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Le syndrôme des grosses têtes

Par Théo Denmat
Le syndrôme des grosses têtes

Ils étaient grands, ils étaient forts, ils étaient beaux. Le problème, c’est qu’ils le savaient. Comme des séducteurs trahis par la réputation qui les précède, les prétendues « surprises » de l’Euro ont failli face aux humbles. Un échec des grosses têtes qui prouve bien que la taille importe peu.

Quand il ne s’agit pas de Bernard Mabille, on dit souvent de la grosse tête qu’elle débarque sans faire de bruit. « L’air de rien » . Cette année pourtant, la Belgique l’avait vu venir de loin. À la veille de participer à l’Euro 2016, l’air le plus fredonné au pays était évidemment l’hymne officiel des Diables rouges : Dance with the Devils, composé par le groupe Zwartwerk (travail au noir, en vf), dont les membres sont cousins de Romelu Lukaku. Sauf qu’avant même d’être éliminé par le pays de Galles en quarts de finale de la compétition, la chanson cristallisait il y a un mois une tendance déplorée par un article du journal néerlandophone De Morgen : « La Belgique n’est plus elle-même. » À l’époque de la dernière contribution du pays à un Euro, en l’an 2000, les Belges « étaient déjà bien contents de participer à l’organisation du tournoi, et donc de pouvoir y participer « gratuitement » » cite l’article, louant les paroles bon enfant de Allez Belgique 2000, chanson « de fanfare carnavalesque » interprétée par le superbement nommé Grand Jojo. Sauf que cette année… c’est différent : « Nous ne perdrons aucun match, on va faire la fête jusqu’à ce qu’on décroche cette coupe. La coupe, elle est pour nous.[…]Nous ne jouons pas pour la deuxième place. » De Morgen, relayé par le Courrier International, parle même d’un titre « au beat africain et au texte débordant de fanfaronnade. » Certains accusent même l’équipe de France d’avoir sous-estimé sa finale. Mais pourquoi l’Euro 2016 a-t-il été fatal pour les grosses têtes ?

« On a une équipe de superstars »

Trois équipes se sont placées publiquement sous le feu des accusations de boulard : l’Angleterre, la Croatie, et donc la Belgique. Des accusations qui ont d’ailleurs découlé de déclarations d’après-défaite, comme si les bonhommes jugeaient leur élimination imméritée. Thomas Meunier, après l’élimination 3-1 en quarts face au pays de Galles : « On avait un tableau plus que favorable, on devait aller en finale, on ne pouvait pas perdre aujourd’hui. Tout le monde était super confiant, on a une équipe de superstars… Je veux dire, notre équipe, c’est le Real Madrid de 2005, avec Beckham, Zidane, etc. C’est largement comparable. » La série avait connu son épisode 1 quelques jours plus tôt au cours du huitième de finale entre l’Angleterre et l’Islande, alors que le défenseur Kari Arnason racontait avoir entendu Harry Kane demander à l’arbitre à la mi-temps si l’Angleterre « allait vraiment être éliminée si elle perdait » . Pendant que de l’autre côté du terrain, Joe Hart balançait des « Réveillez-vous les gars, il va falloir montrer autre chose en quarts contre la France » … Deux équipes objectivement éliminées face à des petits calibres (historiquement, en tout cas), qui se sont au contraire révélées lors de ces confrontations coupe-gorge. Dernier exemple plus mesuré avec la Croatie, éliminée par l’Espagne au stade des 8es, et cette déclaration d’Ivan Perišić, milieu de terrain de l’équipe à damier : « Aujourd’hui, c’est la meilleure équipe du tournoi qui sort. » Bref, trois équipes à la tête bien fournie et à l’ego puissant, éliminées sur les bases de la vanité du groupe – ou de certains de ses éléments. Jacques Crevoisier, le psychologue du football de haut niveau – aux côtés de Gérard Houllier à Liverpool, par exemple –, se rappelait pour Ouest France début juin d’un souvenir de jeunesse : « En 1974, l’Allemagne a gagné la Coupe du monde devant les Pays-Bas. Helmut Schön a été le premier sélectionneur à prendre en compte la dimension de l’ego. Il avait donc bâti son groupe en ne retenant que les 15 meilleurs joueurs allemands, qui étaient sûrs de jouer. À côté, il avait pris des jeunes ou des gars qui avaient une super mentalité. Ça ne leur faisait rien d’être sur le banc en permanence, c’était son moyen d’éviter les emmerdeurs. »

Paie son Dinard, Coleman

De fait, il est difficile d’avoir la rancune exclusive envers les membres de l’effectif. Le travail des médias y a fait beaucoup, et le journal De Morgen en fait d’ailleurs le constat après une compilation de déclarations ambitieuses de l’équipe : « Les Pays-Bas ont longtemps été une source de complexes pour les générations précédentes de Diables rouges, il n’est plus qu’un détail pour la génération actuelle. Sur le terrain de football, la Belgique est devenue les Pays-Bas. Un pays avec des joueurs pour qui les déclarations grandiloquentes sont la chose la plus normale du monde. » Afin de bien préciser à la manière d’un capitaine de vaisseau dans Wall-E : « Définir grosse tête » . Réponse : « Être vaniteux, se croire plus important ou plus influent qu’on ne l’est. Avoir des prétentions ridicules. » Vaniteux, sûrement. Concernant les prétentions, on peut être plus indulgent, puisque le trio Croatie-Belgique-Angleterre avait probablement les capacités de parvenir à ses objectifs. Mais le blocage des ego est passé par là… Dans son livre Le Pouvoir donne-t-il la grosse tête ?, Laurent Auzoult évoque d’ailleurs le principe des échelles de pouvoir : « Nous nous représentons spontanément le pouvoir comme étant un concept vertical. Il est rare qu’un patron préfère s’installer au rez-de-jardin plutôt qu’au dernier étage de son entreprise ! » La théorie peut certes paraître poussée, mais en jetant un œil aux camps de base du triptyque, voilà ce qu’il ressort : Marcoussis pour le Portugal, Dinard pour le pays de Galles, Annecy-le-Vieux pour l’Islande. En face : Bordeaux pour la Belgique, Chantilly pour les Anglais, et Deauville pour la Croatie. Un hasard… ou pas.

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