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Mbappé, l’homme qui valait 6 millions par mois
L’Équipe vient de révéler les salaires et les revenus des footballeurs professionnels de Ligue 1. Sans surprise, Kylian Mbappé est également passé en ce domaine dans une autre dimension. Mais est-ce vraiment si surprenant, voire choquant ?
Les chiffres publiés jeudi donnent le tournis. Le salaire moyen des footballeurs professionnels semble déconnecté de la réalité – financière – du commun des mortels. Même dans le vestiaire d’Auxerre, nouveau promu, il approche les 40 000 euros brut, quand le salaire médian du travailleur français se situe autour de 1800 net (en d’autres termes, la moitié des salariés gagne moins). Pour ce qui concerne Kylian Mbappé, le chèque donne le vertige : 6 000 000 euros brut. Sans compter toutes ses autres sources de revenus (contrats avec des partenaires ou sponsors, primes diverses et variées, etc.). En tout, 216 millions brut de salaire sur trois ans. Une manne qui l’installe clairement parmi les sportifs les mieux payés au monde pour son labeur et son talent.
Devant des sommes qui l’apparentent à lui seul à une PME plutôt prospère (il touche un tiers du budget de la FFF), il s’avère difficile de prendre au sérieux sa prétendue désinvolture – si sympathique au demeurant – qu’il résumait ainsi : « On a parlé des mois de sportif, des heures d’image et des minutes d’argent. […] Mon argent va sur mon compte, je le regarde un peu, mais je m’en fous. » En tout cas, alors qu’il commence petit à petit, avec son sens inné de la com, à utiliser son statut hors normes pour s’exprimer sur les sujets qui fâchent – du racisme au cas Noël le Graët –, il ne semble pas subir en retour les foudres de cette haine des riches, paraît-il typiquement tricolore. Un retournement assez intéressant à noter alors que le footballeur a si souvent servi par le passé de bouc émissaire sur le sujet. Nul doute que le cas du PDG de Total, Patrick Pouyanné, dont les émoluments se sont élevés à 7 331 079 euros en 2022 (+23,33 %), a infiniment plus défrayé la chronique, surtout dans le contexte actuel.
Les footballeurs restent des riches sans pouvoir
On pourrait certes rêver d’un monde où le salary cap serait la règle. Effectivement avec un dixième de ses revenus actuels, l’enfant de Bondy demeurerait certainement toujours très heureux balle au pied. Nous en sommes loin. D’autre part, les footballeurs restent des riches sans pouvoir. Si le salaire de Kylian Mbappé le place au sommet de la hiérarchie, il ne pèse guère sur la vie de la nation et ses choix. À l’heure où les Français manifestent pour défendre un système redistributif qui fonde celui de nos retraites, les propos du ministre de l’Économie Bruno Lemaire, sur Cnews, l’été dernier, au moment de la prolongation de l’attaquant parisien, prennent d’ailleurs une résonance particulière : « Il va payer beaucoup d’impôts, c’est une bonne chose qu’il les paye en France plutôt qu’il ne les paye ailleurs. » Pour rappel, en matière de fiscalité, le plus scandaleux porte le nom d’impatriation, une niche dont ont bénéficié Lionel Messi et Neymar, autrement dit un abattement fiscal de 30 % sur leur rémunération nette, à condition de ne pas avoir été résident fiscal en France lors des cinq années civiles précédentes.
Voilà pour le versant national, presque politique, d’un revenu qui donnera malgré tout lieu à son petit lot d’indignation facile. L’autre façon d’appréhender le problème serait de se pencher sur la situation du PSG. Un tel niveau de rémunération s’avère presque inévitablement une nécessité pour les propriétaires qataris. Ces derniers ont depuis longtemps transformé le club parisien en une franchise, un produit d’appel, d’abord destiné à gonfler le nombre de followers et les ventes de maillots. Il fallait néanmoins impérativement conserver un Kylian Mbappé, joueur d’exception, français et francilien, et désormais capitaine des Bleus. De fait, il sauve, aussi bien sur le terrain que sur le plan économique, les meubles du projet QSI. Et cette saison, au-delà du décevant, le rend d’autant plus indispensable. Finalement le véritable mystère, et peut-être scandale, se pose ailleurs dans une entreprise où le salaire moyen a dépassé le million (contre 60 000 à Strasbourg) : comment justifier les 500 000 euros que perçoit Carlos Soler ?
Par Nicolas Kssis-Martov