Guirassy au LOSC, une histoire à oublier

Tandis qu’Anne-Sophie Roquette égrène les noms des titulaires défiant le PSG en ouverture du championnat ce 7 août 2015, nombreux sont les supporters présents ce soir-là à se demander s’il s’agit bien de la composition de leur équipe fétiche, tant elle ne ressemble en rien à celle qui avait bouclé le précédent exercice à une triste 8^e place. Pour cause, le LOSC de Michel Seydoux a décidé de repartir d’une feuille quasi blanche lors du mercato estival : un changement de coach – exit René Girard, bienvenue Hervé Renard –, mais surtout un effectif totalement repensé, plus d’une dizaine d’arrivées pour autant de départs. Au milieu de cette partie de « Qui est-ce ? » géant, l’une des recrues suscite davantage de curiosité que les autres : arrivé de Laval après une seule saison pleine en Ligue 2 dans les pattes (6 buts), Serhou Guirassy (19 ans) est titulaire sur le front de l’attaque lilloise pour sa grande première dans l’élite. Le longiligne attaquant est facilement muselé par la paire David Luiz-Thiago Silva, avant de céder sa place à l’heure de jeu sous les encouragements d’un public désireux de le revoir. Personne ne le sait encore, mais, malgré la défaite du LOSC (0-1), le natif d’Arles vient sans doute de vivre la plus belle émotion de sa courte aventure lilloise.

De la jeunesse et des miettes

Si les débuts sont plutôt encourageants, la suite n’a rien de reluisant. Il faut dire que dès son arrivée dans le Nord pour quatre ans et près d’un million d’euros, le statut de Guirassy n’est pas tout à fait clair. « Nous avons la sensation de recruter un futur talent pour demain. […] On espère que très vite, Serhou va devenir l’attaquant performant du LOSC », déclarait Jean-Michel Vandamme, directeur général adjoint du club, sur LOSC TV, sans que l’on comprenne alors s’il s’agit d’un pari pour l’avenir ou d’une option crédible pour pallier le départ de Divock Origi vers Liverpool.

Hervé Renard, séduit par le profil athlétique du jeune buteur, était plutôt d’avis de lui laisser le temps de continuer sa construction. Guirassy n’est pas encore armé pour le haut niveau, malgré de bonnes prestations avec l’équipe de France U19 – génération Pavard et Hernandez – lors de l’Euro quelques semaines plus tôt. D’autant plus que le LOSC ne tourne pas rond en ce début de saison, affichant même un niveau de jeu inquiétant et un vrai rythme de relégable, avec deux victoires en quinze matchs et une triste 18^e place à la mi-saison. Dans ce contexte, il faut de l’expérience plutôt que de la jeunesse, et Junior Tallo lui est préféré en pointe, sans que son rendement ne plaide en sa faveur.

Dès la deuxième journée de Ligue 1, Guirassy s’installe donc sur un banc de touche qu’il ne quittera que pour des miettes, ou pour fouler les pelouses cabossées du CFA lorsqu’il n’est pas convié dans le groupe professionnel. Les premiers moments de doute de sa jeune carrière. « Serhou est arrivé à Lille à un moment où la patience n’était pas de mise par rapport aux ambitions du club, se souvient son coéquipier de l’époque Steeve Elana. C’était un gamin qui avait besoin de temps et de confiance pour s’intégrer à un nouvel environnement, de nouveaux coéquipiers. Malheureusement, il n’a rien eu de tout ça à Lille. » Avec huit matchs de championnat disputés pour seulement trois titularisations, le jeune attaquant doit attendre fin octobre et un match de Coupe de la Ligue face à Troyes (2-1) pour débloquer son compteur. Le seul et unique but sous le maillot des Dogues.

Des moqueries au placard

Au-delà du maigre bilan statistique, c’est la maladresse du jeune Guirassy qui lui attire les moqueries d’une partie du public lillois, ainsi que le sobriquet de « Roi Serhou ». Devenu si précieux avec Dortmund pour son jeu de fixation dos au but – Karim Benzema est un exemple pour lui dans ce registre –, il brillait à l’époque davantage par ses duels perdus face aux rugueux défenseurs du championnat, ainsi que par ses lacunes techniques. Deux domaines dans lesquels il impressionne aujourd’hui au Borussia. Un manque de confiance classique pour un jeune joueur, beaucoup plus pardonnable qu’une attitude jugée parfois nonchalante par les fans, qui reprochent au grand attaquant (1,87 mètre, 82 kilos) son côté pataud autant que son comportement dédaigneux.

Une facette qui, selon son ex-partenaire Sébastien Corchia, ne correspond pas à la véritable nature du garçon : « Il bossait beaucoup à l’entraînement pour inverser la tendance en match. À Lille, il traversait des moments compliqués, mais il ne lâchait jamais et avait toujours faim de travail. Serhou n’était pas quelqu’un qui parlait trop, il est plutôt du genre timide. En revanche, il était toujours à l’écoute des plus anciens, avec l’envie de progresser. » Peu en vue en match, l’attaquant prend son mal en patience à l’entraînement. « Avec nous, il a progressé dans le jeu sans ballon et dans les liaisons avec des coéquipiers différents », note Elana, pas surpris par la trajectoire prise par le buteur des Schwarz-Gelben, lui qui « a toujours gardé cette super finition qui fait sa force ».

L’éviction d’Hervé Renard début novembre et la nomination de Frédéric Antonetti ont eu raison des ambitions du jeune homme, qui ne sera jamais retenu dans le groupe du technicien corse. L’avenir s’écrit ailleurs pour l’attaquant franco-guinéen, qui décide alors de partir en prêt à Auxerre lors du mercato hivernal. Guirassy y retrouve la Ligue 2 et le sens du but (16 matchs, 8 buts), mais ne participe pas à la folle remontée des Dogues à la 5^e place du championnat. Qu’importe, Serhou ne veut plus remettre les pieds dans le Nord, lui qui avouait récemment avoir visé trop haut, trop vite. « J’ai été trop impatient quand je suis arrivé à Lille, je ne me connaissais pas assez pour pouvoir performer », expliquait-il récemment au Club des 5. Vexé du « traitement subi », Guirassy partira dès l’été suivant à Cologne, dans un championnat tourné vers l’offensive, plus adapté à son profil. Aujourd’hui considéré comme une référence en Allemagne, celui qui souffle ce mercredi sa 29^e bougie aborde probablement ses retrouvailles à Villeneuve-d’Ascq avec un sentiment de revanche, le même qui lui a déjà permis de marquer par deux fois face à son ex, avec Amiens en 2019 puis Rennes en 2022. Alors qu’il a été très peu en vue lors du huitième de finale aller, les supporters nordistes espèrent bien que le Roi Serhou retrouvera ce mercredi soir la maladresse de son époque lilloise.