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L’Angleterre, le Brexit et le gros Sam

Par Thomas Andrei
7 minutes
L’Angleterre, le Brexit et le gros Sam

Suite à la déroute de Roy Hodgson, les supporters anglais espéraient du lourd. À la place d’Arsène Wenger, ils se retrouvent pourtant avec Sam Allardyce, symbole de l’Angleterre du milieu. Et si ce n’était pas une si mauvaise idée ?

Le lendemain du vote du Brexit, l’Angleterre du haut s’affole. Courtiers de la City, et lecteurs du Guardian n’en reviennent pas. Dans leur monde, personne n’avait vu le vote leave se profiler. Dans la rue, le son de cloche est différent. Près de l’Emirates Stadium, Nick vide des demis dans un pub Wetherspoon, chaîne de bars connue pour ses moquettes vives et ses prix très bas. Il philosophe : « L’un des côtés fun du football c’est de voir les styles de jeu des différents pays. Voir comment les Allemands jouent et comment un autre style de jeu peut les battre. Si cela devient totalement international, tu perds cette dimension » . Non loin, Julie et Clint, un couple de retraités de Stoke-on-Trent raconte avoir opté pour la sortie. Pour le bien du pays, mais aussi de son football : « On était beaucoup plus performants avant d’intégrer l’UE. Et regarde maintenant. Je pense qu’on doit retourner à la manière de jouer qu’on avait dans le passé. Retourner aux racines » .

Si la logique est suivie, Nick, Julie et Clint ont sans doute accueilli avec gaieté la nomination de Sam Allardyce à la tête des Three Lions. Big Sam, sa machoire carrée, sa panse tendue et sa carrière de joueur dans la boue, c’est l’Angleterre. Pas celle des romans victoriens et des services à thé en porcelaine. L’Angleterre de Hercule Poirot, c’était plutôt Roy Hodgson : polyglotte, amateur de whisky et de Philip Roth. Le gros Sam, c’est l’Angleterre moyenne. L’Angleterre du Brexit.

Fish fingers, coup de foudre et sacs de golf

Le Brexit, tout le monde le voyait venir à Dudley, West Midlands. La cité natale du petit Samuel a décidé de larguer les amarres à une écrasante majorité, tout comme Bolton, Blackpool, Blackburn et Sunderland, villes figurant toutes au CV de manager d’Allardyce. Si hormis quatre récentes années à West Ham, Big Sam traîne son mètre 91 dans l’Angleterre industrielle, c’est parce qu’il y est chez lui. Pure produit de la working class, celui qui est aujourd’hui connu pour célébrer ses victoires à coups de fish fingers grandit dans un HLM de la cité d’Old Park Farm, sans frigo ni chauffage central. Sa mère, occupée par ses trois enfants, fabrique des sacs de golf à mi-temps pendant que le père, sergent de police, file tout droit au pub après le service. Un paternel absent qui semble pourtant avoir forgé le caractère besogneux du nouveau boss anglais qui balançait au Mirror : « Mon vieux a toujours dit que tout s’obtient par le travail. L’intelligence, le niveau d’éducation, ça importe peu. Tu y arriveras seulement en travaillant » . Sévère, Allardyce senior ne cache pas son dépit lorsque le fiston échoue à tous ses exams. Dans le même article du Mirror, l’entraîneur raconte : « Mon père a été policier pendant 25 ans et m’a appris la discipline. N’importe quel problème dans le quartier, c’était toujours Bob Allardyce qui le réglait. La discipline, c’était tout. » Ce que ni Bob ni personne ne savait, c’est que Samuel était dyslexique, une bonne explication de ses échecs à répétition. Entre le lit et le comptoir, Bob trouve quand même le temps d’amener son fils au stade. Sa première fois, un match de Wolverhampton à Molineux est un coup de foudre. Samuel est décidé : il deviendra footballeur professionnel.

Intervention divine

Après quinze ans à Bolton, Allardyce passe les années 80 en mercenaire des bas fonds. À 38 ans, en quatrième division, Big Sam et sa moustache noire postulent pour divers postes d’entraîneur. À West Brom, il dirige sa première équipe, tout en évoluant avec la réserve. Viré en 91, il se retrouve sur le carreau et ne devra la suite de sa carrière qu’à une intervention divine. Dans son autobiographie, il raconte : « Un soir, le téléphone sonne :  » Bonjour Sam, c’est Father Joe Young.  » J’ai répondu  » Piss off » . Je n’étais pas d’humeur pour des plaisanteries » . Sauf qu’il ne s’agit pas d’une blague. Joe Young est réellement prêtre, dans un quartier pauvre de Limerick, la troisième ville irlandaise en matière de population. Également président du club local, il souhaite engager Sam Allardyce comme entraîneur-joueur, qui y passera un an. Les locaux sont sommaires : une douche, un terrain et un vieux bar. Malgré la remontée du club en première division, Big Sam s’envole prendre un intérim à Preston North End. Comme pendant ses années de joueur, Sam a la bougeotte et ne passe pour un temps pas plus de deux saisons chez ses employeurs. Puis, en 1999, il retrouve Bolton : son seul véritable amour professionnel.

Chez les Wanderers, Allardyce connaît d’entrée de jeu une demi-finale de Cup et accède à la Premier League en 2001. En mettant le paquet sur les installations, Bolton se donne les moyens d’attirer des noms ronflants. Passerons entre autres au Reebok Stadium Jay-Jay Okocha, Youri Djorkaeff et Nicolas Anelka. Sans jamais vraiment briller dans le jeu, le gros Sam obtient des résultats. Adepte d’un 3-5-2 de combat, souvent accusé de se contenter d’un bon vieux kick and rush, Allardyce fait de Bolton une équipe de première partie de tableau. Entre les saisons 2003-2004 et 2006-2008, le club de la banlieue de Manchester finit aux 6es, 7es et 8es places. Débarqué à Bolton en 2006, l’ancien marseillais Abdoulaye Meïté se souvient d’un entraîneur aimant : « Dès mon arrivée, il m’a dit que je ne devais penser qu’au football. Le reste, il s’en chargeait. C’est un manager qui te met dans des conditions optimales. Il te fait confiance, vous laisse une certaine liberté. Il montre qu’il est prêt à aller à la guerre avec toi. Du coup, on est prêt à tout pour lui » . Sans aller jusqu’au câlin type Jürgen Klopp, Big Sam se fait respecter par l’amour, en choyant ses joueurs. En juin dernier, les propos donnés au Guardian d’Aaron Creswell, latéral gauche de West Ham, confirme cette tendance : « Il était fantastique avec moi et les autres vous diront pareil. Il vous fait travailler vos faiblesses et essaie de vous faire progresser tous les jours » .

Une boîte de baked beans

Redonner confiance à des joueurs qui dès la tunique de l’Angleterre enfilée semblent perdre leur moyens, c’est bien l’une des missions du nouveau sélectionneur. Dès sa nomination, Martin Glenn, directeur général de la FA expliquait : « On a cherché trois choses : du caractère, un sens tactique et quelqu’un qui inspire les joueurs » . En plus de ça, la FA a au moins compris une chose : une équipe qui veut réussir a besoin d’une identité forte, d’une âme. Des qualités que Sam Allardyce a su insuffler à ses escouades au long de sa carrière. En réalité, l’ancien coach de West Ham était surtout la seule option disponible, après le refus d’Arsène Wenger et la faiblesse des autres candidats. Jürgen Klinsmann et Steve Bruce étant les deux stars du casting. Valeur sûre de Premier League, Allardyce, passé rapidement par la Floride durant sa carrière de joueur est aussi connu pour donner une grande place aux statistiques et à la récupération. Une obsession qui a permis à des grognards comme Kevin Nolan ou Jermain Defoe de jouer à leur meilleur niveau pendant leurs vieux jours.

Mieux encore, Big Sam a beau être le roi des clubs anglais poisseux, il n’a jamais connu la relégation. Après tout, l’Angleterre, n’a pas atteint les quarts de finale d’un grand tournoi depuis dix ans. Elle n’est en somme plus une équipe qui joue le titre. Au niveau international, l’Angleterre est un ancien club prestigieux qui joue le maintien, en rêvant d’un coup d’éclat. Et ça, Big Sam sait faire. Après le Brexit, une photo de délicieux mets européens disposés sur un coin de table faisait le tour des réseaux sociaux. De l’autre côté, une simple boîte de baked beans Heinz entamée symbolisait la faiblesse nouvelle du Royaume Uni. Mais toute personne ayant déjà ingurgité une boîte d’haricots en sauce un lendemain de soirée connaît la puissance magique du produit sur une gueule de bois. Big Sam, ce sera peut-être cette boîte de baked beans dont personne n’attend rien et qui finit par sauver la journée.

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