- C1
- Quarts
- Arsenal-Real Madrid (3-0)
Les gardiens doivent-ils tout simplement en finir avec les murs sur coup franc ?
Le somptueux doublé sur coup franc de Declan Rice contre le Real Madrid a marqué les esprits et ravivé des souvenirs pas si lointains de coups francs magistraux, qu’ils soient signés Juninho, David Beckham ou Roberto Carlos. Sur les deux coups de canon de l’Anglais, le mur madrilène a été remis en cause et jugé responsable. Et si, finalement, la mise en place d’un mur était une sorte de « cadeau empoisonné » pour les portiers ?

Qu’il soit excentré ou plein axe, composé d’un, de deux ou de cinq joueurs, bâti par la meilleure équipe du monde ou par un petit club amateur de Régional 3, rien n’y fait : le mur semble faire partie intégrante des coups francs (directs ou indirects). Cette habitude est entrée dans les mœurs du football depuis maintenant des décennies, comme s’il était né avec. Lors de chaque coup de sifflet de l’arbitre à l’approche du but adverse, les joueurs commencent à s’aligner, à 9,15m du ballon, souvent dirigés par les instructions de leur gardien, avant d’entamer un petit saut synchronisé dans l’espoir de bloquer le ballon. Pourtant, cette barricade est régulièrement victime de failles. Après sa masterclass contre le Real Madrid, Declan Rice lui-même a déclaré que le placement du mur espagnol l’a incité à frapper le coup franc face au Real, et il n’est pas superflu de penser que ses deux bijoux n’auraient pas existé sans la mise en place d’un mur. Alors, ces murs sont-ils finalement plus un piège qu’une sécurité pour les gardiens ?
Un « allié » pour les tireurs
L’ancien gardien Jérôme Alonzo avoue avoir déjà remis en question l’utilité de cette technique défensive. Et il ne serait pas le seul. « Tous mes collègues te diront que parfois, ils n’ont pas envie de mettre de mur. Mais le problème, c’est que si tu n’en mets pas et que tu prends un but derrière, tu passes pour un con. » Si pour l’ex-Parisien, les coups francs situés autour des 18 mètres de distance en nécessitent un, il émet plus de doutes pour ceux au-delà de 26 mètres. « J’avais eu une discussion d’une heure avec Juninho. Il m’avait dit : le mur, c’est mon allié, car une fois sur deux, il est mal placé. Après cette discussion, je n’ai plus mis de murs à cette distance, et cela m’a souri. »
Si je mets un mur plein axe à 30 mètres, je suis obligé de me décaler, et en faisant ça, je me pénalise.
Dans son raisonnement, un mur offre un avantage non négligeable pour le tireur : « C’est une cible pour lui, ça l’aide à comprendre ton placement. Si je mets un mur plein axe à 30 mètres, je suis obligé de me décaler, et en faisant ça, je me pénalise. » Sur le premier but des Gunners, d’ailleurs, la mauvaise position du mur est clairement la cause du but de Rice. L’ancien Messin Frédéric Meyrieu, habile tireur de coup franc, a tout de suite décelé un gros problème dans l’alignement des Merengues. « Dès que j’ai vu le mur, je me suis douté que ça allait faire mouche. Plusieurs choses n’allaient pas : il manquait un cinquième joueur, les quatre mecs n’étaient pas sur la pointe des pieds et, en plus, Federico Valverde se tourne ! »
Une arme de dissuasion, plus que de protection
Si les deux anciennes gloires de Ligue 1 s’accordent à dire qu’un mur est essentiel quand il est placé à l’approche de la surface de réparation, pour le gardien, « le mur était devenu une sorte de dissuasion plus qu’une protection à cette distance. Il m’arrivait de le décaler exprès pour inciter le joueur à tirer de mon côté. C’était une façon pour moi d’engager un défi psychologique avec mon vis-à-vis. » Un duel mental que ne renie pas le tireur, bien au contraire. « Avant ma frappe, je regardais tout de suite si le mur était bien placé ou pas. Si oui, cela contraint forcément le frappeur à prendre plus de risques », indique Meyrieu. « Et pendant ma course d’élan, il m’arrivait de marquer un petit temps d’arrêt pour voir les appuis du gardien, essayer de le prendre à contre-pied. C’est tout un art. Sans mur, je n’aurais pas eu besoin de faire ça. »
La question mérite toutefois d’être posée : verra-t-on un jour un football sans mur pour les coups francs ? Une faute à l’extérieur de la surface deviendra-t-elle une variante du penalty, avec un peu plus de distance et des joueurs au milieu, seulement susceptibles de dévier la trajectoire. « Peut-être pour ceux à 40 mètres, mais à 20-25 mètres, je n’y crois pas du tout, surtout avec les ballons actuels qui sont beaucoup plus légers qu’avant, un élément très important à prendre en compte », poursuit l’ancien milieu offensif. Mais le football n’échappe pas aux tendances, on l’a bien vu avec la mode du joueur allongé derrière le mur lors du coup franc. Si un gardien décide de s’y tester, on pourrait penser que d’autres pourraient suivre le pas. Mais qui est aujourd’hui assez fou pour le faire ? Jérôme Alonzo a sa petite idée : « Dibu Martinez, avec son grain de folie, pourquoi pas. » Quoi qu’il en soit, une absence de murs effacerait une sacrée image d’Épinal associée au football. Les prouesses de Michel Platini dans cet exercice n’auraient certainement pas eu la même saveur. Et puis, que ferait-on de ces mannequins en plastique qui ont vu pendant tant d’années les grands champions répéter leurs gammes ?
C’est officiel, il ne devrait pas y avoir de remontada pour le Real Madrid contre ArsenalPar Evan Glomot
Propos recueillis par EG.