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La napolitaine à la sauce française
Passer de la Ligue 1 à Naples, c'est un peu comme mettre des huîtres sur une pizza : le pari est osé. Hormis Alain Boghossian et Faouzi Ghoulam, ceux qui ont quitté le calme des pelouses françaises pour la bouillante ferveur de San Paolo se souviennent surtout du choc thermique et de l'odeur du banc de touche. Bon courage à Adam Ounas !
Laurent Blanc et l’après-Maradona
Au début de la saison 1991-1992, en plus d’être bouillants, les Napolitains sont en colère. Diego Maradona, l’idole du peuple, est parti à Séville en loucedé. On peut ainsi reconnaître un certain courage au jeune et timide Laurent Blanc (25 ans) d’avoir osé poser ses valises au pied du Vésuve à l’été 1991 dans cette atmosphère pesante. « Ça peut être contraire à certaines pensées que je vienne jouer à Naples parce que la ville n’est pas tout à fait conforme à mon tempérament » , explique-t-il posément au 20h d’Antenne 2. La transition La Mosson-San Paolo est plutôt gérée péniblement par le futur Président qui, bien installé aux côtés de Ciro Ferrara dans la défense du Napoli, marque tout de même six fois et termine à une honorable quatrième place du championnat. Mais le courant passe mal avec Claudio Ranieri et Blanc crachera plus tard son amertume tactique : « Je suis arrivé en Italie avec l’idée qu’un libéro n’était pas uniquement un défenseur. Mon message a eu du mal à passer » . À la fin de la saison, il demande à être prêté à Nîmes où il connaîtra une saison galère ponctuée par la descente en D2.
Alain Boghossian, de l’OM au Napoli
Le seul, dans les années 90, à avoir vraiment réussi la transition D1-Napoli, c’est lui. Empêtré dans l’affaire OM-VA, le club phocéen n’a, à l’époque, rien à envier à la Camorra et le grand banditisme n’inquiète pas Bogho qui découvre le calcio en 1994 afin d’éviter la descente en D2 à Marseille. En trois saisons, il dispute une cinquantaine de matchs de Serie A sous le maillot bleu ciel. Grâce à sa hargne et sa dévotion, il gagne la confiance des tifosi et prend son pied dans la ferveur populaire : « À Marseille, un joueur peut quand même se balader, aller au restaurant. À Naples, ce n’est pas possible » , confiait-il avant l’opposition en 2013. Une série de blessures l’obligera à quitter Naples pour la Sampdoria en 1997 pour se relancer un an avant le Mondial.
Prunier et Pedros, deux amis en galère
En manque de temps de jeu à Parme, Reynald Pedros débarque à Naples en 1997 en espérant accrocher le wagon du Mondial. Mais comme l’ensemble de son expérience italienne, son passage à Naples où l’ambiance ne lui sied guère, est un fiasco : « L’entraînement se déroule sur un terrain sécurisé, derrière une porte blindée, dans un quartier dont la violence quotidienne apparente frise la folie » , écrira-t-il dans son autobiographie. Il ne joue que quatre matchs et s’enfuit à Lyon dès le mois de novembre. À Naples, Pedros se fait tout de même un ami en la personne de William Prunier : « Nous devenons vite inséparables, liés par l’incommensurable galère dans laquelle nous nous retrouvons. » Prunier, lui, arrive de Montpellier après deux saisons improbables à Manchester United et à Copenhague. Il joue autant que Pedros mais la vie sur le volcan semble mieux convenir à son tempérament : « Parfois, je me retrouvais même en tribune. Bon, en revanche, la ville était magnifique, mais c’était chaud en même temps. C’est pour ça que je voulais y aller » , nous confiait-il récemment. La Prune tiendra jusqu’au bout de la saison et partira finalement au KV Courtrai pour perpétuer sa mystérieuse tendance à alterner les clubs de légende et destinations saugrenues.
Réveillère, Naples plutôt que le PSG
Après le départ de Prunier en 1998, il faut attendre quinze ans avant de voir un nouveau joueur quitter le championnat français et traverser les Alpes pour fouler la pelouse du San Paolo. En bout de course à Lyon, Réveillère est tout proche de signer au PSG puis à l’OM mais s’engage finalement avec le Napoli en 2013. Il n’y reste qu’une saison au cours de laquelle il joue dix-huit matchs avant de filer à Sunderland pour terminer sa carrière dans l’anonymat. S’il a moins déchaîné les tifosi que Maradona, Réveillère garde tout même un souvenir impérissable de son passage dans la Botte : « C’était dingue, je n’ai connu ça nulle part ailleurs. En France, tu vas en boîte, des gens font des selfies avec toi. À Naples, tu ne ressors pas de la boîte. C’est même flippant. Ce sont des passionnés, des fous » , assure-t-il.
Faouzi Ghoulam, un fennec sur le volcan
Arrivé en provenance de Saint-Etienne en 2014, Faouzi Ghoulam s’installe rapidement et durablement au poste d’arrière gauche. Un temps en balance avec Strinić (qui a joué au Mans en 2006/2007 !) au poste d’arrière gauche, l’arrivée de Sarri en 2015 le met définitivement sur les rails et il distribue depuis du caviar à la louche pour Hamšík et Insigne, au point d’être l’un des tout meilleurs à son poste en Italie. Sa réussite a de quoi donner des idées à Adam Ounas, dont le caractère taillé dans le magma du Vésuve semble mieux correspondre à la folie napolitaine qu’à la tranquillité des bords de Garonne. De là à devenir le nouveau Maradona ? On fera le bilan dans un an, calmement.
Par Thomas Vennin