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Le Neom SC, le club ambitieux d’une ville fantôme
Fraîchement débarqué en Saudi Pro League, le Neom SC d’Alexandre Lacazette et Christophe Galtier nourrit de grandes ambitions. Tout en tentant de sauver la face de l’énième projet pharaonique de l’Arabie saoudite, The Line, qui ressemble pour l’instant davantage à un échec qu’à une prouesse, avec une ville toujours fantôme.

« Notre engagement à livrer la ville de Neom à l’horizon 2030 reste résolu. » En 2022, le prince héritier de l’Arabie saoudite Mohamed Ben Salmane rappelait sa détermination à ne pas abandonner son projet « The Line », une ville futuriste de 170 kilomètres de long construite au cœur du désert dans la province de Tabuk, au sud de la Jordanie et au bord de la mer Rouge. Sauf que trois ans plus tard, les retards se sont accumulés et les scandales ont éclaté au grand jour. D’après une enquête du Wall Street Journal publiée fin 2024, des tentatives de meurtre, des viols et des agressions auraient eu lieu sur le chantier. Les prix de la construction, des centaines de milliards de dollars, ont aussi été sous-estimés, obligeant la monarchie saoudienne, dépendante de ses revenus pétroliers, à réduire les dimensions de la ville à… 2,4 kilomètres, une superficie ridiculement basse à côté de celle annoncée en grande pompe. Au milieu de ce marasme, le Neom Sports Club émerge pour incarner le nouveau visage de ce projet foireux.
Pour réécrire le récit de son projet The Line, l’Arabie saoudite doit construire un club de foot avec, comme porte-étendard, des joueurs connus du monde du football.
Promu en Saudi Pro League cette saison, le club a signé plusieurs têtes connues de notre bonne vieille Ligue 1 pendant ce mercato estival. Christophe Galtier sur le banc, Marcin Bulka de Nice, Amadou Koné de Reims et évidemment le général Alexandre Lacazette, arrivé libre de Lyon. « Le projet Neom annoncé au départ ne sera pas réalisé comme espéré, confirme Raphaël Le Magoariec, géopolitologue spécialiste des pays du Golfe. Pour réécrire le récit de son projet The Line, l’Arabie saoudite doit donc construire un club de foot avec, comme porte-étendard, des joueurs connus du monde du football. » Grâce à l’argent du PIF, le fonds public d’investissement d’Arabie saoudite estimé à 925 milliards en actifs, Neom balance les liasses de billets pour façonner une équipe de football new look, capable de rivaliser avec les poids lourds du championnat saoudien (Al-Ittihad, Al-Ahli, Al-Hilal et Al-Nassr). Avec ces achats, un objectif : permettre au projet de la ville futuriste de revenir à la une de l’actualité grâce à l’écho médiatique du football.
L’argent, un point c’est tout
Sauf qu’actuellement, seul l’argent peut attirer les vedettes au Neom Sports Club. Une institution sans véritable histoire puisque sa création remonte à… 2023, année lors de laquelle le PIF a racheté Al Suqoor pour implanter son nouveau joujou. Ce club modeste, situé dans la ville de Tabuk, à 150 kilomètres du chantier, et habitué à végéter dans les divisions inférieures, a disparu pour laisser place au nouveau mastodonte du football saoudien. Le club existe, il recrute en masse, mais il n’est toujours pas installé dans sa ville éponyme. « Tant que la ville n’est pas construite et qu’elle ne peut pas accueillir de supporters, le club ne s’établit pas. Personne ne peut approcher la cité de Neom aujourd’hui. C’est un mirage. »
La faute à la lente avancée des chantiers, notamment celui du stade prévu pour accueillir des rencontres de la Coupe du monde 2034. Résultat : la formation de Christophe Galtier évoluera une saison de plus dans un stade vieillot de seulement 12 000 places à Tabuk. « Une ville de la périphérie qui n’a rien à voir avec les grandes villes modernes saoudiennes comme Djeddah ou Riyad où sont établis certains clubs du championnat », précise Raphaël Le Magoariec. Bien qu’un groupe d’ultra ait été fondé, la ferveur populaire peine aussi à se développer à l’échelle locale.
يوم جديد 🆕 إلى التمرين 👏🏻#نادي_نيوم_الرياضي pic.twitter.com/ARBv80T2mF
— نادي نيوم الرياضي (@NEOMSportsClub) July 24, 2025
Face à cette ribambelle de problèmes, le Neom Sports Club reste ambitieux. La direction du club espère jouer les trouble-fêtes dans le championnat saoudien pour participer à la prochaine Coupe du monde des clubs en 2029. Afin d’atteindre ces objectifs, Neom dispose de tous les moyens. « Mohamed Ben Salmane est l’architecte de ce projet. S’il faut, il déboursera des dizaines de millions de dollars dans le club pour que l’opinion publique passe à côté des polémiques du chantier grâce aux performances du club », rappelle Kevin Vayssière, fondateur du média FC Geopolitics. Malgré sa volonté de sauver la baraque en investissant dans le ballon rond, MBS et sa clique paient déjà les conséquences de leurs folles annonces de 2022. Trois ans plus tard, les faits n’ont pas suivi les déclarations et les polémiques autour de Neom ternissent le rayonnement de l’Arabie saoudite, essentiellement dans le monde occidental, mais aussi chez ses voisins rivaux qataris et émiratis, eux aussi engagés dans une course aux projets pharaoniques pour alimenter leur soft power.
La finition à régler
Pire encore, ce flop remet en cause la capacité du royaume à assumer ses ambitions. À neuf ans de la Coupe du monde 2034, les observateurs du monde entier s’interrogent sur la capacité de Ben Salmane à tenir l’ensemble de ses promesses, entre autres la réalisation des infrastructures dans les délais comme le fameux stade de Neom. De plus, les affaires sur les chantiers révélées par le Wall Street Journal rappellent les scandales liés au Mondial 2022 au Qatar.
À l’échelle nationale, ce raté questionne aussi l’avenir économique du pays. Si l’Arabie saoudite n’est pas capable de mener à bien ses projets sans le football et le sport en général, elle risque de s’asseoir rapidement sur le banc des remplaçants. « La Saudi Pro League et un club comme Neom ont la mission de favoriser la libéralisation économique. Pour autant, le football ne doit pas être le seul secteur qui varie les sources de revenus du pays », étaye Raphaël Le Magoariec. Sans une diversification de l’économie plus large, la monarchie pourrait foncer à sa perte quand les réserves de pétrole seront épuisées. En lançant le projet Neom pour l’horizon 2030, les Saoudiens souhaitaient ouvrir une nouvelle place forte de l’économie du pays qui devait faciliter cette transition post-hydrocarbures. La première mi-temps de l’opération est pour l’instant ratée. Il reste du temps, beaucoup d’argent et un rendez-vous à prendre en 2030 pour savoir si Neom sera devenu une place forte du football saoudien et, surtout, une ville plus qu’un mirage.
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Propos recueillis par MBC