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Loïc Durand : « Toute ma vie était calquée autour de l’AC Ajaccio, donc ça fait un vide »
L’AC Ajaccio traverse une semaine noire, entre dépôt de bilan et liquidation judiciaire. Une catastrophe pour tout un club, des salariés aux supporters, dont Loïc Durand, fidèle parmi les fidèles et connu pour ne pas manquer un déplacement depuis Montluçon pendant plus de dix ans pour les matchs à l’extérieur.

On a appris lundi que l’AC Ajaccio déposait le bilan. Comment as-tu accueilli cette triste nouvelle ?
Déjà, bon, ça faisait un petit moment que ça nous pendait au nez. On savait qu’au bout d’un moment, ça allait casser, malheureusement. Pour l’instant, ça passait, mais là, ça a cassé. En tout cas, j’étais optimiste, comme d’autres supporters, bien évidemment. On se disait : « Non, ça ne peut pas nous arriver, ça n’arrive qu’aux autres. » Mine de rien, ça s’approchait petit à petit. On voyait que le coup de massue s’approchait, que l’épée de Damoclès au-dessus de notre tête allait bientôt tomber. Les dirigeants nous ont laissés espérer avec le possible rachat par l’Américain Glenn Straub, puis par le Catalan Baké. Donc, on nous a laissés espérer dès le départ. On a espéré jusqu’au bout.
Et toi, d’un point de vue plus personnel, comment tu le vis ?
J’ai encore du mal à y croire. Ce n’est pas très palpable. Même si, forcément, il y a un gros manque, parce qu’habituellement, à cette période-là, le championnat a recommencé depuis juillet. Moi, en tout cas, j’aurais déjà fait trois ou quatre déplacements pour les matchs amicaux. En plus, c’est une période que j’aime bien, parce que ça nous fait aller dans des petits stades un peu partout, dans le Sud, dans des ambiances champêtres. Dans ces petits stades, on est vraiment entre nous, proches les uns des autres, proches des joueurs, des dirigeants, des autres supporters, qu’ils soient locaux ou visiteurs. Il y a un manque.
D’un point de vue social, ça va me manquer. Et d’un point de vue de route aussi, moi, j’adore faire de la route. Ça me permet de me vider la tête. C’était un petit sas de décompression.
L’ACA occupait une place très importante dans ta vie depuis plusieurs années. Qu’est-ce que ça va changer pour toi ?
Mine de rien, c’était une grosse partie de ma vie. Toute ma vie était calquée autour de l’ACA : mon emploi du temps pour le boulot, le foot, la garde de mon fils, les repas de famille, les anniversaires des copains… tout était organisé autour du club. L’ACA passait vraiment en priorité, et tout le monde le savait. Donc forcément, là, ça fait un vide. Même si j’ai l’impression que la saison n’a pas vraiment commencé… Je me mens à moi-même. J’ai toujours un peu d’espoir. Mais les espoirs ont été douchés.
Qu’est-ce qui va te manquer le plus ?
Certes, j’allais voir les matchs de foot, mais surtout je rencontrais des gens, je revoyais des copains, des amis que je ne voyais qu’à cet endroit-là. D’un point de vue social, ça va me manquer. Et d’un point de vue de route aussi, moi, j’adore faire de la route. Ça me permet de me vider la tête. C’était un petit sas de décompression. Donc j’ose espérer que ce ne sera que pour un court laps de temps et que, dès l’année prochaine ou dans deux ans, on pourra remonter en National pour recommencer mes aventures. Dans tous les cas, ce ne sera plus comme avant. Surtout si on va dans les régions lyonnaises ou marseillaises, ça peut être un peu chaud.
Bon, ça y est, c'est fait. Force aux employés et à toutes les personnes et familles impactées directement 🙏https://t.co/heQ1V1RlQI
— Perfettu (@LoicDrd) August 21, 2025
On a longtemps parlé d’une rétrogradation en N3, mais pour l’instant le club repartirait au niveau régional. Comment rester optimiste pour l’avenir de l’ACA ?
Quand le calendrier de Ligue 2 est sorti, on s’est dit « yes on est dedans ! » Même si on savait qu’on risquait le National 1, les dirigeants étaient optimistes. Calendrier de National 1 : nickel. Ça limitait les dégâts, ça permettait de sauver le centre de formation, de sauver pas mal de choses, et de découvrir de nouveaux stades, même si c’est secondaire. On se disait que le National, ça allait. Puis le spectre du dépôt de bilan est arrivé. On s’est dit « merde… ça traîne, ça traîne », et là, c’est tombé. Et encore, on ne sait toujours pas si on sera en National 3, Régional 1, 2, 3 ou 4. On est vraiment dans l’expectative. Moi, j’ai lâché l’affaire, j’attends les infos, comme beaucoup d’autres supporters de l’ACA avec qui je peux parler. Donc voilà, j’essaie de ne plus trop m’avancer, de ne plus tirer de plans sur la comète. J’attends. Advienne que pourra.
C’est que du foot, et en même temps, ce n’est pas que du foot… malheureusement. Mais bon, c’est comme ça. J’irai où l’ACA sera.
Tu comptes toujours faire chaque déplacement ?
Si c’est en régional, pour moi qui habite sur le continent, ce sera plus compliqué. J’habite à Montluçon, je ne pourrai pas faire tous les déplacements comme je faisais depuis 10-12 ans. Je me contenterai de 3 ou 4 déplacements dans la saison. Si ce n’est pas en National 3, je ne sais pas dans quelle poule, on pourrait être parce qu’ils nous ont remplacés par l’ASPTT Dijon dans la poule de la réserve. Je ne crois pas qu’on retrouvera le N3. D’un côté, j’ai des échos positifs, de l’autre des rumeurs de R1 ou R2… Ça va être compliqué pour tout le monde, donc je ne vais pas me plaindre. C’est que du foot, et en même temps, ce n’est pas que du foot… malheureusement. Mais bon, c’est comme ça. J’irai où l’ACA sera. Des collègues, des supporters ou des copains se moquent un peu de moi et me demandent : « Qu’est-ce que tu vas faire de tes week-ends maintenant ? »
Tu fais tous les déplacements depuis 2011, tu supportes le club depuis l’âge de 10 ans. Comment est-ce que tu comptes t’occuper ?
À côté de ça, je suis impliqué dans mon club de foot, l’US Saint-Victor, qui joue en district. Je suis vice-président, entraîneur de l’équipe 1 et joueur. Le foot me prenait beaucoup de temps ces dernières saisons. Là, au moins, ça va peut-être me libérer un peu plus de temps pour mes joueurs et les matchs le week-end. Mais je ne me projette pas, vu que je ne sais toujours pas dans quelle division on sera. Ce qui est bien, et j’exagère un peu, c’est que mon rêve a toujours été que l’US Saint-Victor joue contre l’ACA. Donc là, si l’ACA descend au niveau régional, je me dis que ce rêve est possible. Même si on est à une centaine de kilomètres, c’est faisable. (Rires.)
Tu as pu échanger avec d’autres supporters ? Dans quel état d’esprit sont-ils ?
Il y a un peu de tout. Jusqu’à peu, il y en avait encore qui croyaient vraiment dur comme fer à ce qu’on nous annonçait, aux belles paroles, etc. Et là, mine de rien, avec toutes les infos, ou avec les quelques enquêtes de la presse locale, qui ont pu montrer que les dirigeants mentaient ou cachaient des choses, on a pu voir qu’on nous prenait pour des cons, sans doute, même si je ne crache pas sur le travail effectué par les dirigeants depuis des années. Mais bon, force est de constater qu’il y a quelque part eu une mauvaise gestion du truc. Les gens s’en rendent compte petit à petit, et là, je pense qu’on est un peu tous dans mon état d’esprit. Dès qu’il y a une info un peu positive : « Bah tiens, trop cool. » Le sentiment général, c’est la lassitude. On a hâte que tous ces problèmes administratifs, financiers soient derrière nous, même si on nous dit de repartir en R1, R2, ou R3, ou je ne sais pas quoi. Que ce soit derrière nous, et qu’on se consacre au foot, qu’on parle vraiment de foot, parce que les papiers, les trucs administratifs, on en a ras le pompon. Forcément, il y aura moins de monde, mais comme je disais, les vrais supporters vont continuer à les supporter, peu importe la division. L’ACA n’est pas morte encore, c’est juste une nouvelle aventure qui commence. Les supporters sont là pour continuer à le faire vivre.
En liquidation judiciaire, l'AC Ajaccio peut dire adieu à la N3Propos recueillis par Titouan Aniesa