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Le carnet tactique de PSG-Real

Par Maxime Brigand
Le carnet tactique de PSG-Real

Vainqueur sur le gong d’un Real minimal mardi soir, le PSG a répondu en grand aux doutes nés de sa première partie de saison, et Mauricio Pochettino a récolté les fruits plantés lors de sa préparation méticuleuse des dernières semaines. Voilà une première marche de franchie.

Il faut le voir debout, enfoui dans son caban, fusil chargé et mâchoire fermée à double tour. Voilà des semaines qu’accompagné de ses hommes de main, il ne vit que pour cette nuit, cette tournée de 90 minutes plus lourdes que toutes les 90 minutes portées depuis l’été. Dans un monde normal, Mauricio Pochettino aimerait être jugé sur l’intégralité de son tableau et non sur un coup de pinceau. Problème : le technicien argentin est entraîneur du PSG, ce qui implique un quotidien d’otage dans une bulle où le temps n’a pas de temps pour le temps. Alors, depuis quelques jours, l’Argentin, toujours habité par sa quête d’une « énergie universelle », cherche, comme lors de ses années anglaises, à déposer des citrons un peu partout pour absorber les énergies négatives entourant son effectif. Ce mardi soir est le début de la saison des heures qui font tout basculer et, pour l’occasion, Pochettino a payé l’apéritif durant le week-end dans les colonnes d’El País. Extrait : « L’animation que nous proposerons contre Madrid dépendra de la performance des artistes. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils le feront. On l’a vu contre Lille. Ils aiment bouger. Ce n’est pas une question de vouloir ou de ne pas vouloir. C’est une question de caractéristiques de nos joueurs, qui aiment être décisifs à chaque action. Je ne sais pas si ce phénomène s’est déjà produit dans une autre équipe au monde, mais c’est une belle chose. Il faudrait qu’il suscite un autre type de lecture, d’émotion, de vision. Le PSG a pu le faire et pas seulement parce qu’il a l’argent, mais parce que les joueurs voulaient venir. Il y a des clubs avec une puissance financière qui n’intéressent pas les joueurs. Ici, tout est réuni. On a créé quelque chose de mystique.(…)Ici, tout brille et scintille à merveille. Le défi consiste à faire en sorte que tout fonctionne au mieux. Nous verrons bien. C’est le moment définitif de la saison, nous avons de grands talents, de grands joueurs qui s’épanouissent dans ce genre de défi. Cela les motive. Avec ce talent, nous serons sûrement capables de faire de grandes choses. » Sur les coups de 21h, mardi soir, le rideau se lève.

Vents dans les dos

Il se lève et on comprend rapidement que Pochettino n’a pas bluffé. Le technicien argentin a bien eu raison de croire en la capacité de ses forbans à se hisser à la hauteur du défi proposé par le Real Madrid comme ils ont su le faire au printemps 2021 au Camp Nou et à l’Allianz Arena de Munich. Le PSG n’a même besoin que d’une trentaine de secondes pour prendre les commandes d’une rencontre que le Real démarre pourtant en envoyant Carvajal, Asensio, Modrić et Benzema pousser le côté gauche parisien dans les cordes. Conséquence ? Sans trembler, Presnel Kimpembe renvoie la grenade dans les pieds de Kylian Mbappé, qui se charge de la faire exploser sous le nez de Casemiro à l’aide d’un contrôle orienté vers l’intérieur tout en déclenchant la première transition offensive parisienne de la nuit. Un premier frisson parcourt le Parc, puis un second vient accompagner un tacle réussi par Ángel Di María dans les pieds d’un Ferland Mendy finalement retapé, tout comme Karim Benzema, posé en pointe par un Carlo Ancelotti qui va rapidement dévoiler le plan attendu : un bloc médian-bas, articulé en 4-5-1 et tenu aux extrémités par Asensio et Vinicius, deux hommes chargés de fermer l’intérieur sans ballon et de démarrer leur mobylette pour attaquer le dos des latéraux parisiens à la récupération. « Presser haut, on a plus de mal, le bloc bas nous convient mieux. Ce n’est pas très esthétique, mais notre qualité en attaque rapide est trop importante pour que l’on s’empêche de l’utiliser », se justifiait Ancelotti début janvier dans la foulée de la victoire du Real en demi-finales de la Supercoupe d’Espagne face au Barça.

Ce qui a débouché sur la première phase du soir : entre la 5e et la 40e minute, le PSG a enfermé le Real dans son camp, tenu le ballon 70% du temps et le leader de Liga a plusieurs fois toussé entre les lignes tout en se montrant incapable de se sortir des mailles posées par la bande à Pochettino alors qu’il a parfois été impossible à presser par le passé. Lionel Messi a notamment eu un rôle central en se baladant avec une cape de quatrième milieu plutôt qu’avec une casquette de troisième attaquant. Du haut de cette fonction, l’Argentin s’est amusé à créer des supériorités numériques face au milieu à trois têtes du Real, à s’associer avec un Verratti encore solaire (6 passes clés, 5 dribbles réussis, 3 tacles, entre autres) et un Paredes patron, mais aussi à sortir comme à son habitude de la densité pour mieux rentrer à l’intérieur et arroser avec son pied gauche. Tout au long du premier acte, les Madrilènes, qui ont mis plus de 35 minutes à approcher la surface parisienne, ont alors explosé sur l’une de leurs failles principales : le dos de leurs relayeurs, Kroos et Modrić, une zone largement exploitée par le PSG via Di María, Verratti et Messi, trois ampoules toujours allumées dans les intervalles adverses là où Nuno Mendes et Achraf Hakimi ont animé avec variété les couloirs extérieurs.

La map des 60 ballons touchés – seuls Paredes et Verratti en ont touché plus sur cette période – par Messi lors des 45 premières minutes. On peut bien y voir les nombreux décrochages de l’Argentin pour engendrer des supériorités numériques et sa zone préférentielle (le demi-espace droit) pour sortir de la densité.

La fameuse zone d’où Messi, ici décalé par Danilo, a principalement démarré ses mouvements mardi soir. Au bout de cette séquence, Mbappé va offrir sa première danse du soir à Carvajal et trouver Di María en retrait pour une frappe au-dessus.

En sortant de la densité, Messi a pu faire parler la qualité de son pied : ici, son ouverture va retomber sur Kylian Mbappé, qui va ensuite buter sur Courtois.

Premier exemple de passe trouvée par le PSG derrière le dos des relayeurs madrilènes : non pressé par Benzema, Marquinhos profite de la sortie de Kroos sur Paredes pour toucher le dos du milieu allemand où Ángel Di María est venu se glisser.

Autre situation de l’autre côté : sur cette séquence, Carvajal sort en retard sur Nuno Mendes, qui peut lancer Verratti dans le dos d’un Modrić assez naïf…

Tout au long de la première période, les exemples se sont enchaînés, ici Messi trouve Verratti…

… là Verratti touche Messi…

… ou encore ici Kimpembe peut trouver Messi.

L’autre marqueur de la première période, traversée de peu de phases de transitions et bouclée par cinq minutes un peu plus flottantes où Casemiro a placé une tête à côté sur corner, a été la faculté qu’a eue le PSG d’imposer sa physionomie de match en allant chasser des ballons dans le camp du Real. Deux faits : aucun adversaire n’avait réussi autant de pressions* face aux Espagnols cette saison (35,4%) et on n’avait pas vu les Parisiens sortir les griffes de la sorte depuis un succès à Lyon en mars 2021 (209 pressions, dont 78 dans le tiers de terrain défendu par le Real). Pour y arriver, plusieurs mécanismes ont été mis en place : des prises à deux sur Ferland Mendy pour l’empêcher de jouer de son ambidextrie, un pressing orienté pour forcer la relance madrilène sur un côté et ainsi mieux la tuer dans l’œuf, de la densification de zone pour favoriser un contre-pressing efficace, des sorties hautes de Marquinhos pour suivre à la trace les décrochages de Benzema, un Messi reculé pour contrôler l’accès à Casemiro, l’installation de Danilo en relayeur droit hybride devenant troisième central pour couvrir les montées de Hakimi et être en marquage préventif sur Vinicius Junior… Certains éléments ont été travaillés lors de la victoire à Lille (1-5) et les 45 premières minutes sont avant tout venues récompenser la fabrication patiente, point par point, du plan de Pochettino depuis le début de l’année 2022. Le Real a aussi été complice de la bonne attitude parisienne en rendant rapidement de nombreux ballons et en tombant dans la caricature sur les lancements à répétition vers Vinicius (7e, 9e, 17e, 27e), tous facilement absorbés par Hakimi, Danilo et Marquinhos. En feu depuis le début de la saison, la torche brésilienne a été éteinte au Parc (aucun dribble réussi, plusieurs mauvais choix).

Exemple de prise à deux sur Ferland Mendy : ainsi, le Français, déjà pris sur son pied gauche, ne peut sortir de la pression avec son pied droit.

À noter aussi : la capacité du PSG à orienter la relance du Real sur un côté. Ici, la course arrondie de Di María pousse Courtois à sortir avec Militão…

… Mbappé va alors suivre l’effort collectif, soutenu par Mendes à l’intérieur…

… tout le PSG défend en avançant : relance coupée par Paredes.

Autre situation : ici, le PSG va densifier une zone avec ballon et se couvrir d’une potentielle perte…

… La preuve : dès le ballon perdu, le PSG sort en avançant…

… le Real va reculer, et Courtois va être poussé à une relance en touche.

Même situation une grosse dizaine de minutes plus tard sur une passe vers Modrić, que Verratti va intercepter.

Le même Verratti que l’on a aussi vu briller dans ses tacles (3 réussis par le milieu italien mardi soir).

Enfin, évidemment : le rôle de Danilo, ici sans ballon, pour aider le PSG à défendre haut et à couvrir les démarrages de Vinicius. On peut aussi noter sur séquence le repli de Messi pour compenser et garder l’égalité numérique au milieu…

… et ici avec ballon : alors que Kimpembe est sorti balle au pied pour écarter vers Hakimi, Danilo joue la prudence et couvre pour casser en amont une potentielle transition offensive pour le Real.

Cible de fléchettes et explosion

Au retour des vestiaires, alors que les supporters madrilènes ont certainement espéré une rupture : surprise – ou pas, si l’on part du principe qu’avec la suppression de la règle du but à l’extérieur, le Real était avant tout venu à Paris pour s’en tirer avec un 0-0 -, les visiteurs n’ont offert aucune nuance à leur plan. Tout sauf à l’aise pour imposer un pressing constant, le monstre à treize C1 a refusé de s’ouvrir, notamment par peur de s’exposer au renard d’espaces qu’est Kylian Mbappé. Mardi soir, le Français, qui a fini la rencontre côté droit, n’a cessé de s’adapter aux nombreux déplacements de Messi et de faire des différences pour faire de plus en plus reculer le bloc défensif du Real. Le PSG, lui, a continué de tenir le volant de la rencontre en augmentant le curseur intensité et sa proie, tenue à bout de bras par le bélier Militão et par la science des trajectoires d’Alaba, n’a fait que résister entre les balles (15 frappes tentées par les Parisiens en seconde période contre 2 pour les Madrilènes) et n’a jamais réussi à trouver de l’oxygène pour sortir les ballons, Di María maintenant par exemple sa grosse activité défensive (42 pressions, record du match côté PSG devant Verratti et Hakimi). Achraf Hakimi, lassé de voir chaque circuit déboucher loin de lui – ce que l’on peut expliquer par la recherche permanente de diagonales de Messi et Di María (Neymar en cherche davantage en direction d’Hakimi), mais aussi la présence à gauche du géomètre Verratti et des poumons d’un Nuno Mendes prometteur -, s’est alors offert un plaisir en se transformant en tremplin pour Mbappé cinq minutes après les citrons. Thibaut Courtois, de son côté, a été poussé à sortir les élastiques pour sauver la Maison-Blanche et a vécu vingt minutes dans la peau d’une cible de fléchettes, repoussant au passage un penalty d’un Messi qui, malgré quelques bonnes idées, aura pris plusieurs murs dans les trente derniers mètres adverses.

En laissant de nouveau son milieu s’organiser librement, Carlo Ancelotti a fini par payer les trous parfois laissés par son équipe et a assisté à une presque première cette saison : cette fois, un adversaire, qui s’est progressivement décidé à varier les rythmes, a eu de quoi punir la nature de son Real, souvent sauvé par sa réussite excessive dans les deux surfaces depuis le début d’exercice. Toni Kroos, qui n’a jamais pu sortir son costume habituel d’archer reculé, a même plongé physiquement et on se dit que Federico Valverde aurait pu remplacer un poil plus tôt un Luka Modrić qui a vite atteint son point de rupture. Le dernier quart d’heure a alors vu Neymar prendre la main de Messi et Mbappé dans un losange, puis le Brésilien injecter de la folie sous le nez d’un duo Verratti-Paredes capable, sous le souffle de l’événement, d’ouvrir des fenêtres aux quatre coins du gazon.

Séquence modèle de ce que l’on pourrait voir au retour au Bernabéu : Messi, en position de meneur, trouve Neymar…

… dos au jeu, le Brésilien s’appuie et fait sortir Carvajal, alors que Mbappé commence son appel entre les deux centraux du Real…

… malheureusement, Messi va être légèrement trop pressé sur le mouvement, Neymar ayant enclenché un appel au second poteau pour profiter de celui réalisé au premier par Mbappé.

À la 90e minute, alors que le Real Madrid, qui devra disputer la manche retour sans Casemiro et Mendy, pensait tenir un nul intéressant, un joueur « pas comme les autres » (Danilo), qui aurait pu boucler la première période avec un but et une passe décisive, a surgi pour finalement foutre le bordel et gagner son duel avec Courtois pour faire exploser le Parc. Son nom ? Kylian Mbappé, évidemment. Mauricio Pochettino, qui peut aussi être satisfait de la prestation précieuse au pied de Donnarumma et être rassuré par la forme de Neymar (qu’on peut fantasmer en faux 9 au Bernabéu dans le rôle tenu par Messi mardi soir ?), a pu s’avancer face à un micro et lâcher : « Nous avons coupé les circuits de passes collectifs que crée le Real. Nous avons récupéré beaucoup de ballons dans le camp adverse. Nous avons forcé le Real Madrid à jouer long. Ensuite, à la récupération, nous étions en bonne position pour contrôler le match. Pour simplifier, je crois qu’il nous a manqué un peu plus d’agressivité dans le dernier tiers, un peu plus de présence, une meilleure lecture des espaces pour savoir quand attaquer. Mais d’une manière générale, il faut être satisfait parce que j’ai trouvé que c’était une bonne prestation.(…) Nous avons pris des risques que nous avons bien compensés dans les différentes situations. Nous avons empêché le Real Madrid de construire et de créer le danger. Finalement, ils n’y sont arrivés que très peu de fois. » Le shérif de Murphy peut ranger son colt : ses artistes ont répondu au défi.

Dans cet article :
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Par Maxime Brigand

* : une pression est considérée comme réussie quand le ballon est récupéré dans les cinq secondes suivant la pression.

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