L’Europa League, pour quoi faire ?
En 1993, la France rendait fou le Vieux Continent. Marseille s’apprêtait à décrocher le Graal à Munich, pendant qu’Auxerre et le Paris SG enflammaient le dernier carré de la Coupe de l’UEFA. Seize ans après, le football est devenu cruel. La Ligue des Champions monopolise les libidos footballistiques de tous les passionnés. Dès lors, la petite sœur doit se contenter des restes. Comme une pestiférée. Pourquoi ?
Parce que la réforme de la C1. On ne va pas se mentir, si la C3 passionne autant qu’un épisode de Louis la Brocante, c’est qu’elle ne soutient pas la comparaison avec la Ligue des Champions. Lorsque la Coupe d’Europe des Clubs Champions voit le jour en 1955, seuls les champions participent à la compétition. Suite à la réforme entreprise dans les années 90, la formule change, notamment pour des raisons financières. En invitant les clubs classés entre la deuxième et la quatrième place, l’UEFA a tué ses autres vitrines (Coupes des Vainqueurs de Coupe et Coupe UEFA). L’arithmétique est cruelle, quand on prend les trois ou quatre premiers de tous les championnats majeurs d’Europe, il ne reste plus grand chose pour les pauvres. A peine de quoi faire vibrer un stade pendant 90 minutes. En surexposant la C1, la bande à Johansson a clairement livré sa préférence. Le show du Vieux Continent s’ouvre le mercredi soir. Le jeudi, c’est uniquement du rab. Pour les affamés. Moralité : l’Europa League n’emballe pas. Même les clubs s’en tamponnent. Suffit de voir comment le Stade Rennais ou même le Paris SG ont salopé leur compétition l’an dernier. CQFD.
Parce que formule à la con. Pour rendre une compétition bandante, il faut que le concept le soit. Et là, clairement, la C3 s’est foirée. Un système bancal, mal foutu et chiant à suivre. Où est passée la bonne vieille formule des confrontations directes en matches aller-retour ? Au lieu de ça, on nous a pondu un premier écrémage via des barrages pour ensuite passer par des poules. Un beau merdier. Surtout qu’avec le reversement des équipes de la C1 en seizièmes, la campagne européenne perd complètement de son charme. En 2000, la finale opposait Arsenal à Galatasaray, deux équipes engagées initialement en C1. Un foutage de gueule complet. L’édition 2010 ne dérogera pas à la règle. Tous les troisièmes de C1 seront renversés et affronteront les premiers de poules. Une formule tronquée et favorisant les anciens pensionnaires de la cour des grands. Le tenant du titre, Donetsk, participait à la C1 l’an dernier avant son sacre d’Istanbul. Pis, en août, les Ukrainiens disputaient le tour préliminaire de la Ligue des Champions. Mais une élimination honteuse les a propulsés en C3, où ils pourront défendre leur titre.
Parce que le plateau 2010 fait flipper. Roma, Lazio, Ajax, Hambourg, Valence, Everton, Werder Brême, Shakhtar… voilà les “gros” de la prochaine édition. Pas de quoi se toucher. Quand les seconds couteaux se nomment le Nacional, le FC Sheriff, Timisoara, Heerenveen ou le FK Ventspils, on flippe carrément. On est pris d’un sentiment de rejet. Une sorte de véto psychologique et intellectuel s’instaure. Le plateau de l’Europa League 2010 tire la tronche. Surtout en comparaison de la C1 qui balance sans broncher des Inter–Barcelone, Chelsea–Porto ou autre Bayern–Juventus. A titre d’exemple, quand la C3 affiche neuf Ligues des Champions à son compteur (Ajax, Benfica, Celtic, Hambourg et Benfica), le seul groupe B de la C1 en compte dix-sept a lui tout seul (Real Madrid, Milan AC et Marseille). Forcément, ça sent la compétition discount.
Parce que W9 et M6. En France, la Ligue des Champions a bâti sa réputation sur ses soirées TF1. Quand Roger Zabel présentait les matches du soir sur son fauteuil tuné. Ah le fameux Voltaire et son tissu OM ou PSG. Un classique. Pour attirer du monde, il faut chiader un minimum la présentation, balancer une chanson facilement identifiable et valoriser son produit. En France, on n’a pas d’argent mais on a des idées. Ou tout du moins des concepts d’idées. Sinon comment justifier les soirées UEFA diffusées sur M6 et/ou W9 ? Thierry Roland et Jean-Marc Ferreri aux commandes, trois caméras, deux ralentis et la conceptualisation du “léger” différé. Dès lors, suivre un Sporting Braga–PSG relève de l’exploit intellectuel. Ce soir Lille–Valence se dispute à 19h. Une heure à laquelle la France se paluche sur La Roue de la Fortune sur TF1. Il y aura autant de monde au stade que devant la télé. Tristesse quand tu nous tiens…
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