement connu une autre trajectoire s’il avait signé au Barça comme il en a été question – Juninho – ? Oui, c’est un parallèle intéressant. Est-ce que ça trace les limites du club, en suggérant que ses meilleurs joueurs n’ont jamais conquis l’Europe ni le monde ? Est-ce l’explication de leur rayonnement sur le club, parce qu’il aurait concentré toutes leurs ambitions ? Peut-être, mais jusqu’en 2006, Juni pensait beaucoup à la Seleçao. Par ailleurs, ils sont différents : Chiesa voulait rester à la maison et que personne ne parle de lui, alors que Juninho adore ça, qu’il lit tout, et qu’il a cette fierté comme un moteur. J’ai un peu vu jouer Chiesa, mais je me souviens de papiers au moment de sa retraite, disant qu’il aurait pu être, s’il l’avait voulu, le trait d’union entre Kopa et Platini, dans l’histoire du foot français.

Quels ressorts t’ont animé pour écrire ce livre ? Raconter une histoire, des histoires. J’ai fait ça pendant mes vacances, l’été dernier, et sans rire, ça m’a reposé. Reposé de l’actu, des tendances “tout info” du moment dans le métier. J’ai pu prendre de la distance, raconter des trucs qu’on se racontait entre journalistes, depuis longtemps, et qui sont touchés par la prescription. Je n’avais pas envie de parler de jeu, de tactique, d’argent, de résultats, de classement. Juste raconter des histoires, voilà. J’ai aimé, par exemple, avoir vécu de très près la période Domenech entraîneur, et en faire une relecture à tête reposée avec les principaux acteurs. Mais ce bouquin n’est pas une enquête exhaustive sur l’actionnariat du club. Si quelqu’un s’intéresse à l’entrée en bourse de l’OL, il ne doit pas l’acheter !

Propos recueillis par Rickie-la-belle-vie

(1) : à l’issue des quarts de finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupe, les dirigeants lyonnais avaient accepté contre de l’argent que le match d’appui se déroule dans la cité hanséatique puisqu’il y avait deux bulletins Hambourg dans l’urne.

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