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Les clubs amateurs et les indemnités de formation : entre fierté et nécessité

Par Tristan Pubert
8 minutes

Depuis 2001, les clubs amateurs peuvent bénéficier d’indemnités de formation, en répondant à des critères bien définis par la FIFA. Un mécanisme de solidarité qui permet à de nombreux clubs amateurs de revoir leurs ambitions à la hausse. Mais comment fonctionnent ces indemnités de formation ? Que font les clubs amateurs avec ? Éléments de réponse.

Les clubs amateurs et les indemnités de formation : entre fierté et nécessité

Alors que le mercato a ouvert ses portes depuis quelques semaines, période où chaque rumeur est décortiquée dans les émissions et où les agents et les directeurs sportifs voient leur temps d’écran exploser, certains clubs amateurs suivent également d’un œil avisé les différents mouvements et les potentiels transferts à venir. Quand on dit « certains clubs amateurs », on parle ici de ces clubs que l’on peut qualifier de formateur, autrement dit : ceux qui ont compté dans leurs rangs les actuelles stars du ballon rond. Ayant contribué plus ou moins directement à la réussite de ces derniers, ils peuvent donc bénéficier de la fameuse indemnité de formation. À titre d’exemple, les clubs du FC Chambray (avec le transfert de Yoan Bonny à l’Inter), de l’AS Montchat (Thierno Barry à Everton) ou encore du FC Chartres (transfert d’Adrien Truffert à Bournemouth) vont bénéficier de ces indemnités de formation.

Tant qu’on a encore des joueurs en activité et qui sont passés plus jeunes chez nous, on suit le mercato avec un certain intérêt.

Nordine Djeddi

Alors forcément, le mercato a un parfum spécial pour ces clubs. « On ne va pas se mentir, tant qu’on a encore des joueurs en activité et qui sont passés plus jeunes chez nous, on suit le mercato avec un certain intérêt », avoue Nordine Djeddi. Le trésorier de l’Espérance Paris 19 – qui a notamment signé les premières licences de Moussa Diaby, Amine Harit ou encore Youssouf Fofana, pour ne citer qu’eux – précise que « cela permet d’anticiper le budget, de savoir si on va potentiellement percevoir telle ou telle indemnité dans les prochains mois. » De son côté, Wilfried Fie temporise. « On suit ça sans se prendre trop la tête », estime le président du FC Villiers-le-Bel, qui lui a vu passer Axel Disasi, Mathys Tel ou encore Mike Maignan. Justement, « lorsqu’il y a eu les rumeurs de Maignan à Chelsea, je ne me suis dit pas dit que j’allais l’appeler pour lui mettre la pression en lui disant de signer pour percevoir des indemnités », rassure-t-il.

Du « du beurre dans les épinards » pour les clubs

Depuis 2001, la FIFA a mis en place ce système de solidarité avec les indemnités de formation visant à récompenser les clubs formateurs. Concrètement, comment cela fonctionne ? Pour bénéficier de ces indemnités de formation, le joueur doit avoir au moins joué une saison de ses 12 à ses 21 ans dans le club en question. Le baromètre prend également en considération le nombre de saisons jouées par le joueur au sein du club, sans oublier les catégories (au nombre de 4) qui permettent également d’évaluer la somme qui pourra être perçue par le club formateur. À quel moment les clubs peuvent percevoir ces indemnités de formation/mécanisme de solidarité ? Lors de la signature du premier contrat professionnel du joueur et lors des transferts.

Moussa Diaby et Youssouf Fofana, enfants de l’Espérance Paris 19.
Moussa Diaby et Youssouf Fofana, enfants de l’Espérance Paris 19.

Pour les clubs amateurs, ces indemnités de formation ne sont donc pas négligeables et viennent souvent « mettre du beurre dans les épinards », comme aime le rappeler Wilfried. Le président du FC Villiers-le-Bel ajoute : « Notre club a été créé en 2003, et depuis, la subvention de la ville est toujours la même, autour 36 000 euros. Pourtant, le club a quasiment dix fois plus de licenciés aujourd’hui, aux alentours de 700. Forcément, on ne va pas cracher sur ces indemnités. » Le club du Val-d’Oise a notamment perçu des indemnités pour Axel Disasi et Mike Maignan, qui ont évolué tous les deux au club jusqu’à 15 ans.

Avec Mike Maignan, nous avons reçu des indemnités de formation d’environ 90 000 euros. Elles nous ont permis de financer des nouveaux minibus, mais également d’acheter un but amovible de qualité qui coûtait environ 4 000 euros. Et surtout, on a pu ramener des éducateurs diplômés et de qualité.

Wilfried Fie, président du FC Villers-le-Bel

« Pour un club amateur, c’est un petit coup de pouce aux finances », confirme Nordine Djeddi. Trésorier de l’Espérance Paris 19 depuis 2008, il ajoute : « L’année dernière, quand on a fait les comptes et le budget, on savait que Youssouf Fofana allait signer au Milan. Donc on peut se projeter et se dire qu’on va pouvoir augmenter un peu plus le budget. » Cependant, ces indemnités de formation ne « doivent pas être la priorité » tempère Nordine : « Le jour où il y en a plus, c’est dangereux. En tant que trésorier, je fais très attention à ne pas dépenser n’importe comment. Par exemple, avec l’argent du transfert de Moussa Diaby au Bayer Leverkusen, on a pu de se projeter sur 3-4 ans et assurer les arrières du club. On met de côté de l’argent et on injecte au fur et à mesure, de manière réfléchie, en fonction des besoins. »

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Des sommes conséquentes donc pour ces clubs amateurs, avec lesquelles il est possible d’améliorer le quotidien. « Avant, on était un plus petit club, donc on pouvait financer plus facilement les formations des éducateurs. Mais le club n’a cessé de grandir, et les subventions de la ville n’ont pas forcément suivi. Avec Mike, nous avons reçu des indemnités de formation d’environ 90 000 euros, payées en trois fois, et qui nous a permis de ne pas s’enflammer – et de financer des nouveaux minibus, un but amovible de qualité qui coûtait environ 4 000 euros et surtout, on a pu ramener des éducateurs diplômés et de qualité », argumente Wilfried Fie. Même son de cloche dans le 19e arrondissement de la capitale : « L’année dernière, à la même période, on a reçu la première tranche des indemnités du transfert de Moussa Diaby en Arabie saoudite. Ça nous a permis de financer aussi un contrat d’alternance d’un jeune éducateur qui passe son BMF et une caméra VEO, par exemple », précise Nordine Djeddi.

« Nous ne sommes pas des clubs mercenaires »

Des indemnités de formation qui ont un autre prix : celui de nourrir le sentiment de fierté, celui de bien travailler avec des moyens plus que limités, comme le souligne Wilfried : « Ce qui est marrant, c’est lorsque des équipes viennent jouer chez nous et qu’ils montent à la buvette, ils voient les maillots de Tel, Maignan ou Disasi, ils sont souvent surpris. Les indemnités de formation récompensent le travail réalisé par nos éducateurs et le club de manière générale. C’est une fierté pour le club, les jeunes du club et pour la ville aussi. » En 2023, la FIFA a revu son système de solidarité, entraînant de nombreux problèmes de versements de ces indemnités de formation, comme ce fut le cas notamment du SU Agen, qui n’a pas perçu ses indemnités de formation lors du transfert d’Aymeric Laporte à Al Nassr, à l’été 2023. Un problème qu’a également rencontré l’Espérance Paris 19. « Ça fait trois ans qu’on réclame notre indemnité de formation auprès d’un club qui ne nous les a toujours pas versées. C’est barbant de devoir se battre pour recevoir son dû. On ne peut pas négliger ces sommes », témoigne amèrement Nordine Djeddi. Des indemnités qui tardent à être versées et dont le montant peut varier sans trop d’explications. « Ça nous est déjà arrivé de planifier le budget en se disant qu’on allait recevoir telle somme pour tel transfert et finalement, on reçoit trois fois moins », souligne le trésorier.

Si les clubs comme le FC Villiers-le-Bel et l’Espérance Paris 19 peuvent se targuer d’avoir vu passer dans leurs rangs des internationaux français, il est souvent délicat pour ces clubs de rivaliser avec, non seulement les clubs professionnels, mais aussi et surtout les tops clubs de la région, comme le constate Wilfried : « Quand ils arrivent à un certain âge, les plus gros talents partent vers des clubs qui jouent à un niveau plus élevé. Bien évidemment qu’on aimerait que nos jeunes talents restent au moins une année pour pouvoir ensuite pourquoi pas bénéficier de ces indemnités de formation, il ne faut pas mentir, mais ils ont des rêves et des ambitions, on ne va pas les retenir. Pour le FC Villiers-le-Bel, c’est difficile de rivaliser avec des clubs comme Sarcelles qui ont des équipes U15 ou U17 qui jouent en R1, alors qu’on évolue au niveau départemental. » À titre d’exemple, Mathys Tel a quitté le FC Villiers-le-Bel pour le Paris FC (avant de rejoindre l’INF Clairefontaine) seulement quelques mois avant de souffler ses douze bougies. Autrement dit, le club du 95 n’a pas perçu d’indemnité de formation : « Beaucoup de gens pensent que lors de son transfert au Bayern, on a reçu un gros chèque, mais ce n’est pas le cas », ironise Wilfried.

Alors forcément, de nombreux clubs amateurs ont pris conscience de l’importance de ces indemnités de formation et tentent de garder leurs jeunes talents jusqu’à au moins 12 ans, parfois même de force. Pour Nordine Djeddi, ces pratiques sont inconcevables à l’Espérance : « On ne s’est jamais dit qu’on allait garder un jeune talent jusqu’à 12 ans pour pouvoir potentiellement percevoir par la suite des indemnités de formation. On n’est pas non plus un club qui va aller chercher des joueurs autour de nous pour ensuite percevoir des indemnités de formation, on n’est pas un club de mercenaires. Notre objectif est de bien former les jeunes dès le plus jeune âge. On fait un vrai travail de fond. » Le fond, avant les fonds.

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Par Tristan Pubert

Propos de Wilfried Fie et Nordine Djeddi recueillis par TP.

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