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La vie à l’ombre des géants belges

Par Florent Caffery, à Seraing, Saint-Trond et Malines
La vie à l’ombre des géants belges

À Malines, Saint-Trond et Seraing, on sait d’avance que le titre de champion ne sera pas pour soi. Mais il n’y a pas que les grosses cylindrées dans la vie. Entre frites, bières, désertion de certains stades et culture locale exacerbée, virée, le temps d'un week-end, sur des terrains belges où l’on ne porte pas un maillot du Standard ou d’Anderlecht.

Steve est un homme pressé. Sur sa bicyclette, suivi de près par sa compagne, le Malinois s’engouffre dans une ruelle perpendiculaire à la Liersesteenweg, aux caractéristiques d’un coupe-gorge sans en être un. Rapidement, le quinquagénaire, écharpe sang et or nouée autour du cou, prend le virage à gauche devant la friterie, récupère son accès parking et attache solidement son vélo au milieu de la centaine d’autres. En arrière-plan, le stade Argos Achter de Kazerne est déjà bien garni, l’Union Saint-Gilloise est au programme. « On n’a pas trop le temps, il faut rentrer. »

Même pas le temps d’évoquer le choix de la bicyclette pour se rendre au stade ? « C’est juste normal ici, vous verrez, le parking sera plein ce soir. » Certains ont des dizaines d’étiquettes du parking accrochées à leur guidon, signe d’une fidélité XXL. « Ça a du charme de ne pas les enlever », glisse un ancien, pendant qu’une trentaine d’ultras du groupe 25/7 déboulent dans le goulot débouchant sur l’une des quatre entrées du stade. « Beaucoup de gens nous envient notre ferveur, s’enorgueillit Kévin, à l’accent français peaufiné. Mon pote a quitté ses vacances en famille à Center Parcs pour être ici ce soir. Malines, c’est le peuple, et après un an et demi sans stade plein, ça va être bouillant, au moins 12 000 personnes. »

La fameuse rue de la Boverie

Même pays, autre province. À 200 bornes de là, en Wallonie, Seraing, dans la banlieue liégeoise. Les cheminées de la sidérurgie jalonnent la vallée récemment frappée par des inondations meurtrières (36 morts), et Jean-Marc doit se coltiner un camping-car bien trop grand pour sa place de parking. « Mais c’est pas possible, il prend toute la place là… Regarde, t’es à moitié sur la route », gueule le steward aux allures de biker. Le môme de Seraing, depuis ses neuf ans au stade du Pairay, en a vu défiler. Derrière ses lunettes de soleil, le gaillard défie le cagnard et se branche sur radio nostalgie.

Les gamins ont le top football européen depuis leur canapé, ils ne viennent plus pour assister à un match dehors, parfois sous la pluie.

En face de lui, rue de la Boverie, le bistro Le Stade, « fermé depuis au moins 20 ans » et dont la vitre laisse encore observer un comptoir où les toiles d’araignées ont remplacé les godets de Jupiler. « Avant, on avait même deux cafés, le deuxième un peu plus haut dans la rue. Quelle époque, on était 7000 au stade, pas emmerdés avec tous ces agents de sécurité. Maintenant, il faut faire 500 mètres à pied pour rejoindre la tribune opposée alors qu’avant, on passait par là où se trouve la station Shell. Enfin heureusement, on est de retour en D1, même si on ne verra pas plus de 1500 personnes au stade aujourd’hui. Les gamins ont le top football européen depuis leur canapé, ils ne viennent plus pour assister à un match dehors, parfois sous la pluie. Et qu’on ne me parle pas de la Covid, c’est plus compliqué que ça. »

Pendant qu’une mamie s’inquiète de l’autre côté du trottoir de sa famille qui « doit venir souper et ne pourra pas se garer devant la maison », Stéphane Huet se reprend une Tripick, « une bonne bière bien de chez nous », lâche le coresponsable des jeunes du RFC Seraing. Ils sont une trentaine, attablés dans le club house. De l’autre côté de la rue, l’entrée du stade à briques rouges et ce logo géant du club. « L’année dernière, on a eu 700 demandes de licences supplémentaires, on a dû refuser 630 gamins, t’imagines ? poursuit celui qui est l’une des figures locales. Il n’y a pas que le Standard de Liège dans le coin, nous aussi on attire. Tout le monde a envie de jouer au foot ici. »

À quelques kilomètres de là, sur la N3, la Chaussée d’amour attire les hommes en mal de sexe et c’est bien là les seules vitrines que Kim voit s’illuminer le soir.

La veille, lui et ses compères étaient à Sclessin pour voir le Standard taper Ostende, « parce qu’on est pour tous les clubs de la région, assure Bruno.Hormis les clubs flamands, tout va bien ici. (Rires.) À chaque fois qu’on joue une équipe de chez eux, on sait très bien que ça va être compliqué avec l’arbitrage. » « Ah la la, ils se plaignent tout le temps, réplique à distance l’un des ultras du 25/7 à Malines. Les Wallons aiment bien dire que les clubs flamands sont favorisés. De toute façon ici, 99% des gens parlent flamand, alors tu n’entendras pas autre chose.(Rires.) » Si les tensions culturelles et linguistiques demeurent entre entités des deux provinces du pays, c’est surtout l’évocation du G5, le quinté gagnant d’outre-Quiévrain, qui rallie la cause des « plus petits » de Belgique. Depuis 1997 et le sacre de Lierse, plus aucun titre de champion n’a échappé à Anderlecht, Liège, La Gantoise, Genk et Bruges. Les autres se contentent des miettes et d’affluences en dessous de 10 000 spectateurs (hormis Malines), pendant que les gros flirtent avec ou dépassent les 20 000.« On sait chaque saison qu’on ne jouera que le milieu de tableau », analyse froidement Kim, devant l’enceinte de Saint-Trond, le Stayen, dissimulée entre hôtel, boutiques et parking souterrain. Nous faisons partie de la « middle class » comme on dit ici. »

À quelques kilomètres de là, sur la N3, la Chaussée d’amour attire les hommes en mal de sexe, et c’est bien là les seules vitrines que Kim voit s’illuminer le soir.« C’est sûr que notre vitrine à trophées n’est pas vraiment remplie, se marre le membre de la Brigada Hesbania, le groupe ultra de Saint-Trond. Mais il n’empêche que vous avez encore des gens amoureux de leur club, de leur identité. Des habitants d’ici vont au Standard parce que c’est à 45 minutes de route, mais d’autres ne lâcheront jamais Saint-Trond et viennent parfois au stade avec le drapeau de la Flandre. » On y cause le flamand, on y déguste aussi sa frite d’avant-match et l’on « va de père en fils au stade. Alors non, nous n’avons plus 20 000 personnes au stade comme avant, seulement 3500 abonnés, mais on est en vie. » L’une des friteries installées le long de la Tiensesteenweg table sur une recette « pas très fameuse vu la pluie qui s’abat et les résultats pas folichons ». L’antre est aux trois quarts vide, et Courtrai n’a pas besoin de forcer pour s’imposer (0-2). Premier non relégable après cinq journées, le STVV a, depuis trois ans, un propriétaire japonais à la tête du club et « ça n’a pas changé grand-chose, hormis plus de Japonais dans l’équipe », complète le père de Kim, « mais on aimera toujours notre équipe. On ne cèdera pas au G5 », achève le fiston.

C’est vrai qu’on a surtout l’équipe nationale qui est très fédératrice, peu importe d’où l’on vient. À Seraing, ce ne sera pas simple de reconquérir les foules, et la Covid n’a pas arrangé les choses.

Même son de cloche à Seraing, où la victoire du week-end face au Cercle de Bruges permet de souffler dans un début de saison délicat. Avec son costume trois pièces bleu marine, Peter Kerremans, portier emblématique des années 1980, désormais manager général, décortique cette existence, « à l’ombre du Standard. Nous avons longtemps été hors du coup après des années d’enfer (le club s’est retrouvé jusqu’en sixième division nationale et le Royal Football Club Sérésien avait été absorbé par le Standard au milieu des années 1990, NDLR). Nous sommes désormais de retour au plus haut niveau et nous ferons tout pour y rester. Il faut attirer au stade les jeunes, ceux qui ne voient pas l’intérêt de venir au stade chez nous, car ils ont accès à tous les matchs européens depuis chez eux. »

Alors que l’académie du club sera bientôt nommée en l’honneur du Sénégalais Jules Bocandé, passé notamment par le PSG, Lens et Metz, le coresponsable des jeunes, Stéphane Huet, est lui convaincu de « pouvoir fidéliser à nouveau. C’est vrai qu’on a surtout l’équipe nationale qui est très fédératrice, peu importe d’où l’on vient. À Seraing, ce ne sera pas simple de reconquérir les foules, mais le retour en première division ne peut être que bénéfique. Tout comme le partenariat avec le FC Metz qui nous amène de bons éléments. » Exemple parfait, ce soir-là, Youssef Maziz, prêté par le club lorrain, est à l’origine du succès sérésien (2-1, un but, une passe décisive).

À jamais les derniers

À Malines aussi, sûrement plus qu’ailleurs dans le royaume de Philippe de Belgique, on veut démontrer qu’il n’y a pas que le G5. Hugo, l’un des ultras, rabâche sans cesse la Coupe des coupes remportée par les Malinois en 1988, à une époque où il n’était pas encore né. « Nous sommes les derniers en Belgique à avoir gagné une Coupe d’Europe, il ne faut pas l’oublier. À chaque match ou presque, on se fait un cortège depuis notre café du centre-ville jusqu’au stade. Le foot transpire à Malines. »

Et Kévin d’en rajouter une couche sur le glorieux passé teinté de chauvinisme. « L’histoire, ça ne s’achète pas. Ces clubs en haut de l’affiche nous envient l’atmosphère de notre stade. Le championnat de Belgique, ce n’est pas seulement cinq équipes. » Deux heures plus tard, l’Union Saint-Gilloise est tombée dans la fournaise sang et or (3-1) où l’on chante non-stop. « On ne sera pas champions, mais on peut faire de beaux coups, apprécie Frédéric, la trentaine, qui d’un point de vue personnel, s’apprête à en réaliser un : retrouver son vélo.

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