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Le jour où Recoba a éclipsé Ronaldo

Par Éric Maggiori
6 minutes
Le jour où Recoba a éclipsé Ronaldo

31 août 1997. Les tifosi de l'Inter sont venus en nombre pour assister aux grands débuts en Serie A de Luis Nazario da Lima, dit Ronaldo. Mais le Brésilien va se faire voler la vedette par un tout jeune Uruguayen qui, lui aussi, foulait pour la première fois les pelouses italiennes.

Jour de célébration à San Siro. Telle une procession religieuse, les fidèles se sont réunis, nombreux, pour assister au baptême de leur nouvel enfant prodige, Ronaldo. Auteur de 47 buts en 49 matchs toutes compétitions confondues lors de la saison 1996-1997 avec le Barça,

Ça faisait 15 jours que tous les journaux étaient au taquet et faisaient monter la sauce. Tout le monde voulait voir Ronaldo.

le Brésilien entre dans une nouvelle dimension avec sa signature à l’Inter, dans ce qui est, à l’époque, le meilleur championnat au monde. Le président Moratti a battu au finish la concurrence de la Lazio, et vient de débourser 51 milliards de lires (l’équivalent de 26,8 millions d’euros), ce qui en fait alors le plus gros transfert de l’histoire. « Il y avait vraiment une énorme attente, rembobine Benoît Cauet, arrivé à l’Inter à l’été 1997, en même temps que Ronaldo. Ça faisait 15 jours que tous les journaux étaient au taquet et faisaient monter la sauce. Tout le monde voulait voir Ronaldo. » Et ce 31 août 1997, après des semaines et des semaines d’attente, les tifosi de l’Inter vont enfin pouvoir voir leur nouvel attaquant à l’œuvre. La victime expiatoire, un promu, se nomme Brescia.

Recrutement XXL

Pour ce premier match de la saison, Gigi Simoni, le coach de l’Inter, aligne un 4-3-3 avec Djorkaeff, Ganz et Ronaldo – ou plutôt Ronaldinho, comme l’appelle encore le commentateur de l’époque – en trio offensif. Le coach, qui s’est fait une réputation sur le banc de la Cremonese,

Ronaldo était déjà confirmé, mais Recoba, tu sentais qu’il avait un potentiel énorme. Il avait toutes les caractéristiques du champion

sort d’une expérience peu convaincante à Naples : il a été viré à quelques journées de la fin, après une série de dix matchs sans victoire. Alors, forcément, à Milan, il est attendu au tournant. Au vu du recrutement estival, le président Moratti a en effet des ambitions. En plus de Ronaldo, le boss nerazzurro a fait venir Taribo West (Auxerre), Luigi Sartor (Vicenza), Diego Simeone (Atlético de Madrid), Francesco Moriero (AS Rome), et une jeune pépite venue du Nacional Montevideo, Álvaro Recoba. De quoi, a priori, réussir à concurrencer la Juventus pour le Scudetto. « On avait fait une préparation lourde, à l’italienne, pendant près de deux mois, replace Cauet. Du coup, j’avais pu voir Ronaldo et Recoba à l’œuvre, on échangeait beaucoup. Ronaldo était déjà confirmé, mais Recoba, tu sentais qu’il avait un potentiel énorme. Il avait toutes les caractéristiques du champion. »

Dès le début de la rencontre, l’Inter met le pied sur le ballon. Chaque touche de balle de Ronaldo est un frisson parcourant les 62 000 tifosi dans les travées de San Siro. Mais les occasions sont rares. Brescia, dont le coach est un certain Giuseppe Materazzi, père du meilleur pote de Zidane, se défend avec ordre et ne concède que peu d’espaces. Quelques occasions sur coups de pied arrêtés, mais le portier bresciano, Giovanni Cervone, veille. À la pause, 0-0. Cauet : « C’était presque inconscient, mais toute l’équipe jouait sur Ronaldo, pensant qu’il pouvait faire la différence. Mais la tactique de Brescia, c’était de limiter les espaces, pour casser nos lignes de passes. Du coup, on a eu très peu d’occasions. »

La barre de Ronaldo, la lucarne de Hübner

En début de seconde période, Ronaldo commence à monter en puissance. Le Brésilien s’offre un premier slalom, ponctué par une frappe du gauche. À côté. Puis il tente sa chance sur coup franc. Tir central, puissant, Cervone s’interpose et dévie du bout des gants sur sa barre. Simoni sent que son équipe patine, alors il décide de changer. À la 70e minute, il fait entrer Álvaro Recoba, 21 ans et une belle coupe au bol à la Mireille Mathieu, à la place de Maurizio Ganz. Mais trois minutes plus tard, coup de froid sur San Siro. Dans la surface de l’Inter, c’est un attaquant de 30 ans qui découvre lui aussi ce jour-là la Serie A (après avoir roulé sa bosse dans les divisions inférieures), qui va jouer les Ronaldo. Il s’appelle Dario Hübner, il a les cheveux frisés et une moustache d’un autre temps, et il va mystifier la défense interista avec un enchaînement contrôle dos au but-reprise de volée, le tout sur un service d’Andrea Pirlo. 1-0 pour Brescia, à un quart d’heure du terme.

Réaction immédiate de Gigi Simoni, qui fait entrer Benoît Cauet. Pour le Français, c’est aussi un

Cette frappe était exceptionnelle, mais ça ne m’a pas du tout surpris : à l’entraînement, pendant tout l’été, il en avait mis des dizaines.

baptême en Serie A. « Le stade était plein, il y avait une grosse ambiance et il fallait récupérer le score, raconte-t-il. C’était l’occasion idéale de montrer que je n’étais pas venu là pour rien. » Et l’ancien Nantais va effectivement sonner la révolte. Deux minutes à peine après être entré en jeu, et sur l’un de ses tout premiers ballons, Cauet accélère sur le côté gauche, crochète, puis sert Recoba. À trente mètres des cages, quasiment sans élan, Il Chino ne se pose pas de questions et déclenche un missile du pied gauche qui vient nettoyer la lunette de Cervone. « Cette frappe était exceptionnelle, mais ça ne m’a pas du tout surpris : à l’entraînement, pendant tout l’été, il en avait mis des dizaines », rigole Cauet. Neuf minutes passées sur les pelouses de Serie A, et déjà un but. Les présentations sont faites. Et ce n’est pas terminé.

Super-héros chinois

Après cette égalisation, l’Inter pousse. Tous continuent de penser que c’est Ronaldo qui va offrir les trois points.

Ronaldo lui a laissé le coup franc. Et je peux vous dire qu’à l’entraînement, le Chino sur les coups francs, il était très, très fort.

Mais l’ancien du PSV, animé par quelques éclairs de génie, ne semble pas encore totalement dans le rythme. Alors, quand l’Inter obtient un coup franc à la 87e minute, à une trentaine de mètres des buts, Ronaldo a la lucidité de laisser le ballon à Recoba. « C’est là que tu vois aussi l’intelligence de Ronnie, atteste Cauet. Il se savait fatigué, et il savait aussi que Recoba avait le pied chaud. Alors il lui a laissé le coup franc. Et je peux vous dire qu’à l’entraînement, le Chino sur les coups francs, il était très, très fort. » La suite appartient à l’histoire. Trois pas d’élan. Et une praline enveloppée qui vient mourir dans l’autre lucarne du malheureux Cervone. En huit minutes, l’Uruguayen s’est offert un doublé retentissant, offrant ainsi la victoire à l’Inter et éclipsant par la même occasion la première de Ronaldo.

Vidéo

Trois jours plus tard, l’Inter entame sa campagne de Coupe d’Italie sur la pelouse de Foggia. Ronaldo est laissé au repos, et Simoni en profite pour titulariser Recoba, cette fois-ci aux côtés de Djorkaeff et Kanu. Un seul but sera marqué lors de cette rencontre : une reprise de volée du gauche de Recoba, qui commence donc sa saison 1997-1998 par trois buts en deux matchs. Cauet, encore : « Il avait commencé très fort, c’est sûr. Mais cette année-là à l’Inter, tu avais une concurrence de dingue avec Ronaldo, Zamorano, Djorkaeff, Ganz… Mais tu sentais quand même qu’il avait un truc, qu’il allait devenir un joueur important de l’Inter à l’avenir. » Recoba ne sera en effet aligné que huit fois sur l’ensemble de la saison en championnat, quasiment jamais en tant que titulaire. Mais il aura tout de même le temps d’inscrire un but du milieu de terrain sur la pelouse d’Empoli. Comme pour rappeler que, même si la star incontestée s’appelait Ronaldo, l’homme des exploits improbables cette saison-là à l’Inter, c’était bien lui.

Brescia perd officiellement son statut professionnel

Par Éric Maggiori

Propos de Benoît Cauet recueillis par EM

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