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Nicolita, un Rom en devenir
Banel Nicolita attend toujours sa première titularisation avec Saint-Étienne. Arrivé en France quand sa communauté des Roms retourne au pays en charters, l'ancien joueur du Steaua Bucarest souhaite se faire un nom dans l'Hexagone. Récit d'un Tzigane à la carrière peu commune.
C’est l’histoire d’un Rom qui gagne 35 000 euros/mois en France. Banel Nicolita est footballeur, il est arrivé à Saint-Étienne à quelques heures de la fin du mercato estival pour 700 000 euros. Une somme dérisoire dans le football actuel. International roumain (32 capes), le joueur des Carpates n’est pas le premier venu. Le seul Rom de la sélection des Tricolorii compte plus d’une cinquantaine de matches européens à son actif. Banel Nicolita est de l’épopée du Steaua Bucarest en Coupe de l’Uefa 2006, atteignant les demi-finales de la compétition. C’est également lui qui élimine son équipe quelques mois plus tôt en Ligue des champions, marquant contre son camp à Bernabeu face au Real Madrid (1-0) en phase de poules. Lynché par les supporters du Steaua, le milieu de terrain ne réussira pas à trouver le sommeil pendant 48 heures. Une étape importante dans sa carrière.
Un gitan chez les Verts
Il est comme ça Nicolita, capable du meilleur comme du pire. Saint-Étienne attend d’ailleurs toujours ses fulgurances, deux mois après sa signature. Christophe Galthié ne lui a offert que 64 minutes pour s’exprimer. Quelques dribbles tentés, un carton jaune reçu et des centres encore imprécis : le Roumain n’a toujours pas convaincu le coach stéphanois. Le joueur met du temps à s’acclimater, il ne s’en cache pas. « Mis à part aux entraînements, on n’a pas vraiment de contacts avec le club. Il y a le terrain, et ensuite, c’est chacun pour soi, explique-t-il dans une interview accordée à Pro Sport. Même pour les matches, on se retrouve à l’aéroport, chacun vient par ses propres moyens. Vous imaginez le choc pour moi qui suis encore habitué aux méthodes du Steaua où tout est fait en groupe. »
Son arrivée en a étonné plus d’un. La presse française ne s’est pas étendue à son sujet au contraire des tabloïds anglais, toujours enclins à tancer les Français. « Saint-Étienne achète un gitan, alors que la France les paie pour s’en aller » ; le titre de The Guardian quelques heures après la signature du joueur n’est pas passée inaperçu en Grande-Bretagne. Petit retour dans le passé. Vendredi 6 août 2010 : le préfet de la Loire ordonne l’expulsion d’un camp abritant une centaine de Roms roumains à Saint-Étienne. La première d’une longue série pour Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur de l’époque. Banel Nicolita ne souhaite pas revenir sur cette politique sarkozyste, évitant ce sujet lors du peu d’interviews qu’il donne. Lui n’a pas connu de soucis pour se faire accepter dans le Chaudron. « Évidemment, quand on réussit dans le milieu du sport, on est tout de suite mieux accueilli… » , avance Anne-Sara, de l’association Solidarité Roms de Saint-Etienne, dans les Inrocks.
« Une fois que je maitriserai la langue, je jouerai plus »
Les supporters des Verts commencent néanmoins à perdre patience avec le Roumain. Le club avance sans Banel Nicolita dans son onze type. Ce dernier justifie ses débuts mitigés par la barrière de la langue : « J’ai une super professeure de français. Elle m’aide beaucoup, elle connaît le football et m’apprend les termes utilisés pendant les matches et à l’entraînement. Une fois que je maitriserai la langue, je jouerai plus. Je suis optimiste. » Excellent tireur de coup-francs, le Rom attend encore sa première titularisation avec Saint-Étienne. La rencontre de mercredi contre l’OL en Coupe de la Ligue pourrait bien lui offrir du temps de jeu. Tour à tour insulté puis adulé dans les stades roumains, Nicolita connaît parfaitement les derbies pour en avoir joué plus d’une dizaine en Roumanie. Le Tzigane a su se faire respecter par les supporters de Bucarest grâce à ses performances dans ces rencontres à enjeu, atteignant même le statut honorifique de Rom le plus populaire de Roumanie selon la presse locale. Ancien ambassadeur contre le racisme pour la Fifa, Nicolita tend juste aujourd’hui à être une minorité de plus en plus visible à Geoffroy-Guichard.
Par Romain Poujaud