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L’Amourinho dure trois ans

Par William Pereira
L’Amourinho dure trois ans

Il était revenu à Chelsea pour en devenir le Sir Alex Ferguson, José Mourinho repart finalement au bout de deux ans et demi, viré comme lors de son premier mandat à Stamford Bridge. Plus qu’une reconversion en entraîneur de long terme ratée, cet échec est l’ultime preuve qu’avec José, l’amour dure (moins de) trois ans.

Il avait quitté Santiago Bernabéu et retrouvé Stamford Bridge le cœur léger. José était tellement heureux de retourner à Chelsea qu’il en avait même pondu un discours d’arrivée presque touchant. « Je suis leHappy One. Le temps passe. On dirait que cela fait quelques jours (que j’ai signé pour la première fois), mais ça fait déjà neuf ans. J’ai la même personnalité, je suis la même personne, mon métier me passionne toujours autant et me procure beaucoup d’émotions, mais en même temps, je suis une personne différente. » Était-ce sincère ? Peut-être. Peut-être pas. Ce que fait ou dit Mourinho est toujours mûrement réfléchi. Et il ne fait aucun doute que cette tirade philosophique de comptoir sur le temps qui passe était annonciatrice d’un grand changement. Le Special One, celui qui gagnait tout sur deux ou trois ans, maximum, allait laisser place à un nouveau coach, plus patient, plus calme, moins provocateur.

Un homme qui resterait dix, peut-être 20 ans sur le banc, à l’image de ce que Sir Alex Ferguson, son idole secrète, a réalisé avec Manchester United. Le Portugais sait qu’il a réalisé des prouesses, qu’il restera, quoi qu’il en soit, dans l’histoire. Mais il en voulait plus. Il souhaitait, en retournant à Chelsea, montrer à tout le monde qu’il pouvait changer et évoluer dans un autre registre. Abramovitch lui avait même promis qu’il aurait du temps, que ses premières saisons lui serviraient de base pour son ambitieux projet pour les Blues. Plus que la patience du boss, c’est celle des supporters que le Mou a achetée avec ces mots. Pour preuve, sa première saison, vierge de tout titre, ne lui vaut quasiment aucune critique. Finir l’année fondatrice avec 82 points à quatre unités de City laissait présager le meilleur pour l’exercice suivant. Et le meilleur arriva un peu plus tôt que prévu. Incarné par la recrue Diego Costa en feu, Chelsea marche sur la Premier League et joue très bien. Oui, pour la première fois depuis des lustres, peut-être depuis Porto, une équipe du Special One avait un projet de jeu stable qui ne prenait que très peu en compte les caractéristiques de l’adversaire. La métamorphose du Lusitanien était en route, et rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Rien, à part José lui-même.

En 2015, retour en arrière

29 novembre 2010. Le FC Barcelone roule sur le Real Madrid. Humilié, le Mou n’abordera plus jamais le Clásico de la même manière et ira jusqu’à élaborer une stratégie anti-Barça. De la même manière, l’entraîneur des Blues est ressorti traumatisé de la défaite 5-3 face à Tottenham le 1er janvier 2015. Non pas qu’il se soit mis à nourrir une rancœur sans égal envers les Spurs, il s’est sans doute revu au Camp Nou, cinq ans plus tôt. Si sa formation n’était pas si enjouée, si optimiste, peut-être n’aurait-elle pas pris aussi cher. Surtout, ce Boxing Day foiré a eu pour conséquence de remettre en cause tout ce qu’il avait mis en place jusque-là. Et si ce projet de jeu séduisant n’était qu’un vaste mensonge de José envers Mourinho ? Le seul projet qu’il a jamais eu jusqu’ici était la victoire. Malgré son désir d’évoluer, sa peur de l’échec a eu raison du Happy One.

Avec autant d’avance en Premier League, il était inconcevable de prendre le risque de tout perdre pour ses idéaux. Surtout pas après son échec à Madrid. Sa réputation était en jeu. Adieu l’évolution, donc, re-bonjour la soif de victoire. On ne saura jamais si ce changement de cap a offert championnat et League Cup aux Londoniens, mais il est certain que c’est de sa faute si le PSG est venu arracher son ticket pour les quarts de la C1 à dix contre onze. C’est également cette formule qui éreinte tant physiquement que mentalement ses équipes. Courir, attaquer, se replacer, suivre religieusement les consignes défensives, encore courir, gagner. Être obligé de gagner coûte que coûte. Hormis pour quelques surdoués de l’effort, cette recherche de la victoire sans saveur est aussi vide de sens que lassante au bout d’un certain temps, surtout pour les attaquants avides de ballons et donc de jeu. Cristiano Ronaldo, Eden Hazard et même Diego Costa, réputé pour sa combativité, tous ont fini par dire « stop » et lâcher celui qui réussit aussi bien à mettre un vestiaire dans sa poche qu’à le retourner contre lui.

Renouveler ses équipes pour durer

José Mourinho a bien eu raison de tenter d’évoluer. Quelque chose ne tourne plus rond dans sa méthode. Mais d’un autre côté, son deuxième passage à Chelsea n’est-il pas la preuve de son incapacité à travailler sur le long terme ? L’orgueilleux Mou ne devrait-il pas se résigner à durer trois ans ? Pour s’inscrire dans la durée, le Portugais devrait apprendre la patience, devrait accepter la défaite, devrait laisser les jeunes joueurs s’exprimer et faire les erreurs vitales à leur progression. Bref, il devrait s’imprégner de valeurs nouvelles. Sauf que le néo-chômeur a 52 ans, pas 18, ou 20. Tout reprendre à zéro lui prendrait beaucoup de temps, pour ne pas dire le reste de sa vie. Non, le Mou ne doit pas jouer contre-nature. La seule manière pour lui de s’inscrire sur le long terme serait de renouveler son effectif de manière drastique, et ce, régulièrement, afin d’éviter la fameuse chute émotionnelle dont sont victimes ses joueurs au bout de deux saisons.

Un tel schéma serait évidemment invivable, car trop coûteux. L’ami José semble définitivement condamné à rester enfermé dans sa condition de super coach à qui l’on propose des missions sur le très court terme et dont le seul objectif est de gagner. Des championnats, des coupes nationales, des Supercoupes, des Coupes d’Europe, peu importe. Jamais il n’échouera complètement, car il est un génie pragmatique. Il s’en sortira toujours avec au moins un trophée, car il connaît par cœur le chemin menant au succès rapide. Et il sait désormais que celui-ci est incompatible avec un projet sportif de longue haleine. Pour ses joueurs, mais aussi pour lui-même. Car comme au crépuscule de son aventure merengue, le Special One a le teint livide et des cernes grosses comme ça. En cette fin 2015, il n’est plus que le Tired One. Reste à savoir s’il prendra le temps de se reposer pour revenir plus fort.

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